Vivre à l'île Bourbon au XVIIIe siècle : usages, mœurs et coutumes des habitants d'une colonie française sur la route des Indes de 1715 à 1789

Recension rédigée par Josette Rivallain


            Avec cet ouvrage, l’éditeur entend ouvrir une collection patrimoniale consacrée à l’Océan indien.

            Dans ce livre le texte, bien structuré, est illustré d’une belle iconographie de
l’époque : tableaux, plans, pages manuscrites, photographies de poteries grossières et de fines faïences, de marmites, d’outillages et instruments divers, tous documents trop rarement cités dans la plupart des études savantes. Il s’achève par de précieuses annexes citant les documents d’archives consultés accompagnés de leur cote.

            L’auteur, Albert Jauze, a consacré beaucoup de temps à explorer méticuleusement, puis à publier, de nombreuses informations contenues dans les archives de la Réunion, redonnant vie à ses habitants du XVIIIe siècle alors en pleine situation coloniale autour des maîtres, des esclaves dont les vies se côtoyaient. Il cherche avant tout à retracer les modes d’occupation des sols, la vie quotidienne des plus aisés et des plus humbles dans ses moindres détails, à nous dépeindre les paysages d’alors, l’importance de l’île, escale sur la route des Indes, s’appuyant en grande part sur les documents notariaux et les inventaires après décès, les actes de poursuite des esclaves, ceux relatant les affranchissements.

            Ainsi entrons-nous dans la vie intime des habitants des plantations, dans leurs activités en grande part agricoles, mais également participons-nous à leurs loisirs, aux réjouissances publiques. A travers les pages, nous explorons les habitats, leur architecture. Une fois à l’intérieur, s’offre à nous le contenu des armoires, des buffets, nous pouvons imaginer les règles d’hygiène de l’époque, et passons à table car les archives conservent les menus et le prix des denrées. Une grande place est faite aux plantes cultivées : produits vivriers et produits de traite se côtoient : sucre, vanille, café.

            L’élevage et le braconnage y ont une large place : on sait comment se pratiquait la traite, les soins, comment les animaux pouvaient être utilisés. L’outillage permet de retrouver les gestes des artisans et leur production. La variété des pièces de monnaie qui y circulaient s’expliquent par cette position d’escale sur un axe commercial d’importance, malgré l’existence de monnaies frappées.

            Au final, on peut mesurer la modestie de la vie rustique menée par les habitants. Les documents comptables décrivent la vie sans fioriture. Au point que l’auteur regrette qu’ils ne prennent pas en compte les objets de loisirs, dont les instruments de musique, les jeux. Les trains de vie y étaient modestes. Ce type d’étude reste bien rare, alors qu’il rend possible une meilleure appréhension du fonctionnement d’une société à une époque précise, de ses codes, de ses règles, contrebalançant des approches souvent bien générales.