Treize médecins explorateurs

Recension rédigée par Jean-Loup Vivier


L’auteur est professeur de médecine émérite. Il a écrit de nombreux livres d’histoire de la médecine. Il est membre de l’Académie de médecine et de … de la Société d’archéologie du département de résidence du rédacteur de ce compte rendu !

Il a choisi de rappeler ce que fut la vie de treize voyageurs plus ou moins célèbres, dont le lecteur découvre qu’ils furent aussi des médecins : Gustave Le Bon, Victor Segalen, le commandant Charcot sont de ce nombre. Mais l’introduction en cite d’autres, tels Livingstone, Gustav Nachtigal qui prit possession du Togo et du Cameroun au nom de l’empereur d’Allemagne, le Hollandais Kaempfer, témoin du Japon au XVIIème siècle, à une époque où l’empire du Soleil levant se fermait au reste du monde. Les treize médecins dont nous survolons l’existence sont nés entre 1836 et 1867, à l’exception de deux d’entre eux qui virent le jour aux XVIIème et XVIIIème siècles. Ces médecins accompagnèrent l’épopée coloniale de la France, et plusieurs appartenaient à la marine ou à l’armée. Rappelons en passant le médecin militaire René Trautmann, dont il n’est pas question dans le livre, mais qui a laissé de délicieuses nouvelles.

Avec ces médecins, nous apprenons les difficultés et les dangers de parcourir à l’époque l’Asie du sud-est, la Chine, le Népal, l’Océanie, l’Amérique du sud, Madagascar, le Congo, les Carpathes, le Moyen-Orient ou les régions polaires. Certains de ces explorateurs payèrent leur passion de la vie. Le commandant Charcot périt dans le naufrage du Pourquoi-pas ? Un jeune marin, qui accompagne le médecin de marine Crevaux, marche sr une raie venimeuse et meurt de la gangrène trois jours plus tard (p. 133). Crevaux lui-même meurt en 1882, à trente-cinq ans, tué par les Indiens Tobas dans le Gran Chaco (p. 134). Rançon, né à Vars près d’Angoulême, meurt des fièvres en Guyane à quarante-deux ans.

Ces médecins furent de passionnés chercheurs et ont laissé une œuvre dans des domaines souvent étrangers à la médecine : zoologie, botanique, ethnologie, anthropologie. Au XVIIIe siècle, Steller, médecin bavarois au service du tsar, s’occupa aussi de traiter le scorbut, qui était à son époque une cause importante de mortalité au sein des équipages.

Quelques anecdotes attireront les réactions indignées de certains lecteurs qui jugent une époque d’après certaines règles qui prévalent aujourd’hui. Ainsi, nous apprenons que Segalen enlève la tête d’une statue de bouddha présente dans une pagode chinoise, pour se l’approprier (p. 223). Crevaux, descendant l’Orénoque en pirogue, pille les cimetières pour enrichir, en France, les collections des crânes, momies et squelettes ainsi prélevés (p 132).

Le livre est construit à partir d’autres livres, et non pas à partir de recherches en archives. C’est donc une compilation. La faiblesse de ces ouvrages est de reproduire les erreurs ou les oublis des livres précédents.

Ainsi, nous lisons que Lortet, né en 1836, aurait été élève du lycée Ampère (p. 47). Or, à son époque on ne connaissait que le « lycée de Lyon », qui ne reçut le nom d’Ampère qu’en 1888. Quant à Balay, qui commença sa carrière comme compagnon de Brazza, et qui devint lieutenant-gouverneur de la Guinée en 1891, il aurait été intéressant de rappeler que sa promotion en 1900 comme gouverneur général de l’Afrique occidentale française, en pleine épidémie de fièvre jaune, venait à la suite de la fuite du titulaire de ce poste, fuite particulièrement mal ressentie à l’époque, comme le rappellera son contemporain Robert Arnaud. Ce dernier, Robert Randau en littérature, appartînt à notre Académie.