Auteur | Michel Blay |
Editeur | CNRS |
Date | 2018 |
Pages | 228 |
Sujets | Wollman, Élie L. (1917-2008) Sciences Coopération internationale Recherche France Brésil |
Cote | 63.035 |
Le CNRS publie un dossier retraçant l’histoire de la coopération scientifique établie anciennement entre la France et le Brésil, et soulignant la part qu’y a prise l’institution, grâce au concours de six auteurs, tous scientifiques de renom. Ces derniers dressent un tableau de l’ensemble des travaux menés dans le domaine des sciences pures, mathématique, physique, informatique, biologie, mais aussi dans les sciences sociales et humaines. L’ensemble est agrémenté d’une iconographie et s’achève par un double exposé de la vie et de l’œuvre d’Elie Wollman, pionnier de la biologie moléculaire.
En introduction, Pierre Brot dresse le tableau des débuts des échanges France/Brésil, dès1808, et de l’impact sur le développement de la recherche scientifique qui a pu être ainsi enclenchée, notamment en mathématique. Cette histoire naquit au début du XIXe siècle avec la première école de chirurgie créée à Salvador en 1813, puis, en 1822, avec la première Faculté de médecine.
En 1816, la France envoya une première mission scientifique au Brésil ; maintenant, elle est le deuxième partenaire scientifique après les États-Unis. Longtemps, ce sont les brésiliens qui sont venus étudier en France mais le mouvement s’est inversé et des échanges constants se poursuivent, des conventions ayant été signées entre les deux pays à la fin du XXe siècle. Le Brésil est devenu un sujet d’études en lui-même, d’autant que l’Amazonie offre des sources de possibilités infinies et Jean-Pierre Brot en détaille les grandes caractéristiques. Les revenus qui en découlent donnent la possibilité d’ouvrir des universités plaçant le Brésil comme leader de la recherche scientifique en Amérique latine et en bonne place dans le monde.
Tatiana Roque consacre un long chapitre à l’internationalisation des mathématiques grâce à l’Institut des mathématiques pures et appliquées de Rio de Janeiro et à l’Université de Sao Paulo. Les chercheurs ont pu bénéficier de formations et d’échanges avec plusieurs centres de recherches, notamment à l’Université de Chicago. Ainsi, en 1956, Leopoldo Nachbin, étant à Chicago, bénéficia d’une bourse Rockfeller. Il put s’intégrer à un séminaire de mathématique à très large ouverture, s’intéressa au théorème de Rham, trouvant une démonstration ouvrant de nouvelles perspectives et bien des possibilités de discussions qui ont abouti à la réalisation de masters et de thèses. Puis le poids de l’américanisation dans la recherche mathématique a incité Nachbin à quitter les États-Unis, avec pour conséquence une nouvelle structuration de la recherche fondamentale brésilienne.
Le géographe Hervé Théry aborde le domaine des relations des Sciences humaines et sociales, remontant à André Thévet, aumônier impliqué au milieu du XVIe siècle dans la création d’une colonie par la France au Brésil. A son retour, il publia un tableau sur l’ethnologie des Tupinamba et une description de la flore et de la faune. D’autres expéditions renforcèrent les liens France/Brésil au fil des siècles. Elles se structurèrent à partir de 1830, avec l’arrivée d’une mission universitaire française qui s’impliqua dans la création de l’Université de Sao Paulo. Par la suite de jeunes chercheurs français devinrent d’éminents anthropologues, tel Lévy-Strauss. Ils participèrent à l’ouverture de nouveaux concepts, différents de ceux de l’ancien continent. De nombreuses missions firent évoluer les objectifs de la recherche, même si, côté français, on se focalisa sur l’étude des secteurs les plus pauvres.
L’informatique tient une grande place dans la recherche brésilienne, particulièrement autour de l’Université catholique jésuite privée, créée en 1941, qui accueillit un lourd ordinateur à l’origine de la constitution de programmes scientifiques franco/ brésilien impliquant plusieurs universités. Se constitua alors des équipes de chercheurs, formant les premiers étudiants entre 1967 et 1970, développant et permettant la diffusion de cet outil dont l’usage se généralisa dans les années 1990, ouvrant sur des recherches sur le WEB. A chaque étape, le Brésil releva le défi, grâce à de multiples réflexions et applications.
L’optique quantique tient une grande place dans la recherche brésilienne et J. P. Briot rapporte le long entretien qu’il eut avec Luiz Davidovitvh, professeur en optique quantique à l’Institut de physique de l’Unité fédérale de Rio de Janeiro. Nous suivons son parcours depuis l’époque de la dictature militaire qui l’a poussé à partir pour l’Université de Rochester, où il prépara une thèse. Rentré au pays en 1977, il organisa le premier séminaire d’optique quantique, entrant ainsi en contact avec des chercheurs de plusieurs centres universitaires, développant une forte interaction entre théorie et expérience, dont l’Université de Sao Paulo tira de grands bénéfices et de nouveaux liens se renforcèrent à partir de 1986.
Vasco Azevedo propose une présentation de l’Académie brésilienne des sciences, insistant sur l’importance de la science expérimentale, sur les liens entre France et Brésil : pendant un temps, les doctorats ont été préparés en France, mais cette tendance s’inverse et de jeunes français font une partie de leurs études au Brésil. Ainsi la question du futur de l’optique quantique et de la physique autour de l’étude des radiations, des communications et de la recherche de l’application de la physique quantique à de nombreux domaines est envisagée autrement par le jeu de multiples connexions. L’interrogé souligne le côté positif de la multiculturalité de la recherche, de sa créativité, motivant les jeunes engagés dans la science. La coopération internationale permet d’aboutir à des articles de haut niveau. L’industrie s’engage dans la recherche et le développement et peut compter sur des commandes de l’État.
Les liens établis grâce à la création d’instituts et de programmes de recherche depuis1950 sont une véritable victoire novatrice dans le pays. Ils assurent le suivi des futurs cadres du Brésil, débouchant sur des résultats pratiques et des innovations scientifiques, s’accompagnent de la fabrication d’un matériel très sophistiqué adapté aux besoins des recherches en cours, dont ceux liés aux techniques de séquençage. L’exemple de Bact-Infla, laboratoire associé France/Brésil, est l’aboutissement d’une longue collaboration bi-latérale, concernant des maladies inflammatoires pouvant être liées aux produits laitiers, entre l’Université fédérale du Minas Geraes et de l’INRA. L’étude des bactéries incriminées est facilitée depuis 18 ans par les échanges inter-états et a abouti à 80 publications qui éclairent la compréhension du dialogue bactéries/bactéries au sein du microbiote et l’impact de ce dernier sur la biologie de l’hôte. Ceci représente une avancée dans l’étude de la santé humaine et animale, oriente l’emploi de médicaments adaptés.
Francis-André Wollman et Henri Buc consacrent chacun un article à la vie et à l’œuvre d’Elie Wollman, l’un des pionniers de la génétique moléculaire, profondément marqué par la Deuxième Guerre Mondiale. Ses parents étaient nés à Minsk, en Russie, tous deux généticiens et pasteuriens, et migrèrent en Pologne. De 1929 à 1931, ils furent au Chili pour renforcer l’Institut Sanitas, nouvel institut de microbiologie et de maladies infectieuses que les Allemands souhaitaient développer ; puis ils rejoignirent l’Institut Pasteur. Ils travaillaient sur la nature du bactériophage et de la lysoginie avant d’être arrêtés à Paris en 1943. Alors étudiant en médecine, leur fils devint membre de la résistance dans le sud de la France. Il entra en 1945 à l’Institut Pasteur et travailla avec des chercheurs de grand renom, dont Jacques Monod. Il s’est également battu pour la sauvegarde de l’Institut Pasteur et la réforme de ses statuts, ainsi que de celle des universités et des centres de recherches latino-américains. Parlant espagnol, il garda des liens avec la nouvelle génération des biologistes latino-américains, défendit les scientifiques chiliens pourchassés par le pouvoir en place. Au final, les études conjointes menées de part et d’autre de l’Atlantique ont bénéficié à l’avancée de la biologie moléculaire en matière bactériologique.
En 1989, confronté au virus du SIDA qui contaminait rapidement beaucoup de personnes, il prit position pour contrer l’attitude du gouvernement qui cherchait des boucs émissaires à condamner.
Elie Wollman a joué un rôle majeur dans la coopération entre l’Institut Pasteur et la division de biologie de l’Institut californien de technologie. Le problème des bactéries auquel il a travaillé avec F. Jacob est à la base de la biologie moléculaire à venir.