Martyrs par amour en Perse : Mgr Sontag et ses compagnons

Recension rédigée par Philippe Bonnichon


Les modalités de présence française outre-mer sont plus diversifiées qu’aux temps restreints des colonisations.  

              La Perse n’a jamais été colonisée, les Romains même y échouèrent ; mais au XIXe siècle alors que Russes et Anglais se faisaient pressants sur l’empire des Qajars, la dynastie appelait d’autres Européens pour développer le pays.

En témoigne la présence continue sur un siècle, depuis les années 1840, de médecins et pasteuriens français : voyez leurs biographies rassemblées dans la série “Hommes et destins” de notre Académie. Aux médecins, il convient d’ajouter les missionnaires catholiques qui s’implantent en Perse avec les lazaristes, à la même époque.

            Le livre de J. et C. Yacoub le rappelle. Les auteurs, issus de la communauté assyro-chaldéenne, ont à cœur de faire connaître en Occident qu’en ces terres - dont l'Azerbaïdjan du lac Ourmiah, au sud-ouest de la Caspienne - les chrétiens sont chez eux depuis l’époques des apôtres et que certains parlent l’araméen, langue de Jésus et de sa mère
            Mgr Sontag, Alsacien qui obtient, évêque, la nationalité et des décorations françaises lors de la Grande Guerre et ses compagnons prêtres lazaristes - l’un venait de Belgique, les deux autres étaient issus des communautés chrétiennes locales - furent mis à mort dans l’été 1918. C’était un temps génocidaire où les Turcs poussaient Kurdes et populations locales à massacrer leurs voisins chrétiens, Arméniens et Assyro-chaldéens.

            Les historiens recueillent ici les témoignages sur les personnes, l’état de la Perse en ce début du XXe siècle et sur les circonstances du drame final de 1918.
            Un triple intérêt s’en dégage sur l’histoire, la géopolitique et les destins personnels. La situation de la Perse à l’époque est à la fois complexe et peu connue. Le pays a proclamé sa neutralité mais des courants révolutionnaires s’opposent à la dynastie en crise. La Russie occupe le terrain, se retire, revient puis abandonne, avec la révolution de 1917. L’Angleterre impériale et la France, qui entretient une mission militaire au Caucase, promettent mais ne peuvent guère tenir, face aux menées allemandes en faveur d’une poussée militaire turque en Azerbaïdjan perse, visant le Turkménistan et les Indes anglaises…

           Le lecteur est ramené d’un coup à l’actualité très contemporaine, si l’on observe, un siècle après, les situations respectives de l’Arménie et de l'Azerbaïdjan avec ses alliés turcs et les positions de la Russie pour arbitre (?) et de l’Europe qui subordonne ses scrupules moraux (quand elle en éprouve) à ses intérêts pétroliers ; “business as usual”...

          Enfin, l'intérêt de la lecture s’attache bien sûr au destin personnel de ceux qui voulaient faire passer avant leur sauvegarde personnelle, le secours envers tous, sans distinction de religion et la fidélité aux populations dont ils se jugeaient responsables et qui vont être anéanties.

Un martyre, à reconnaître de nos jours. Toujours recommencé ?