Les leçons de la crise syrienne

Recension rédigée par Dominique Barjot


La victoire éclair d’Abou Mouhammed al-Jolani, chef du groupe radical islamiste Hayat Tahrir al Cham (HTC), a permis à la coalition de groupes rebelles qu’il dirige de chasser Bachar al-Assad du pouvoir. Ce qui a pu apparaître comme une surprise s’éclaire totalement à la lecture du livre de Fabrice Balanche, Maitre de conférences en géographie à l’Université Lyon 2 et chercheur associé au think thank Washington Institute. Arabophone, ayant vécu une dizaine d’année entre la Syrie et le Liban, il offre dans son livre les clés d’explication de la crise syrienne, notamment depuis les printemps arabes de 2011. En premier lieu, il révèle l’inéluctable marche à la crise intérieure. Celle-ci trouve son origine dans une croissance démographique galopante, dans le surpeuplement et le recul du poids relatif des minorités face à la majorité sunnite, mais aussi dans un communautarisme exacerbé. Elle puise aussi sa source dans quarante années de mal-développement : un socialisme affairiste et mafieux a mis plus du tiers du pays sous le seuil de pauvreté, livré la Syrie à l’anarchie certaine et à une pénurie structurelle d’eau. La faillite de l’État explique aussi, en second lieu, une guerre civile sanglante, la victoire en trompe-l’œil de la contre-insurrection, la montée en puissance de l’islamisme et du djihadisme poussés à leurs extrêmes par Daech, dont Kurdes, Chiites et Chrétiens sont les victimes désignées, enfin la partition, à laquelle les évènements récents n’ont pas mis fin.

Au niveau international, cette crise a refermé une parenthèse d’hégémonie occidentale. F. Balanche démontre brillamment la genèse d’un partenariat solide entre l’axe iranien, (chiitisation, prédation, destruction d’Israël) et le nouvel impérialisme russe au Moyen-Orient. Les hésitations américaines de Barack Obama et Donal Trump 2, l’irréalisme des positions diplomatiques et la disparition géopolitique de la France, l’absence de poids politique de l’Union européenne ont conduit les alliés régionaux de l’Occident à s’en éloigner à l’exemple des pétromonarchies du Golfe. Compte tenu des discordes entre celles-ci, ce sont la Turquie et son néo-ottomanisme et, tardivement, Israël qui sortent vainqueurs, sans que, pour autant, Washington ait repris le contrôle de ses alliés.

Appuyé sur de nombreuses références bibliographiques, l’ouvrage s’impose à l’évidence pour un prix de l’Académie.