Auteur | Guillaume Villemot |
Editeur | Dumerchez |
Date | 2024 |
Pages | 100 |
Sujets | Éboué-Tell, Eugénie (1891-1972) Biographie |
Cote | 68 368 |
Ce petit livre richement illustré est une hagiographie aimable d’un personnage, épouse d’un célèbre administrateur colonial, qui a soutenu l’œuvre de son mari, puis, après sa disparition, continué le combat pour la liberté et l’égalité.
Eugénie Tell, épouse Éboué, vécut de 1892 à 1972. Elle est née en Guyane d’un père qui fit toute sa carrière au bagne de Cayenne, gravissant les échelons de l’administration pénitentiaire. Ses parents la scolarisèrent d’abord à l’école communale, puis engagèrent un professeur, avant de l’envoyer en France avec son frère. En 1911, elle est institutrice à Saint-Louis-du-Maroni où elle rencontre Félix Éboué. Ils se marieront en 1921 et partiront vivre à Paris, où ils côtoieront les milieux intellectuels. Félix Éboué prend sa carte du parti SFIO, tenté par les idéaux de justice sociale et d’égalité alors prônés. Nommé administrateur de 1re classe en Oubangui-Chari, ils partent pour Matadi en 1923.
À leur arrivée, tous deux se plongent dans l’observation de la culture africaine, un peu sur le modèle de Pierre Savorgnan de Brazza et de Lyautey, dans un esprit d’égalité et de fraternité que ne partageait pas l’ensemble de la représentation française. On est alors au lendemain de la guerre à laquelle ont participé activement de nombreux Africains. F. Éboué tire parti de ses déplacements pour apprendre les langues locales - tant parlées, sifflées que tambourinées - et initie son épouse. Au cours des absences de son mari, Eugénie Éboué apprend à sculpter le bois et à travailler le cuir. Ils font une présentation de leurs nouvelles connaissances au XVe Congrès d’Anthropologie de Paris en 1936.
Puis F. Éboué est nommé secrétaire général de la Préfecture en Martinique (1932-1934). Là, il s’implique dans la vie politique des habitants et lutte contre la fraude électorale, se heurte au racisme noir de la communauté blanche, et veille à ce que les habitants aient des conditions de vie décente. Ils sont devenus francs-maçons.
Puis, c’est l’installation dans leur maison à Asnières qui devient le lieu de regroupement de la famille avant le départ pour Bamako où F. Éboué est nommé secrétaire général du gouverneur, puis gouverneur. Son épouse poursuit ses recherches en linguistique. En 1936, ils sont rappelés à Paris et le ministère des Colonies envoie Félix en Guadeloupe où la situation est grave. Eugénie ne le rejoindra qu’à la fin de l’année, ce qui engendre une abondante correspondance entre les époux. Eugénie Éboué, à la fin de leur séjour, organise un bal permettant aux différentes communautés de se côtoyer ; cet événement est resté célèbre depuis. Ils quittent la Guadeloupe en 1938, sous les acclamations de la population, pour rejoindre le Tchad ; F. Éboué y est nommé gouverneur, avec la mission de développer le pays : après la déclaration de guerre, il faut renforcer le territoire avec très peu de choses… Devant l’avancée allemande, F. Éboué assure de Gaulle de son soutien après avoir entendu son Appel du 18 Juin, ce qui n’est pas le cas des officiers sur place, ralliés à Pétain. Le 24 août, le Tchad devient le premier territoire de la France libre. Leurs enfants sont alors en France ou au Caire ; deux d’entre eux ne pourront rejoindre leurs parents qu’en 1942, grâce à Gaston Monnerville et à la Résistance. En 1941, leur fils Charles les rejoint et devient pilote à la RAF. Le 5 juin 1941, Félix et Eugénie Éboué sont condamnés à mort par contumace.
Novembre 1940, de Gaulle nomme F. Éboué gouverneur général de l’AEF ; il doit partir à Brazzaville. Épuisé par ses combats, il décède après la Conférence de Brazzaville de 1944 qui réunissait tous les gouverneurs et les membres du gouvernement de la France libre qui réclamaient une révision profonde de la politique suivie jusqu’alors par la France vis-à-vis de ses colonies. Des obsèques nationales ont lieu au Caire.
Commence alors une nouvelle vie pour Eugénie Éboué. Elle se présente comme candidate aux élections municipales sur la commune de Grand-Bourg à Marie-Galante. Le 21 octobre 1945, elle y est élue députée et est sollicitée par la Guadeloupe ; à la Chambre, elles sont alors deux femmes noires. Elle s’engage dans le soutien aux femmes, le développement de l’éducation et de la culture, tient à venir à bout des inégalités et réclame l’extension de la Sécurité sociale aux Outre-mer. Elle participe à la rédaction de la Constitution en 1946, rejoint le Sénat, y représentant la Guadeloupe.
Sa fille, Ginette, épouse Léopold Sédar Senghor ; l’union ne fut pas heureuse et ils se quittèrent neuf ans plus tard.
En 1947, la SFIO la somme de choisir entre le Parti et le général de Gaulle ; elle rejoint le RPF. À l’Assemblée, elle prend une part active - avec Gaston Monnerville, Aimé Césaire et Raymond Vergès notamment - afin que la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion, deviennent des départements français à part entière. En 1946, aux Îles Vierges, elle représente la France à la Conférence des Indes orientales, participant au blocus des ambitions américaines. Elle préside l’Association des Français de l’Union française. André Malraux la fit élire présidente de l’Union privée pour l’aide à l’élection nationale du général de Gaulle, à la recherche d’argent indispensable pour améliorer la situation. Elle court le monde, surtout lors des célébrations à la mémoire de son mari. En 1949, les cendres de Félix Éboué furent transférées au Panthéon. En 1957, une statue fut érigée en son honneur à Brazzaville, ainsi qu’un monument en mémoire de Victor Schœlcher.
En 1952, malgré ses espérances, elle ne fut pas élue députée à la Guyane ; elle poursuivit cependant son combat et ses actions sociales en faveur des Outre-mer dans le cadre de l’Union française. En 1959, elle devint conseillère municipale d’Asnières, y développant actions sociales, sport pour les jeunes, et est nommée membre du Conseil économique et social dans la section des activités sociales jusqu’en 1962. Puis, attachée parlementaire en 1961, elle rejoint l’Unesco en qualité de responsable de l’aide aux mouvements de libération nationale, et contre l’apartheid en Afrique ; elle parcourt l’Afrique française et les Outre-mer.
Le général de Gaulle l’honorera de la Légion d’honneur. Elle recevra de nombreuses autres décorations avant de s’éteindre le 23 novembre 1972.