Auteur | Yann Quero |
Editeur | Arkuiris |
Date | 2024 |
Pages | 173 |
Sujets | Islam Littérature contemporaine Femmes et islam Littérature XXIe siècle |
Cote | 69.226 |
Cet essai littéraire nous dévoile comment Fatima, fille du Prophète Mohamed et sa nièce Umamah ont pu vivre et percevoir le monde en 633 peu après le décès de leur père et grand-père (p.11). Les musulmans en général se montrent très stricts sur tout ce qui est rapporté par des occidentaux à propos de l’islam, du Coran, du Prophète et de sa famille (p.9). L’auteur craint que le roman soit mal lu, mal perçu (p.10) et il a tenu à relier chaque événement rapporté aux biographies traditionnelles musulmanes, rédigées deux siècles après la mort du prophète Mohamed, dans des notes en fin de livre (p. 169).
Le livre relate 17 entretiens entre Fatima âgée de 23 ans et sa nièce Umamah qui a 14 ans, relatifs à la mère et aux épouses successives de Mohamed, ses onze belles-mères. Fatima tient ainsi à faire savoir « aux Arabes le rôle fondamental joué par les femmes dans la construction de notre société passée et présente » (p.20). Aussi commence-t-elle par évoquer la Reine de Saba, dont parlent la sourate La Fourmi etdifférents contes orientaux énumérant les énigmes posées par Balqis à Salomon (p.25) ou l’histoire d’Agar abandonnée par Abraham et mère d’Ismaël (p.38). L’épilogue porte sur les évènements qui ont suivi le décès précoce de Fatima (p.151).
Amina, mère de Mohamed devint veuve avant la naissance de son fils et elle dut lui trouver une nourrice lointaine car il aurait été en danger. Elle le reprendra mais elle meurt quand Mohamed n’a que six ans (p 49). Il est alors confié à son grand-père Abd El Mutalib qui le remet à son fils Abou Talib et à sa femme Fatima, les parents d’Ali, le futur 4e calife. Mohamed restera chez eux jusqu’à son mariage à 25 ans avec Khadija et travaillera avec eux dans le transport caravanier (p.52). Il fut veillé par Baraka, esclave abyssinienne, achetée par le père de Mohamed qui servit Amina et resta auprès de son fils comme confidente appréciée (p.61). Elle devint la deuxième convertie à l’islam après Khadija (p. 68).
La semi-liberté qui régnait dans le gynécée mohammadien semble apparaitre dans le verset coranique XXXIII 28 : « O Prophète, dis à tes épouses, si vous désirez la vie de ce monde, et son faste, je vous donnerai quelques avantages et vous libèrerai (par un divorce) » (p.68). La première épouse Khadija, femme de caractère (p.75), plus âgée de quinze ans que Mohamed, possédait une entreprise de transport par caravane des produits fabriqués à La Mecque comme le cuir, les gommes d’arbres, expédiés en Syrie en échange de papyrus, d’huile, de blé (p.53). De ce mariage, quatre filles naquirent, Zaynab, Ruqayya, Umm Kalthoum et Fatima, les garçons n’auraient pas survécu (p.80). Khadija assista le Prophète, lorsqu’il revenait tremblant des révélations de l’Archange Gibril (p.86). Lorsque ces visions avaient lieu chez lui, il devenait inconscient, saisi de frissons devant ses proches (p.89). Puis il devint plus lucide, négociant même le nombre de prières quotidiennes, de cinquante à cinq (p.90). Khadija souffrira des persécutions envers son mari qu’elle soutint moralement et financièrement ; elle décèdera épuisée par les épreuves (p.98).
Mohamed se remaria alors avec une veuve de clan noble, Sawda et émigra à Yathrib, future Médine où l’accueillirent les Ansars, Arabes locaux convertis à l’islam (p.103). La troisième épouse, AÏcha, fille d’Abou Bakr qu’il épouse à l’âge de 9 ans prend un ascendant très rapide (p.107). Elle sera accusée d’adultère par Ali et d’autres calomniateurs dont le poète Hassan Ibn Thâbit, fouetté pour cette impertinence (p.125). Hafsa, fille d’Omar, quatrième épouse aura la douleur de perdre ses frères qui combattent les musulmans en cette période troublée (p.112). Abu Bakr chargea Hafsa de recueillir toutes les sourates écrites par des scribes pour les conserver (p.22). Zaynab, cinquième épouse, meurt huit mois après son mariage (p.115). La sixième, Umm Salama, également veuve de guerre, était admirée pour son intelligence et sa culture. Mohamed attendait d’elle qu’elle l’aide dans sa réflexion sur le statut subalterne de la femme dans la société arabe préislamique (p.117). Zaynab bent Jahsh fut la septième, veuve de Zayd, fils adoptif de Mohamed (p.119).
Naturellement, l’ambiance était souvent tendue entre ces femmes qui avaient été épousées souvent pour des raisons politiques (p.120) comme la huitième, Juwayria, part de butin réalisé sur une tribu juive ainsi que la neuvième, également juive, Safiyya (p.125). La dixième épouse Umm Habiba était la fille d’Abou Sufyân, l’ennemi déclaré de Mohamed. La onzième, Maymuna bint al Harith, belle-sœur de l’oncle de Mohamed, Abbas, lui fut présentée par ce dernier comme gage de fin des hostilités entre eux (p.128). La douzième femme, Maria la Copte, qui lui fut envoyée par un prince copte Moqauqas, demeura concubine mais lui donna un fils Ibrahim, mort à 18 mois (p.132), ce qui déclencha l’hostilité de toutes les épouses (p.133). Sans doute, le calme revint avec le décès le 8 juin 632 du Prophète de l’islam enterré dans sa maison sous le lit même d’Aïcha.
Les musulmans se divisèrent alors en trois groupes, les partisans d’Ali et de Fatima, ceux d’Abou Bakr et d’Aïcha et les Ansars qui finirent par soutenir Abu Bakr qui devint ainsi Calife (p.147). Fatima, l’épouse d’Ali, allait mourir assez rapidement et elle avait demandé à son mari d’épouser sa nièce Umamah et il le fit. En 656, il, devint le 4e calife, ses deux prédécesseurs ayant été assassinés après avoir participé à de nombreuses luttes intestines. Ali aussi fut assassiné en 661 (p.155).
Des anecdotes bien banales, éloignées de la spiritualité prophétique, jalonnent le récit dont le but est de montrer au-delà « des histoires sur les femmes ayant côtoyé Mohamed » (p.151), l’ouverture d’esprit du Prophète de l’islam en ce qui concerne la musique ou la poésie (p.63). On y apprend ainsi que de l’alcool fut utilisé pour faire admettre à l’oncle de Mohamed qu’il accepte le mariage de son neveu avec Khadija (p.79). Les extases du Prophète, qui sont également arrivées à de saints personnages, perdent ici de leur véracité, lorsque Fatima évoque « l’histoire la plus drôle, celle de son voyage à Jérusalem » alors qu’il s’agit d' une expérience mystique qui aurait conduit le Prophète près du Créateur et qui est rapportée dans la sourate XVIII (p.89).
Le lecteur appréciera la carte régionale de l’Arabie (p.7), la chronologie en relation avec les personnages du livre, la bibliographie traditionnelle et récente (p.167).