Atlas des migrations : un équilibre mondial à inventer

Recension rédigée par Roland Pourtier


Après l’Atlas des migrations dans le monde (2005) et l’Atlas mondial des migrations (2009), Autrement publie l’Atlas des migrations, troisième édition de l’ouvrage de Catherine Wihtol de Wenden. Bien qu’il soit présenté sous des intitulés légèrement différents et avec des sous-titres insistant chaque fois sur un aspect spécifique des migrations, « réfugiés ou migrants volontaires » en 2005, « réguler ou réprimer, gouverner les migrations » en 2009, « un équilibre mondial à inventer » pour la présente édition de 2012, il s’agit du même Atlas mis à jour et augmenté. L’auteur est une spécialiste reconnue des migrations internationales et cette dernière mouture actualisée de l’Atlas est bien venue car les situations migratoires évoluent rapidement et constituent un sujet brûlant d’actualité politique notamment en France.

            L’Atlas a les qualités et les défauts de la collection. Il fournit sous une forme ramassée et un faible volume (96 pages) un maximum d’informations sous forme de cartes, textes et graphiques, au détriment parfois de la lisibilité. Il réussit la prouesse d’aborder les questions essentielles que posent les migrations internationales, regroupées en cinq rubriques.

La première présente les grandes caractéristiques des migrations, la mondialisation et la régionalisation des flux, les facteurs de la mobilité et les acteurs impliqués, la diversité des mouvements migratoires, allant des réfugiés au tourisme, des diasporas à la fuite des cerveaux.

La deuxième partie, la plus développée est consacrée à l’Europe, grand pôle d’immigration, aux situations particulières des principaux pays d’accueil, Allemagne, France, Royaume-Uni, aux pays méditerranéens passés de l’émigration à l’immigration, aux mobilités accrues de l’Europe de l’Est, au système migratoire propre à la Russie. L’Atlas ne se limite pas à la représentation cartographique des donnée statistiques, il pose des problèmes de fond : la démographie et les besoins en main-d’œuvre de pays vieillissants, l’intégration des étrangers et émigrés, le communautarisme, la xénophobie et l’exploitation politique d’une peur de l’autre qui se nourrit des difficultés économiques. L’auteur passe assez vite sur la politique européenne peu cohérente, évoque à peine les mécanismes tels que Frontex. Elle souligne l’impossibilité de protéger l’Europe par des murs et la nécessité d’accords avec les pays émetteurs de migrants extra-européens.

            La troisième partie interroge le Sud, le monde arabe, l’Afrique, l’Asie. Migrations de travail et migrations liées aux conflits interfèrent tant en Afrique qu’au Moyen-Orient. Dans cette partie du monde les migrations de travail vers les pays du golfe persique ont généré des flux considérables. Les migrations sont un des paramètres de la géopolitique régionale, qu’il s’agisse d’Israël ou des pays travaillés par des tensions ethniques ou religieuses. En Asie orientale, les migrations sont au diapason des masses de population : on compterait 50 millions de Chinois dans le monde.

La quatrième partie porte sur le Nouveau monde, terre d’immigration par excellence. L’auteur passe en revue les situations et les politiques spécifiques des pays façonnés par l’immigration qu’il s’agisse du continent américain ou de l’Océanie en mettant en évidence le fonctionnement de systèmes migratoires régionaux comme entre le Mexique, et plus généralement les pays d’Amérique du centre et du sud, et les États-Unis.

            Après ce tour d’horizon qui constitue une synthèse riche et actualisée, une dernière partie présente quelques enjeux politiques pour demain. Le rôle des villes comme relais migratoire est appelé à se renforcer avec l’urbanisation accélérée des pays du Sud. De nouvelles tendances pourraient sinon inverser les flux, du moins les complexifier par exemple les migrations de retraités des pays riches vers des lieux ensoleillés (Maroc ou Philippines par exemple). L’Atlas s’interroge aussi sur les relations entre migration et développement, et sur les déplacés environnementaux dont les désordres écologiques attendus du réchauffement climatique pourraient multiplier le nombre.

Enfin, dans une dernière planche et une brève conclusion, l’auteur se prononce en faveur d’une gouvernance mondiale de l’immigration. Pour l’instant elle se limite au droit d’asile, car l’idée de considérer la migration comme un « bien public mondial » se heurte aux Etats, attachés à leur souveraineté territoriale. En posant ces questions, l’Atlas des migrations va au-delà de la simple information en s’élargissant à une réflexion sur les droits de l’homme au regard de la mobilité.