Auteur | Robert Solé |
Editeur | Perrin |
Date | 2024 |
Pages | 456 |
Sujets | Suez, Canal de (Égypte) Conception et construction |
Cote | 68.851 |
Robert Solé, né en Égypte, qui a publié plusieurs romans dont Le Tarbouche et la biographie du Président Sadate, se penche dans son nouvel ouvrage sur les conflits géopolitiques et les enjeux économiques du Canal de Suez.
Bonaparte, se rappelant l’existence de ce Canal dans l’antiquité, se rend à Suez avec Monge le 30 décembre 1798 et retrouve les traces de l’ancienne voie d’eau. L’ingénieur Le Père, remontant jusqu’à Péluse au bord de la Méditerranée préconise une liaison directe entre les deux mers. Le départ brusque de Bonaparte interrompt les recherches (p.20). Elles sont reprises en 1833 par les Saint-Simoniens dirigés par Enfantin, l’ingénieur Henri Fournel et Linant de Bellefonds résidant en Égypte depuis 1817. La peste survenant (p.35), les Saint-Simoniens sont rapatriés. Linant de Bellefonds poursuit le projet en publiant en 1842 un rapport sur la liaison des deux mers (p.37). Enfantin à Paris en 1846 crée une Société d’études pour le Canal de Suez (p.41) mais le gouvernement britannique est opposé au percement du Canal (p.45).
Ferdinand de Lesseps est en poste au Consulat de France à Alexandrie de 1832 à 1837. En 1849, ayant quitté le corps diplomatique, devenu agriculteur dans le Berri, il rédige un mémoire sur le percement du Canal de Suez. (p.51). En 1854, Saïd Pacha devenu vice-roi d’Égypte et qui avait connu de Lesseps lors de son affectation en Égypte l’invite au Caire (p 54). L’ancien Consul le persuade de l’intérêt de percer le Canal entre les deux mers qui réduirait la distance entre Londres et Bombay à 3100 km au lieu de 5950 en faisant le tour de l’Afrique (p.59) mais le Vice-roi doit obtenir pour cette réalisation l’autorisation du Sultan (p.60.). Les travaux seront effectués aux frais de la Compagnie Universelle du canal de Suez qui se verra concéder gratuitement les terrains nécessaires. Le gouvernement égyptien recevra 15% des bénéfices nets (p.66).
En décembre 1854, de Lesseps avec Linant de Bellefonds et Eugène Mougel se rendent à Suez puis remontent vers Péluse, examinant le futur tracé (p.74). Les hostilités sont engagées avec Enfantin et les Saint Simoniens, influents auprès de Napoléon III (p.81). Lord Stratford, ambassadeur britannique à Constantinople manifeste son opposition à ce projet auprès du Sultan opposé à l’implantation d’Européens dans l’isthme de Suez. Devant le refus de Palmerston à Londres, de Lesseps tâche de gagner l’opinion publique britannique (p.93). Le 5 janvier 1856 est publié l’acte de concession du percement de l’isthme de Suez et les charges de la Société intitulée « Compagnie universelle du canal maritime de Suez », qui aura son siège à Alexandrie et son domicile administratif à Paris (p.99). La Compagnie est constituée le 15 décembre 1858 en société anonyme dont le Conseil d’Administration de 32 membres comprend 20 étrangers (p.120). La souscription est ouverte le 5 novembre 1858 à Paris et en Europe. En France, 21.229 personnes acquièrent 207.000 actions, soit plus de la moitié des titres proposés (p.114). C’est un échec ailleurs ; la France décide alors que Saïd Pacha souscrive pour 176.000 titres, soit 44% du capital (p.116). Saïd ne peut verser cette somme qu’il estime recouvrer plus tard par l’émission de bons du trésor (p.119). Le 18 mars 1866, un firman impérial avalise le percement du Canal de Suez (p.177).
Pendant les 30 premiers mois d’exploitation, sur les 1847 navires ayant emprunté le Canal, 71% étaient britanniques, 13% français (p.212). En 1875 la dette de l’Égypte atteint 2 milliards de francs. La faillite de l’État ottoman se répercute en Égypte qui possède toujours 176.602 actions du Canal de Suez. A Londres, le Premier Ministre Disraeli propose au Khédive le rachat des actions pour 100 millions de francs. Le marché est conclu le 25 novembre 1875 (p .217). Ces titres ne permettent pas de toucher de dividendes avant 1894 (p.219) mais ces actions en vaudront 800 millions 30 ans plus tard (p.221). En 1879, Tewfik succède à son père, démis par le Sultan. En 1882, Orabi Pacha par un coup d’État s’empare du pouvoir, les affrontements font 200 victimes. Londres envoie des troupes qui occupent Alexandrie, le Canal puis Le Caire (p.227). En 1888, la Convention de Constantinople stipule que « le Canal sera toujours libre et ouvert en temps de paix ou de guerre à tout navire de commerce ou de guerre » (p.233. L’Angleterre, qui occupe l’Égypte, devient seule en mesure de garantir la neutralité du Canal (p.234).
Le chantier qui avait été confié à Linant de Bellefonds est inauguré le 25 avril 1859. Il s’agit de créer deux ports sur la Méditerranée, Port-Saïd et Suez sur la Mer Rouge, de creuser un canal maritime de 160 km qui franchira trois seuils rocheux et quatre lacs et un canal d’eau douce parallèle à partir du Nil (p.122). En 1861, le chantier occupe 1500 Européens qui deviendront 11.800 en 1866 (p.171) et 25.000 Égyptiens, mal nourris, mal payés et soumis à des tâches très dures avec des outils inadaptés. D’où de nombreuses désertions et le recours à la corvée (p.138). La Compagnie installe son centre administratif à Ismaïlia sur le lac Timsah (p.146). Peu à peu les dragues françaises employées dans les ports deviennent l’engin fondamental du percement de l’isthme (p.164). Aussi, Ismaïl, devenu Khédive, est accueilli en Chef d’État à l’Exposition Universelle de Paris où est présenté le Canal de Suez au public. Mais la construction du Canal aura coûté le double de son estimation et la Compagnie doit émettre un emprunt supplémentaire de 100 millions de francs. Le 15 août 1869, la jonction des deux mers est effectuée dans les Lacs Amer en présence du Khédive. L’inauguration a lieu le 17 novembre en présence de l’Impératrice Eugénie à bord de l’Aigle, suivi du Greif de l’Empereur François-Joseph et de 44 autres bâtiments qui entreront dans la Mer Rouge le 20 novembre (p.206). En 1870, première année d’exploitation, on n’enregistre que 486 passages de navires. Après 1914, les nouveaux steamers exigeant un tirant d’eau de plus en plus important imposent d’approfondir et d’élargir le Canal, dont les pilotes sont pour la plupart français, anglais et hollandais (p.246). En 1951, le Canal est dédoublé entre les kilomètres 50 et 62 en créant une nouvelle brèche dans le Sinaï (p.273). En 1955, Port Saïd est classé premier port du monde avec 14.800 mouvements contre 12.600 à New York (p.275). En 1976, un oléoduc de 320 km reliant Suez à Alexandrie entre en fonction pouvant écouler 80 millions de tonnes de pétrole annuellement (p.356). En 1977, est lancée la construction du premier tunnel routier pour désenclaver le Sinaï. A partir de 1980, l’approfondissement de la cuvette permet le passage des navires de plus de 150.000 tonnes et pour faciliter le croisement des convois, le Canal a été doublé quatre fois (p.355). En 2015, le Président Sissi inaugure un nouvel élargissement du Canal sur 37 km de long et une dérivation parallèle de 35 km au Nord du lac Timsah (p.372).
Le Canal subit des conflits successifs. En 1915, les Turcs essaient de s’emparer du Canal mais les Britanniques les repoussent et permettront aux Alliés de l’utiliser. Ce n’est qu’en 1922 que le trafic retrouvera les 2O millions de tonnes d’avant- guerre (p.255). La deuxième guerre mondiale entrainera des bombardements sur le Canal, mais les Italiens, puis les Allemands qui menacent l’Égypte, ne parviendront à interrompre la navigation que 76 jours. Le trafic reprendra normalement en 1943 (p.270). La création de l’État d’Israël en 1948 a porté un coup à la Convention de 1888 puisque l ’Égypte interdit l’accès de la voie d’eau aux navires israéliens ou se rendant en Israël (p.278). En 1954, le Président Nasser impose aux Britanniques l’évacuation de leurs troupes en 18 mois.
Le 26 juillet1956, Nasser nationalise le Canal. Le 29 octobre, les forces israéliennes attaquent les troupes égyptiennes cantonnées sur le Canal, suivies par une opération franco-britannique de 25.000 hommes le 31 octobre. Russes et Américains font pression pour arrêter les combats qui cessent le 6 novembre (p.308). Une force des Nations Unies est mise en place et l’ONU aide techniquement et financièrement la réouverture du Canal qui a lieu le 8 avril 1957 (p.311). Le 1er janvier 1957, l’Égypte avait dénoncé le traité avec la Grande Bretagne et récupéré le Canal (p.315). Le 5 juin 1962, nouvel affrontement israélo-égyptien : les Israéliens campent sur la rive orientale du Canal (p.328).
L’Égypte est privée des revenus du Canal qui assurent 10% de son budget et de la production pétrolière du Sinaï. Sadate en octobre 1973 lance une expédition sur la rive orientale du Canal.
Militairement, ce sera une partie nulle mais qui aura permis des négociations entre les deux pays (p.347).
Le 5 avril 1975, le Canal est rouvert à la navigation (p.351). En 1979, le premier navire israélien s’engage dans le Canal (p.355). Le Golfe de Suez est bordé par des États fragiles, Somalie, Yémen, et communique avec la Mer Rouge par le détroit de Bab el Mandeb, verrou de 25 km de largeur. 20.000 navires, dont 1/3 de tankers, y transitent annuellement (p.365). En 2024, les Houthis du Yémen, soutenant le Hamas à Gaza, bombardent les navires passant devant leurs côtes pour aller emprunter le Canal, déclenchant une réaction musclée des États-Unis et d’Israël (p.399). Le Canal de Suez par lequel transitent 12% du commerce international est devenu l’un des passages obligés de la navigation maritime (p.395).
Le lecteur appréciera les cartes de l’Égypte (p.11), des différents projets du canal (p. 103), des grandes voies maritimes (p.387), les documents en annexe qui illustrent les différentes étapes de la construction du Canal de Suez, notamment la convention de Constantinople (1888) garantissant le libre usage du Canal (p.419), l’évolution du Canal (p.423), la chronologie (p.425 à 438), la bibliographie sélective (p.439 à 444) ; l’index des personnes (p.445) .