Auteur | Alessandro Stanziani |
Editeur | Raisons d'agir |
Date | 2012 |
Pages | 188 |
Sujets | Russie Politique et gouvernement Histoire Empire moghol Politique et gouvernement Histoire Chine Politique et gouvernement Histoire |
Cote | 58.408 |
Entre le XVIe et le XVIIIe siècles, se sont construits et maintenus par la force des armes, trois empires considérables : russe, chinois et moghol selon des organisations et modes opératifs qui ne correspondent en rien à l’expression de puissance et de domination sur laquelle se forgera ultérieurement la suprématie occidentale au cours de ses révolutions militaires et technologiques successives.
Ces empires, cependant, géraient différemment leurs armées dont l’administration, le soutien en termes de recrutement et de logistique et l’intégration sociale étaient parfaitement adaptés à l’usage de politiques expansionnistes dans cette croisée des mondes qui constitue aujourd’hui encore l’espace asiatique et ses bordures.
Leur force ne reposait pas sur des révolutions industrielles et militaires subordonnées à un despotisme centralisateur, mais sur la cavalerie et le sabre, venus des steppes et sur des modes d’intégration sociaux et politiques transformant des éléments chinois de la population locale en agents impériaux et élites militaires fidélisés particulièrement efficaces. C’est la méthode employée par les princes moscovites à la conquête de l’Asie centrale. Ces derniers assurent leur hégémonie par le contrôle efficace des approvisionnements et une remarquable gestion administrative du recrutement et de la fidélisation des troupes à travers l’intégration réunie des élites militaires et foncières des populations de la steppe.
Pour l’empire chinois dans son expansion vers l’ouest, le modèle est en partie différent, car si le système d’intégration des élites militaires issues de la steppe emprunte les mêmes voies, il est cependant fragilisé par l’insuffisance impériale à contrôler les approvisionnements et les réserves nécessaires aux armées.
En Inde enfin, les Moghols ne centralisèrent jamais tout à fait sous la même direction, puissance militaire et hiérarchie fiscale et administrative. Mais ils concilièrent eux aussi les techniques de combat de la steppe mongole avec celles des combattants professionnels indiens, qu’ils intégrèrent et fidélisèrent avec succès au cours de leur expansion commerciale et des opérations de conquête. Cependant si cette solution se révéla efficace dans la construction de leur empire, elle trouva néanmoins ses limites dans le cadre récurrent des révoltes internes hindoues et iraniennes, au XVIIIe siècle en particulier.
Dans les trois cas étudiés, l’empreinte des steppes usant du sabre et du cheval, est déterminante sur les organisations militaires et administratives de l’état. Mais ce système qui connut un succès évident présentait des faiblesses, compte tenu de l’immensité des territoires, des oppositions centrifuges toujours récurrentes et, c’est le cas de la Chine, d’un contrôle insuffisant des finances et des marchés qui la fragilisèrent face aux occidentaux.
À terme, en effet, et face à l’Occident, ces modèles connaîtront le repli puis l’échec. Force est de constater cependant que c’est seulement à l’époque de la puissance économique et militaire fondée sur la standardisation des tâches et de la haute technologie des armes et des outils que l’Occident aura le mieux exprimé sa force. En conclusion, la vision occidentale de l’histoire du monde ne rend pas suffisamment compte des développements spécifiques et originaux de cet autre monde que constitue l’Asie, et encore moins, sans doute, des dynamiques nouvelles de développement et de puissance qui la traversent aujourd’hui.
Et s’il fallait tirer une leçon de cet ouvrage passionnant et remarquablement démonstratif dans son analyse, c’est qu’il n’y a pas de modèle unique et déterminant « d’imperium », tel que notre historiographie européo-centrée nous en a communément convaincus, mais des facteurs politiques, culturels, sociaux et militaires originaux qui, combinés à des modalités différentes de croissance économique et de marché peuvent produire les plus étonnants développements de puissance et d’unification.
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