Auteur | Dominique Le Brun |
Editeur | Omnibus |
Date | 2018 |
Pages | 366 |
Sujets | Méduse (frégate ; 1810-1816) Naufrages Récits personnels |
Cote | 62.176 |
II s’agit, selon la spécialité de l’auteur et de la collection, d’une anthologie. L’un des plus horribles drames de la mer est raconté au fil de ce livre dense par ceux qui l’ont vécu à bord, sur le célèbre radeau, ou pendant leur cheminement de naufragés vers Saint-Louis du Sénégal. Le Moniteur Universel du10 septembre 1816 révéla ainsi le fait-divers : « La frégate la Méduse s’est perdue le 2 juillet à 3 heures du soir, par un beau temps, sur le banc d’Arguin, à vingt lieues du Cap Blanc (en Afrique, entre les îles Canaries et le Cap Vert). Six chaloupes et canots de la Méduse ont sauvé une grande partie de son équipage et de ses passagers ; mais de 150 hommes qui comptaient se sauver sur un radeau, il en a péri 135 ».
C’était le résultat d’une incroyable accumulation d’incompétence, d’impéritie, de lâcheté, de désordre, de mensonge et d’imbécilité. Le2 juillet 1816 la Division du Sénégal, forte de quatre navires sous les ordres du capitaine de frégate de Chaumareys à bord de Méduse, est en route pour Saint-Louis. Elle conduit le nouveau gouverneur du Sénégal que nous a restitué le traité de Paris mettant fin aux guerres de l’Empire. Chaumareys, un émigré réintégré vingt-cinq après avoir quitté la marine n’a aucune expérience professionnelle mais se montre d’une arrogance brutale. Ses officiers dévoués à Napoléon le haïssent et le laissent assumer son incompétence. À la suite d’une énorme erreur de navigation, la Méduse s’échoue sur le banc d’Arguin. La frégateest abandonnée dans un désordre honteux qui dégénère en sauve-qui-peut général, alors que, posée de tout son long sur le sable, elle ne court aucun risque de couler ni de se disloquer.
Et l’abomination continue. L’un des premiers, Chaumareys se jette dans son canot avec le gouverneur du Sénégal. La flottille d’embarcations tente de remorquer le funeste radeau constitué d’éléments de mâture sur lequel 147 malheureux, la plupart des soldats, s’agrippent les uns aux autres dans l’eau jusqu’à la taille. Et puis les canots larguent le radeau qui les retient et font voile vers l’est en débandade. Le soir même, ils touchent la terre toute proche. Les naufragés s’acheminent par la mer ou par la terre vers Saint-Louis en abandonnant le radeau à son sort. Quand Chaumareys accoste à Saint-Louis dans la nuit du 8 au 9, une quinzaine de survivants du radeau mâchent les lambeaux d’un cadavre. L’irréparable est accompli, trois jours à peine après avoir abandonné la Méduse. On sait aujourd’hui que l’on peut mourir de peur intense en 72 heures.
Un conseil de guerre allait déclarer Chaumareys coupable de la perte de la frégate, de son abandon et de celui du radeau. Échappant à la peine de mort, il serait rayé de la liste des officiers de marine et condamné à trois ans de prison militaire. Le scandale aggravé par d’autres accidents de mer imputables aux officiers réintégrés allait conduire à mettre à la retraite quelque six cents officiers de marine issus de l’Ancien Régime.
Les recensions de l' Académie des sciences d'outre-mer sont mises à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transcrit.
Basé(e) sur une oeuvre à www.academieoutremer.fr.