Auteur | sous la direction de Arnaud Diemer, Christel Marquat |
Editeur | De Boeck |
Date | 2015 |
Pages | 376 |
Sujets | Développement durable Développement économique Aspect environnemental |
Cote | 60.654 |
Nous avons eu l’occasion d’écrire il y a peu[2] que « la notion de « développement durable » est à la mode depuis un certain nombre d’années déjà. « Non seulement elle suscite de nombreuses publications plus ou moins savantes, mais elle alimente surtout un discours sinon des controverses récurrents, dont il n’est pas certain que ceux qui s’y réfèrent sachent toujours bien ce que recouvre exactement ce concept ni quels en sont à la fois les critères, le contenu, les enjeux et les implications, aux plans aussi bien politique qu’économique, sociologique qu’environnemental. Le risque est alors grand, comme il en va de toute notion qui fait l’objet d’une « récupération » et d’une vulgarisation élargies, de le voir perdre en rigueur scientifique et en crédibilité fonctionnelle ce qu’il gagne en extension discursive ».
Cette remarque, qu’il convient de garder présente à l’esprit, trouve également toute sa signification à la lecture de l’ouvrage collectif présenté ici, dont le contenu non seulement illustre la pertinence de ce propos, mais en outre et surtout apporte d’indispensable éléments de clarification à cet égard, à travers une double démarche « croisée » et transdisciplinaire qui en fait tout l’intérêt.
La notion de « développement durable » n’est pas nouvelle, et a suscité une logorrhée doctrinale qui est loin d’être tarie. Depuis son apparition à l’occasion de la publication du fameux « Rapport Bruntland », lors de la Conférence de Stockholm de 1972[3], jusqu’à ses avatars les plus récents lors du 3ème Sommet de la terre, à Rio-de-Janeiro, en juin 2012, elle n’a cessé d’interpeler les décideurs et les acteurs des politiques développementale et environnementale, politiciens et gestionnaires, scientifiques et juristes, économistes et sociologues, géographes et aménageurs, pouvoirs publics et représentants associatifs de la société civile. Des problématiques et des questionnements aussi fondamentaux que cruciaux sont au cœur du débat : préservation de l’environnement, sauvegarde de la biodiversité, changement climatique, développement soutenable et reproductif, cadres et qualité de vie, solidarité intergénérationnelle, gouvernance nationale et internationale, etc. La nécessité de « croiser les regards » sur l’élaboration d’une notion qui renvoie au « mythe » de la nature inviolée sinon d’un paradis terrestre saccagé et perdu (entre Bernardin de Saint-Pierre et John Milton, la saga biblique et J.-J. Rousseau, entre autres) s’impose plus que jamais, ne serait-ce que pour aider à décrypter successivement, de manière à la fois logique et chronologique, les représentations, les enjeux, ainsi que les perspectives idéologiques autant que les exigences opérationnelles du développement durable projetées sur les futurs de sociétés en devenir et d’une humanité en péril.
L’état des lieux dressé par les différents contributeurs de cet ouvrage collectif montrerait-il que l’écodéveloppement a été « un rendez-vous (regrettablement) manqué » ? Le développement dans les pays émergents constituerait-il une chance ou au contraire « une condamnation pour l’avenir des populations pauvres en Afrique » ? La durabilité d’un développement « autre » ou « autrement » serait-elle directement tributaire de ses dimensions culturelle et éthique, et intrinsèquement tributaire des exigences conjointes d’efficacité et de solidarité ?
Au-delà des seules « représentations », à tous égards déterminantes quant à la vision et à la place du développement durable dans les politiques locales autant que régionales ou même mondiales, les « enjeux » s’avèrent tout aussi déterminants, si l’on considère, ce que nul ne saurait plus aujourd’hui raisonnablement contester, que ce qui est en jeu, à terme, n’est rien moins que le maintien de la vie sur terre, et donc, en premier lieu la survie de l’humanité à travers celle de l’espèce humaine, maillon à part entière et indissociable du vivant et de la biodiversité. Les aspects opérationnel du développement durable peuvent alors appréhendés sous divers angles, qu’il s’agisse, principalement, de l’énergie, de l’alimentation, de l’agriculture, de la gestion des ressources en eau, de l’économie sociale et solidaire, de la prévention des risques majeurs et de la lutte contre la pauvreté, de la gouvernance participative, de la coopération régionale et internationale, d’éducation et de médiatisation.
Ce serait une gageure que de prétendre « conclure » le débat sur une question aussi complexe que multiple, aussi sensible que controversée, qui se situe au cœur de visions sociétales « essentielles » comme de choix cruciaux de politiques publiques. Les auteurs n’ont pas pris ce risque, se contentant à juste titre de souligner in fine que « le choix de l’entrée dans le développement durable est réalisé par les portes d’entrée classiques que représentent le volet social, le volet environnemental et le volet économique » ; tout en insistant sur la problématique des risques majeurs porteurs d’une menace qui compromet la sécurité des personnes, l’activité économique, l’équilibre écologique, la sauvegarde des patrimoines environnementaux et culturels, ainsi que le développement social de la société ». Problématique en l’occurrence transposable à l’ensemble des pays du nord et du Sud, qui partageraient à la fois la finalité et la résilience de la durabilité.
Cet ouvrage propose donc une lecture particulièrement stimulante à tout esprit ouvert au devenir des êtres et des choses, dont ne saurait se désintéresser, à peine de remettre en jeu sa propre existence, aucun « honnête homme » à l’ère d’un millénaire lourd de nombreux et graves périls.
[1]
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Basé(e) sur une oeuvre à www.academieoutremer.fr.
[2] Entre autres, voir notre recension à propos de l’ouvrage de Pierre Jacquemot, Le dictionnaire du développement durable (Sciences Humaines Ed., Auxerre, 2015)
[3]Voir : B. Leander, « Les moissons de la cupidité. Une bombe politique aux Nations Unies », dans J.-M. Breton (dir.), Développement viable et valorisation environnementale. Enjeux et perspectives (Caraïbe-Amérique lati-ne), Série « Iles et pays d’Outre Mer », vol. 4., Ed. Karthala-CREJETA, Paris, 2006, pp. ….