Afrique. Un autre regard …

Recension rédigée par Yves Boulvert


Docteur ex-Sciences Océanographiques, spécialisé en biologie des pêches, Directeur de Recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), André Fontana a longuement fréquenté le monde côtier d’Afrique Occidentale et centrale (de la Mauritanie au Congo Pointe-Noire). Il a également effectué des missions jusqu’à Djibouti. Outre les côtes maritimes, il s’est intéressé aussi à la pêche en eau douce.

 Dans cet ouvrage de 400 photographies qui témoignent de la complexité du sous-continent constituant l’Afrique subsaharienne, André Fontana a porté particulièrement son regard sur le monde humain, sur les traditions africaines le plus souvent transmises de manière orale, gestuelle ou initiatique,  que ce soit les marchés, l’alimentation, la toilette , les vêtements et les décorations, les fêtes traditionnelles comme celles nocturnes liées à la pêche, telles celles de la mare de Baro en Guinée Intérieure.

 Que révèlent les photos des âges de la vie ? D’abord l’enfance, âge de la tendresse, de la complicité, de la joie, de l’attention, de l’amour « en un mot ». A l’autre bout de la vie, on est frappé par la noblesse des personnes âgées.

 Les commentaires dans cet ouvrage témoin de l’art de la photographie ont leur importance. L’une des collaboratrices, Monique Calinon, rappelle combien dans le monde rural, s’applique toujours le vieux proverbe africain : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ».

Dans les années 60, les Indépendances ne se passèrent pas sans heurts ; elles mirent en exergue les novations mais aussi les contradictions des milieux urbains. Ainsi au Congo Brazzaville, surgit, en 1968 « le socialisme scientifique » dit « marxisme-léninisme Bantou » ! Dans un tout autre genre, réapparut en Guinée un cirque acrobatique, la compagnie du « Baobab Circus », créé pour intégrer et former les enfants des rues, esseulés dans les villes. André Fontana qui a su citer les paroles empreintes de sagesse d’écrivains, historiens, poètes ou intellectuels africains, rend en images les espérances du continent incarnés par de beaux visages d’enfants.

 Évoquant sommairement les milieux forestiers ou savanicoles, il nous présente certes des agriculteurs ou éleveurs mais il n’oublie pas les pêcheurs fluviaux, les rizi-pisciculteurs et même les saulniers. La couleur n’a été que rarement utilisée, toujours à bon escient. Les photographies prises « à basse altitude » (drone), originales et artistiques, sont particulièrement belles, vues d’en haut, telle la plage de Kayar (p. 24) ou la lagune de Joal-Fadiouth (p. 14). Travail aussi sur les jeux d’ombre et de lumière si spectaculaires en Afrique : ciel d’orage sur le Niger (p. 18) ou plage de Ouakam (p. 36).

L’ensemble des magnifiques photos en noir et blanc montre la recherche d’une esthétique sobre, vraie, au plus près de la vie. Comment ne pas être émus par les sourires des enfants, la profondeur intérieure du regard des anciens, la lumière des yeux, la beauté des visages et des corps, la simplicité rustique des clichés au fil des heures et des jours ? André Fontana en photographiant le réel, a donné une âme aux choses et aux êtres qui nous parlent au cœur. Les citations, dont celles émouvantes et finement ressenties de Moctar Kachour, prolongent le dialogue des regards entre le « regardant » et le « regardé ».

L’auteur prend en compte aussi l’évolution des usages, la transformation des paysages et même les changements politiques en Afrique. Il ne manque pas de clore son ouvrage sur le pluriel « Espérances ».