Islam et bonne gouvernance au XIXe siècle dans les sources arabes du Fouta-Djalon

Recension rédigée par Jean Nemo


On l’aura compris, il s’agit ici d’une monographie au sens le plus strict du terme. Les rédacteurs de ladite ont publié souvent chez le même éditeur. Leur bibliographie parfois longue, parfois réduite à ce seul ouvrage, montre qu’ils sont tout à la fois de bons arabisants, voire de bons grammairiens, et qu’ils connaissent bien l’Afrique au sud du Sahara. Ils sont du reste présentés en début d’ouvrage, d’une façon sommaire, néanmoins suffisante.

Dans leurs remerciements, ils citent de nombreux interlocuteurs locaux, notables lettrés, un imam (qui leur a prêté des manuscrits reproduits en fin d’ouvrage). « Et tant d’autres qui nous ont aidés par leur savoir, leurs expériences, leur appui, leur amitié : leur liste est interminable, lannattaa… ».

Cela démontre une longue fréquentation des hommes et du terrain, bien loin d’une hâtive enquête.

Les premiers auteurs cités à travers leurs textes sont des « lettrés » musulmans qui écrivent en arabe, au moins en caractères arabes, au Fouta-Djalon, des décennies avant la conquête coloniale, ils reflètent, comme le dit la 4ème de couverture, « les liens entre les lettrés en islam et les détenteurs du pouvoir politique, dans un État islamique fondé en 1727 ».

Sauf lecture inattentive, parmi les cinq rédacteurs de l’ouvrage, il est impossible de dire qui a rédigé quoi. Ce n’est pas forcément rédhibitoire, voyons plutôt la substance.

Dans une première partie, « Le point de vue des lettrés », l’ouvrage retrace l’histoire familiale, clanique et littéraire de Tierno Sadou Dalen, « lettré de son temps ».

Dans la deuxième partie, intitulée « L’aristocratie du sabre et de l’encrier contre l’axe du mal des déviants », plusieurs versions écrites par « l’aristocratie de l’encrier » sont évoquées à propos d’une révolte de 1860, dite d’Ilyaasa, son meneur.

Une troisième partie, le point de vue des « princes » est retranscrit à travers d’autres écrits de lettrés.

On l’aura compris, ce mince volume à la « bibliographie » complète (celle des manuscrits retrouvés, ou leurs copies), à l’appareil critique abondant (notes de bas de page, cartes…) est pour les futurs chercheurs une mine d’inspiration. Il suppose en effet une solide connaissance préalable d’une société africaine, aristocratique, aux structures décentralisées, qui sait faire la part à l’aristocratie des lettrés.

Le lecteur européen n’osera sans doute pas essayer de trouver dans sa propre histoire des Moyens-Âges des équivalents à cette « bonne gouvernance ».

Ouvrage de référence donc pour le lecteur qui chercherait à approfondir sa connaissance des Afriques complexes et aux « bonnes gouvernances » d’avant la colonisation.