Auteur | sous la direction de Gilles Ferréol & Abdel-Halim Berretima |
Editeur | E.M.E. |
Date | 2013 |
Pages | 231 |
Sujets | Émigration et immigration Politique publique Méditerranée (région) 1990-.... Méditerranée (région) Émigration et immigration 1990-.... Actes de congrès |
Cote | 59.510 |
Sur ce sujet de l’immigration, une trentaine de participants se sont réunis en colloque international à Béjaïa en octobre 2012. Dans la publication des Actes, leurs communications ont été réparties en deux parties. La première a pour objet de délimiter le cadre de la réflexion. La seconde fait place aux illustrations et aux témoignages pour éclairer la perception que l’on a des migrations maghrébines et de la question des frontières.
Sous l’angle du classement, l’étranger hors la loi se présente sous deux figures : celle du « sans-papiers » et celle du « clandestin ». L’ « esthétisation de (leur) souffrance » se focalise sur le thème de l’exil et le rôle des passeurs. On constate que la relation entre devoir d’hospitalité et dispositif d’accueil repose moins sur la compréhension que sur la force, dans un désir de préserver un « monde commun fermé ». Un déplacement du regard vers une « pensée nomade » qui ferait de la sédentarité un cas particulier pourrait contribuer à renouveler l’appréciation portée sur les « migrants ». Ceux qui sont confrontés au déracinement supportent le poids de la mémoire collective et l’écriture offre un refuge pour s’en libérer (J. Amrouche). L’immigration dans une société correspond toujours à une émigration hors d’une autre et ce mouvement crée des blancs dans la représentation du passé et du présent de chacune d’elles : « Quand sera-t-il possible de faire une histoire qui ne soit pas toujours construite sur des silences ? » (Sayag). Compte tenu de leur précarité, les migrants ont tendance à être considérés sur le plan économique comme un « variable d’ajustement », ce qui n’est pas sans conséquence en termes de transferts de capitaux et d’insertion. Dans un espace méditerranéen « fluide et mondialisé », les migrations se poursuivent dans une diversité d’expériences. L’émigration algérienne s’est transformée par le passage d’une « matrice coloniale »à un quatrième âge marqué par une « matrice globalisée », succédant aux stades du volontariat individuel et de la « colonie » structurée qui révèlent les contradictions du phénomène migratoire.
Après un effort de contextualisation, des récits de vie offrent des exemples concrets. Préférable aux échecs, un parcours abouti d’intégration aide à saisir tout à la fois les caractères des logiques d’exclusion et l’intériorisation du sentiment d’humiliation inhérent à une démarche semée d’embûches. Les plans de départs sont largement tributaires d’une politique européenne d’immigration restrictive; certains empruntent les voies alternatives que sont notamment les mariages plus ou moins arrangés ou plus dramatiquement la traversée maritime choisie par ces harragas, prêts à tout, « c’est-à-dire au pire ». La volonté de réduire les flux a eu pour effet de détourner de France vers le Canada une immigration maghrébine que l’on pouvait qualifier d’ « historique ». En bon connaisseur de la question, Gérard Noiriel trace les contours historiques de l’immigration algérienne en France. Il part de l’ « émigré indigène » qui à la fois donne de la souplesse au marché du travail et créerait de l’insécurité, pour aboutir après la guerre d’Algérie à l’ « immigré étranger » qui devient une cible pour les injustices et le racisme. La Marche des Beurs peut apparaître comme un « acte fondateur » capable de réactiver le discours républicain sur les valeurs « de Liberté, d’Egalité et de Fraternité ». Le sort des intellectuels algériens exilés débouche dans les pays d’accueil sur une marginalisation qui conforte leur sentiment d’abandon. Une autre thématique d’actualité qui reste peu connue en Europe concerne la migration subsaharienne en Algérie ; confrontée à la précarité ces Africains immigrés, de plus en plus nombreux, semblent hésiter entre rester sur place ou tenter le passage à l’autre rive de la Méditerranée. Leur présence confirme que l’Afrique est devenue un espace continental des mouvements migratoires. Il reste évident qu’il y a une dépendance migratoire réciproque entre le nord et le sud de la Méditerranée. L’Europe se ferme, mais les besoins demeurent.
En rapport avec la densité (à vrai dire complexe pour un profane) de son contenu, l’ouvrage propose une lecture approfondie et stimulante des flux migratoires qui sont vécus de nos jours de part et d’autre de la Méditerranée. Il ouvre des perspectives de recherche encore inexplorées.
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