Auteur | Hadrien Collet |
Editeur | CNRS |
Date | 2022 |
Pages | 479 |
Sujets | Sultanat Mali Histoire Historiographie |
Cote | 66.750 |
Hadrien Collet est historien, érudit arabisant, ayant rédigé ce livre à la suite de sa thèse. Il se montre soucieux de consulter un maximum de manuscrits, relisant ceux étudiés par ses prédécesseurs et partant à la recherche de ceux qui leur ont échappé. L’auteur fait preuve d’originalité en décodant la documentation à rebours : il examine les informations autour du passé de la vaste région de la Boucle du Niger, époque par époque, soulignant l’importance des périodes du XIXe siècle, mais aussi du XVIIe siècle, et de ceux du milieu de l’époque médiévale, analysant avec finesse les écrits des grands écrivains que furent Al Umari et Ibn Battuta, dressant un bilan de l’historiographie connue concernant le sultan mythique Mansa Mussa et son séjour en Égypte à l’occasion de son pèlerinage à la Mecque. Il explique l’état des connaissances de chacune, leurs différentes manières d’appréhender l’histoire de cet univers, avant d’établir un condensé des informations effectives de ce que nous pouvons savoir des « Empires de la Boucle du Niger ».
Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, en pleine période orientaliste, l’Europe s’intéressait au Mali, par le biais de ses artistes, mais également de ses sociétés savantes. La science coloniale naissait, faisant redécouvrir tout un passé au travers de ses préjugés. Au lendemain des indépendances, les approches sont devenues différentes, chacun cherchant à prouver la justesse de ses opinions, l’histoire devenant un instrument au service de la nouvelle histoire africaine.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage, c’est au tour de la période post médiévale d’être examinée : alors, les historiographes arabisants écrivaient le passé de l’ouest africain en s’appuyant sur la trilogie Ghana, Mali, Songhaï, mode suivie jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Une autre histoire a également été écrite autour du « Takrur », particulièrement au XVIIe et au XVIIIe siècles, se référant à toute une série d’écrits, notamment le Tarikh el Fettach, reconstituant et réécrivant l’histoire du passé de la région de la Boucle du Niger.
La troisième partie du livre examine l’histoire du Mali et de son sultanat à travers les écrits des historiographes médiévaux qui traitèrent avec émerveillement le séjour de Mansa Musa au Caire. Al Umari et Ibn Battuta y sont les auteurs phares, il est également fait appel à bien d’autres, arabisants restés peu connus, qui ont au moins un point commun, celui de s’être rarement rendus dans la région dont ils traitent l’histoire, transcrivant les codes de genres littéraires propres à leur époque, notamment dans le rendu des termes locaux, se plaçant entre politique et oeuvre littéraire, faisant montre d’un savoir encyclopédique.
Cet important travail interroge sur le sens de l’histoire, souligne que notre connaissance du passé ne s’établit qu’au travers des documents disponibles. Ainsi des ajouts de traditions d’autres ensembles politiques contemporains peuvent déclencher de véritables déviations : tel le développement des histoires autour de Tombouctou nées au XVIIe siècle, ou l’écriture de la mémoire liée à Sundjata Keita. Ce dernier aspect souligne la très faible part accordée aux traditions orales locales et à l’archéologie qui, pourtant, ont débuté des travaux intéressants. Sont également négligées les sources européennes, les plus anciennes remontant au XVIe siècle, dont les informations dépassent le seul secteur côtier.
L’auteur, en bon élève de la Sorbonne, fait ici un point de nos connaissances du passé de cette région, souligne la part de l’ethnocentrisme et laisse le champ des recherches historiques ouvert sur l’avenir.
Ce travail s‘achève par une abondante bibliographie riche de références utiles, et par un index répertoriant les noms propres cités au fil des pages.