La guerre d'Algérie

Auteur Jacques Frémeaux
Editeur Cerf
Date 2024
Pages 122
Sujets Algérie
1954-1962 (Guerre d'Algérie)
Cote 68.925
Recension rédigée par Stéphane VALTER


Jacques Frémeaux est professeur émérite à Sorbonne Université, spécialiste de la colonisation française en Algérie. Son livre raconte et explique, avec de lumineuses pistes de réflexion plus que des affirmations dogmatiques, l’histoire de la colonisation depuis 1830 jusqu’à la guerre (1954-1962), puis se termine sur des considérations concernant les relations franco-algériennes actuelles. Après une rétrospective historique utile (périodes numide, arabe, turque), il plonge dans le vif du sujet, la colonisation, cause de la guerre d’indépendance et source de rapports à la fois proches et tendus entre l’Algérie et la France.

En nous inspirant de Paul Éluard, disons qu’il a fallu peu de mots à l’auteur pour exprimer l’essentiel, et c’est là une prouesse pédagogique, car les ouvrages sur la guerre d’Algérie sont légion, souvent trop documentés si bien que le lecteur ne trouve point de fil conducteur dans le dédale des multiples considérations. Ici, au contraire, l’on va droit au but, avec informations et analyses, données et questions.

Outre l’investigation historique proprement dite, le livre s’achève sur un chapitre essentiel, « La guerre, aujourd’hui », qui aborde le rôle mémoriel du pardon et des commémorations, avec ce qui nous semble être une grande objectivité, sans l’appréhension de heurter des idées nationalistes ou chauvines préconçues mais sans vouloir non plus choquer personne, dans le respect des diverses sensibilités et avec une profonde compassion pour les blessures encore non pansées, dans la critique des mythes vengeurs et parfois haineux entretenus par le Front de libération nationale comme dans l’autocritique lucide de la croyance hexagonale prétentieuse en l’apport civilisationnel de la Mère des Lumières. L’auteur a en ce sens, pour sauver l’historiographie française des écueils d’une autosatisfaction qui égare, fait siens les propos de Jean Paulhan selon lesquels « une nation périclite quand l’esprit de justice et de vérité se retire d’elle ».

Outre les événements historiques, politiques, économiques, militaires, etc., rappelés avec précision mais sans un luxe inutile de détails, J. Frémeaux introduit la douleur dans son récit en citant l’oppression coloniale, les rêves brisés des Arabes comme des petits colons, les meurtres d’innocents de tous bords, les attentats aveugles, les spoliations, les transferts de population, les règlements de compte, les porteurs de valises et les différents « traîtres » selon le parti auquel on appartient, la torture, les disparitions, et autant de sujets dont le souvenir est pénible mais la remémoration très nécessaire pour surmonter cette période tragique qui ne peut in fine être sereinement dépassée que dans l’analyse clairvoyante.

L’auteur finit ainsi son remarquable livre : « Il faudra encore beaucoup d’efforts pour faire mieux connaître aux Algériens et aux Français ce qu’a été réellement la guerre d’Algérie. Il ne sera pas facile ni aux uns ni aux autres de regarder en face les violences et les injustices commises au nom de leur pays. Pourront-ils malgré tout trouver ensemble la voie de la fraternité ? »

Ce petit ouvrage n’est en ceci pas tant un livre d’histoire qu’un enseignement à la connaissance, à la reconnaissance et à la tolérance, une ode au dépassement des erreurs et au pardon.