Auteur | Edenz Maurice |
Editeur | Les Indes savantes |
Date | 2022 |
Pages | 309 |
Sujets | Guyane Histoire |
Cote | 66.500 |
Agrégé et docteur en histoire, Edenz Maurice est, à ce jour, secrétaire scientifique du département d’histoire du corps préfectoral rattaché à l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur. Enseignant à Sciences Po, il est chercheur associé au Centre de recherches sur les mondes américains de l’EHESS, ses travaux portent sur l’histoire de l’État et de l’éducation en contexte impérial et postcolonial des outre-mer français. Fin connaisseur de la Guyane, l’auteur propose, dans son livre, une redécouverte d’un pays à la réputation sulfureuse (« cimetière des Européens », « terre de la grande punition » ou « colonie avortée »), mais aussi fière de sa spécificité (« fille aînée de la France », « France équinoxial » ou « vieille colonie »). Issu d’une thèse de doctorat, le livre apporte une contribution bien venue au débat, qui, depuis le début des années 2000, divise la société autour de l’identification des héritages du passé colonial français et des mémoires conflictuelles que celle-ci a fait émerger. Par-delà l’affrontement des « décolonialistes » et des tenants d’un rejet de la « repentance », l’objectif est d’analyser les voies conduisant à « faire France outre-mer ».
L’ouvrage s’organise en deux parties.
La première traite de la République équinoxiale, dans les années 1920 et 1930. L’auteur s’intéresse d’abord à l’école : un système scolaire modèle aux succès manifestes, marqué par une précoce mixité au collège et une inclination dominante pour l’élitisme. En contrepartie, un fossé s’est creusé entre bourgeoisie urbaine et laissés-pour-compte ruraux. Gouverner une colonie-département n’est pas une sinécure : derrière les apparences républicaines d’un département, le gouverneur est, en réalité, sous la coupe du potentat local. Ainsi s’explique le « pogrom tropical » d’août 1928, ayant abouti à la mort de cinq hommes, d’origine antillaise, au service d’Eugène Gober, maire de Cayenne de 1910 à 1918 et président du conseil général de 1913 à 1919, puis de 1922 à 1928, qui fondait son pouvoir sur la corruption et la fraude électorale.
L’indocilité citoyenne ouvre la voie à la revendication de l’autonomie, sous l’effet notamment de l’attirance pour les États-Unis, dont les intérêts économiques ne cessent de progresser. C’est dans ce contexte que s’impose, dans les années 1930, la nécessité d’une rupture inédite, celle de la naissance du Territoire autonome de l’Inini, autour d’Indiens jugés « arriérés », de nègres révoltés et de Créoles « maraudeurs ».
La seconde partie traite du moment vichyste à la refondation républicaine des années 1980. Dans un contexte de démantèlement de la République, l’État français doit composer avec le jeu politique local, sous la triple pression des États-Unis, du Brésil et des aspirations internes décolonisatrices. Entre 1943 et 1951, la question dominante consiste à sortir du régime colonial, l’engagement politique enseignant, qu’il soit public ou catholique, visant à forger une conscience, sinon une nation guyanaise. Des années 1950 au tournant des années 1980, les revendications créoles glissent de l’autonomisme à l’indépendantisme, juin 1962 constituant une césure de taille. En effet, l’indépendance algérienne ouvre la voie à une inéluctable radicalisation, tandis que le peuple Boni joue la carte de la francisation.
Face à une francisation menée à marche forcée, se pose de façon structurelle un problème indien, qui mène lui-même à un réveil amérindien.
Solidement fondé sur les archives, l’ouvrage débouche sur une vision plutôt optimiste, à savoir qu’il n’existerait aucune « contradiction entre « le respect de la culture de chacun » et « la solidarité au sein de la République ».