Le recours à la force dans les opérations de maintien de la paix contemporaines

Recension rédigée par André Ronde


Ce volumineux ouvrage publié par la Bibliothèque du droit international est, en fait, la thèse de doctorat soutenue par Ophélie Thielen, à laquelle son directeur de thèse, le professeur Hervé Ascensio promet une brillante carrière de juriste.

Bien entendu cet ouvrage ne se lit pas comme un roman ni même comme un livre d’histoire, en fait, il n’est vraiment pas destiné à être lu par le « grand public » mais plutôt à servir de base de référence pour être consulté par des spécialistes et des chercheurs en droit international.

Bien écrit, même si le style est parfois un peu trop « académique » il est surtout très bien charpenté, et particulièrement bien documenté, ainsi facile à consulter et à exploiter.

Dans la première partie de sa thèse l’auteur traite des « règles du recours à la force dans les opérations de maintien de la paix » en distinguant bien, d’une part « l’autorisation d’usage de la force » et d’autre part « les règles régissant la conduite des opérations militaires qui en résultent ».

Ophélie Tielen montre bien à quel point l’emploi de la force dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU n’a jamais été clairement défini. Il reposait à l’origine sur la création de forces armées permanentes mises à la disposition de l’ONU par les états membres, tout particulièrement  les membres du « Conseil de sécurité », ce qui ne s’est jamais fait. Dans la pratique chaque opération s’est faite à partir d’engagements spécifiques nécessitant l’accord des états concernés : états « hôtes » de l’opération, états contributeurs.

Longtemps l’ONU a fait prévaloir le principe  du seul recours à la force en cas de « légitime défense à l’échelon individuel ».

Ce n’est que récemment que l’ONU est passé d’un « droit de légitime défense passif » à l’utilisation de la force en « action offensive ».

Dans cette première partie,  l’auteur s’est aussi efforcé d’examiner les différents niveaux d’emplois de la force : niveau général d’autorisation donnée à une opération, niveau « opérationnel » lors de chaque usage de la force dans le cadre de cette opération.

Dans la deuxième partie de sa thèse Ophélie Thielen a traité du « Règlement  des différents  nés de l’usage de la force dans les opérations de maintien de la paix » en particulier sur un plan juridique.

L’auteur montre bien que l’évolution du principe du recours à la force dans les opérations de l’ONU s’est fait de façon empirique au cas par cas ;  cela a entrainé une difficulté permanente à concilier « l’efficacité opérationnelle » et le respect du droit international alors même que dans nos sociétés contemporaines la prééminence du droit s’impose de plus en plus. Il devient donc nécessaire de préciser les rôles respectifs du droit  spécifique de l’ONU et du droit international dans sa généralité d’une part, des droits de l’homme et du droit humanitaire d’autre part.

L’auteur a été amené tout naturellement à examiner les conséquences juridiques éventuelles du recours à la force armée par les « Casques bleus » mais semble s’être heurté, dans ce domaine, à un manque de transparence des organismes onusiens.

Ne se limitant pas à un simple état des lieux, Ophélie Thielen s’est efforcée à prolonger à son niveau les discussions en cours visant à aboutir à des propositions pratiques, en particulier un « code militaire unifié » applicable aux contingents de l’ONU.

Pour conclure, elle montre bien que si l’ONU a maintenant obtenu une certaine consécration de la « légitime défense fonctionnelle », l’organisation n’en a pas encore tiré toutes les conséquences en particulier au plan juridique. Il n’existe toujours pas de « doctrine d’emploi des forces de maintien de la paix ».

Ophélie Thielen suggère donc l’établissement de normes, règles et  principes bien identifiés et obligatoires pour encadrer les engagements de l’ONU dans les opérations de maintien de la paix ainsi que la mise en place d’instances de contrôles indépendantes : ensemble de mesures que l’auteur estime nécessaires de mettre en place en partenariat avec les Etats contributeurs.