L'amphitéâtre et le prétoire : au service des droits de l'homme et de la démocratie ...

Recension rédigée par Jean-Marie Breton


Il était logique et opportun que ses collègues, ses disciples et ses amis honorent, au terme de sa vie active, le juriste émérite qu’est Robert Dossou, et rendent hommage à l‘universitaire, à l’avocat, au magistrat, et au responsable politique qu’il fut tout au long de celle-ci. Ces Mélanges (qui l’accueillent dans la communauté très réduite de ceux qui en ont été à ce jour récipiendaires) viennent à point à la fois pour célébrer son oeuvre, et pour enrichir de nouvelles réflexions les pistes qu’il a sû ouvrir et les avancées du droit, africain en particulier, auxquelles, tout au long d’une carrière aussi diversifiée que remarquable, il aura contribué.

     Il n’a jamais été aisé de rapporter l’essentiel d’un ouvrage de cette importance, fait de contributions nombreuses et diverses, dans tous les champs du droit abordés par l’intéressé, en sa double qualité de théoricien et de praticien. Les chapitres qui le composent sont en effet autant d’articles ou d’études spécifiques, dont le nombre interdit que l’on puisse dire un mot de chacun d’entre eux dans une recension dont le format reste limité.

     Il convient alors de s’en abstraire - en partie tour au moins -, pour prendre un peu de hauteur afin de tenter de trouver le lien, le « fil rouge », s’il en existe un, entre ces différents hommages, dont l’éclectisme ne saurait occulter la richesse ni l’intérêt.

      Ce qui est fondamentalement en cause ici, ce sont la reconnaissance, la dynamique, l’originalité, la vie en un mot, d’un droit africain, droit constitutionnel en particulier, dont la vocation et la mission résident dans l’encadrement et la maîtrise du développement et du devenir des États du continent, à l’aune des grandes mutations sociales, culturelles, politiques et économiques, comme de péripéties événementielles à l’origine de transformations normatives et institutionnelles parfois essentielles. 

     La carrière de Robert Dossou, entre « l’amphithéâtre et le prétoire », mais aussi entre responsabilités gouvernementales et présidence du Conseil constitutionnel béninois  comme les propos de ceux qu’elle a inspirés et guidés, attestent que ce droit, dont la construction inachevée laisse ouvertes d’immenses perspectives, doit être élaboré, reçu, compris, mis en oeuvre et sanctionné, au tournant des XXe et XXIe siècles, au service de la souveraineté autant que de la liberté, de l’État de droit que de la démocratie (fut-elle enrichie par le « génie » africain), des droits collectifs des peuples que des droits individuels des hommes.

          Outre les quelques hommages qui les précèdent, une soixantaine de contributions constituent cet ouvrage, émanant de juristes de diverses origines et nationalités. Pour des raisons de logique intrinsèque en même temps que pour en faciliter l’accès aux lecteurs, il aurait sans doute été pertinent que ces contributions soient regroupées par grands thèmes, ou par disciplines juridiques, plutôt que présentées par ordre alphabétique de leurs auteurs, ce qui ne répond pas à la démarche scientifique que reflète généralement la présentation de ce type d’ouvrage. Chacun devra en effet parcourir l’intégralité de la liste des études pour pouvoir y trouver ce qui correspond à ses centres d’intérêt ou à ses propres travaux, s’agissant du droit constitutionnel ou du droit administratif, du droit électoral ou du droit international, sinon même du droit commercial ou de l’économie.

           Hormis cette réserve de forme, qui pourrait nuire à la « lisibilité » de ces Mélanges, on se félicitera de voir ainsi honorés la carrière et les travaux de Robert Dossou, travaux qui, des dizaines d’années durant, ont traversé et exploré le champ des principaux volets du droit public d’Afrique Noire francophone, à travers ses multiples responsabilités d’avocat, de professeur de droit, de président du Conseil constitutionnel, de parlementaire, ou de ministre. Ses pairs et amis n’oublieront à cet égard ni son éloquence sereine et convaincante, ni la pertinence et la conviction de ses analyses.

           Le grand juriste - par ailleurs membres associé de l’ASOM - ainsi célébré laissera à n’en pas douter une trace majeure dans le difficile processus de construction d’un droit africain « moderne » et pragmatique, tout à la fois réfléchi et empirique. On souhaitera qu’il finisse par triompher des aléas des politiques locales, et des vents contraires favorables aux vieux démons de la confiscation du pouvoir, de la manipulation des élections, ou du détournement des textes constitutionnels au profit d’ambitions qui ne sauraient plus être de mise aujourd’hui.

      La découverte ou l’approfondissement de la pensée de Robert Dossou, et l’exploration de ses expériences professionnelles, sont porteurs, à cet égard, d’un souffle d’optimisme que les contributions (parfois inégales, mais c’est la rançon incontournable du genre) figurant dans cet ouvrage ne peuvent que conforter. C’est à juste titre que les hommages qui les précèdent ont évoqué, à son propos, « une voix forte, franche et juste », « au service du droit, de la loi et de l’humain ».

      Puisse cette voix continuer à interpeller longtemps encore les juristes et africanistes de tous horizons.