Politiques de santé en Guinée : de la colonisation au début du XXIe siècle

Madame Safiatou Diallo a effectué ses études d’histoire jusqu’au master à l’université de Conakry, en Guinée, puis son doctorat en histoire à l’Université de Paris-CESSMA. Spécialiste des systèmes de santé en Guinée, elle est enseignante-chercheuse en Guinée, où elle a fondé le CIRD, premier centre de recherche indépendant en Guinée.

L’ouvrage qu’elle a publié à L’Harmattan en 2021 est tiré de son travail de thèse réalisé sous la direction de la professeure Odile Goerg, de l’Université de Paris.

Dans les 360 pages de cet ouvrage, Mme Diallo analyse les politiques de santé développées en Guinée, depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours. Il s’agit d’un ouvrage de grand intérêt, en raison de la rareté d’études sur la santé en Guinée.

La méthodologie de travail associe recherche documentaire et enquêtes de terrain, avec interrogatoires de témoins des différentes époques.

Sont successivement analysés les systèmes de santé du pays à l’époque coloniale (première partie), durant l’ère Sékou Touré, de 1958 à 1984 (deuxième partie) et durant le régime militaire, puis civil de Lansana Conté (1984-2000).

L’analyse faite par Mme Diallo des systèmes sanitaires de ces trois périodes est parfaitement impartiale et distanciée. Tout est dit avec franchise, sans langue de bois ni dogmatisme. L’auteure fait preuve dans cet ouvrage d’une remarquable honnêteté intellectuelle, qualité indispensable d’un historien, mais pas toujours présente dans les études historiques.

Pour chacune de ces périodes, sont analysées l’offre de soins, les structures de soins et leur répartition à travers le pays, l’offre de formation et les relations soignants-soignés.

A l’époque coloniale, les structures de santé mises en place originellement pour protéger les Blancs se sont progressivement étendues aux populations colonisées, avec la création de structures de santé et de formation des colonisés. A la suite de la Seconde Guerre mondiale, une importante réforme a conduit à une forte amélioration du système de santé des Africains et à la multiplication des infrastructures de formation et de santé (hôpitaux coloniaux et AMI). Le développement de la microbiologie a permis la mise en place de grands programmes de prévention (vaccination) et de lutte contre les grandes endémies. A la fin de l’époque coloniale, la France laisse une situation sanitaire appréciable, avec des infrastructures de santé modestes mais de qualité.

Le régime de Sékou Touré lance dès 1958 un ambitieux programme de mise en place d’un système de santé populaire et révolutionnaire, basé sur la valorisation de la médecine traditionnelle pour enrichir la médecine moderne. Pour faire face au départ des personnels français et au blocus économique, la Guinée se tourne vers les États socialistes du bloc de l’Est pour la construction de structures régionales de santé, de quatre écoles professionnelles de santé et d’une faculté de médecine. Mais le lancement de la Révolution culturelle socialiste en 1968, avec la politisation des structures et la fuite des élites, va entraîner une dégradation du niveau de la formation médicale, ainsi qu’une insuffisance des financements aggravant la vétusté des infrastructures, des pénuries d’équipements et de médicaments.

C’est dans ce contexte de grave crise sanitaire que les militaires prennent le pouvoir à la mort de Sékou Touré, en 1984. Ils prônent une ouverture internationale et obtiennent l’appui des grands organismes internationaux, tels l’OMS et l’UNICEF. Ils adhèrent en 1987 au Programme élargi de Vaccination, Soins de santé primaire et Médicaments essentiels. Les infrastructures de santé augmentent au niveau central, intermédiaire et périphérique. Mais une liberté mal maîtrisée, le libéralisme économique et la privatisation du secteur de la santé entrainent une diminution de la qualité des soins, une détérioration de la relation patients-soignants et une baisse considérable du niveau des apprenants. Au final les dysfonctionnements et les déficiences du système actuel de santé sont multiples en Guinée, avec des inégalités très fortes dans l’accès aux soins de qualité de la population. Pourtant, l’auteure estime que la situation sanitaire et médicale des Guinéens s’est nettement améliorée depuis le début du XXe siècle. 

Cet ouvrage, très bien écrit, témoigne d’une parfaite maîtrise de la langue française par l’auteure. Il est assez facile à lire bien que très documenté. C’est un ouvrage de grande qualité, informatif et courageux.

La seule critique que je puisse faire est de regretter que l’auteure n’ait pas réussi à s’affranchir du formalisme académique d’une thèse et n’ait pas synthétisé son ouvrage de façon plus succincte, pour en faire un document plus léger, plus « digeste » et accessible au public.