Auteur | sous la direction de Pierre Pascallon |
Editeur | L'Harmattan |
Date | 2016 |
Pages | 444 |
Sujets | Tensions internationales 21e siècle Actes de congrès Crises politiques 21e siècle Actes de congrès Crises économiques 21e siècle Actes de congrès |
Cote | 60.774 |
Pierre Pascallon directeur de la collection « Défense » rassemble ici les contributions d’une cinquantaine d’experts réunis lors du colloque éponyme tenu à l’Assemblée nationale (Paris 8 décembre 2014) ; en organisateur confirmé, Pierre Pascallon, docteur d’Etat ès sciences économiques et ancien député membre de la commission de la Défense nationale découpe les conceptions du gouffre éventuel dans un triptyque « Constat, Explication, Solutions », ajoutant au regard géostratégique l’approche géoéconomique.
Les désordres économiques sont ainsi évalués en termes d’intelligence économique, de lien social distendu, de chômage de masse, de globalisation inéquitable ; les désordres stratégiques sont appréciés en termes de tensions accrues ou imprévues, d’émergence de nouveaux foyers tels les conflits proches de la Méditerranée.
Les auteurs des contributions sont le plus souvent des économistes proches des universités (Paris, Grenoble..), des grandes écoles (mines, arts et métiers, Saint-Cyr..), d’instituts spécialisés (IRIS, Etudes économiques du crédit agricole, Observatoire d’études géopolitiques, Centre d’études diplomatiques et stratégiques…). Une demi-douzaine de généraux complète utilement, en fonction de leur expérience, l’approche de ce quart de siècle (1990-2015).
La diversité des articles est à la hauteur de l’évolution inattendue de cette période, riche en surprises et bouleversements; avec juste raison, P. Pascallon rapproche ces articles pour les rendre plus accessibles au lecteur. Le classement dans la partie « Explication » illustre « la mise en cause de l’ordre géoéconomique mondial antérieur prévalent et ses régulations » ; ce classement souligne aussi la mise en cause de l’ordre géostratégique antérieur suivie de ses régulations.
La troisième partie, dévolue aux « Solutions », examine successivement l’émergence d’un monde par le progrès, éventuellement dans un nouveau modèle, la fixation possible d’un monde par la paix. Ce bilan explore l’alternative opposée aboutissant à la création d’un nouvel ordre international par la puissance ou par la guerre, ou même simultanément par la puissance et la guerre.
Les nouveaux déséquilibres de ce dernier quart de siècle ne ressemblent en rien aux perturbations des siècles précédents. Elles semblent engendrées par une mondialisation qui réussit plus aux pays très riches qu’aux pays pauvres dès la première décennie. Les conséquences des bulles spéculatives qui touchent dès 1995 le Japon, la Corée du Sud, la Thaïlande s’étendent à tous les continents, dont l’U.E. avec la crise bancaire de 2008, suivant la crise des « subprimes » en 2007. Nombre d’interrogations se tournent vers une mondialisation issue des Etats-Unis et de l’Université « Booth School of business » de Chicago (revendiquant 6 prix Nobel).
Les limites et les revers du système anisotrope issu de cette mondialisation posent la question d’une actualité brûlante, taraudant bien des participants, la 2e puissance du monde récemment reconnue est-elle une menace militaire ? La croissance à 2 chiffres inattendue de la Chine réduite à 6,7% pour 2016 passera-t-elle en dessous de 6% d’ici 2020 limitant l’augmentation des salaires et des nouveaux armements ? Qu’en sera-t-il de la relation entre le dollar et le yuan ?
Nombre d’articles du « Constat » relèvent également de l’ »Explication et des Solutions » exprimant le passage à de nouveaux états d’équilibre dans la seconde décennie du 21e siècle Le bilan du Constat montre pour la France et l’Europe l’évolution de notre économie sous l’effet de la guerre ou l’espionnage économique, l’installation d’un chômage durable, l’inégalité des revenus et des patrimoines .Le volet stratégique prépare la fin du monopole occidental de la puissance.
Rédigées indépendamment, sur des thèmes assez différents, les appréciations de nos généraux méritent attention ; 13 pages suffisent ainsi à un général de brigade pour délimiter les frontières de la Chine (22.147 km) avec 14 pays voisins, reconnaître la variété des zones de tension les plus sensibles, suivre les migrations des populations et l’avantage des cours d’eau transnationaux. Les conclusions sont en adéquation avec un 9e livre blanc de la Chine du 26 mai 2015 (accentuant une défense active et la projection des forces armées au-delà des frontières), tempéré par un livre blanc sur le développement spatial (27/12/2016) affirmant le principe d’exploration et d’utilisation de l’espace à des fins pacifiques. La Chine se limitera probablement à un « grignotage » pour les revendications terrestres, les revendications de routes maritimes sécurisées (traversée du détroit de Malacca, collier de perles) jouant un rôle essentiel pour approvisionner la Chine en hydrocarbures et autres ressources énergétiques ou minérales.
Ces circonstances qui menacent le Japon, peuvent multiplier d’autres conflits en mer de Chine méridionale. Dans leurs revendications d’ilots prétendus japonais, les chinois font état de cartes telles cette carte des îles Diaoki / Senkaku tracée par un géographe français, officier de marine en 1832… en contradiction avec la rencontre récente du Président Trump et du premier ministre Shinzo Abe.
Le déséquilibre créé par la disparition du pacte de Varsovie et l’extension de l’OTAN en 1991, la dissimulation du contenu des enquêtes de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique démontrant le retrait d’uranium enrichi entre les mains de l’Irak (avant 1994) ont facilité la guerre engagée par le Président G.W. Bush après la destruction du World Trade Center le 11 septembre 2001. La Commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis a démontré fin août 2004 la responsabilité du réseau Al-Qaïda, en affirmant que les dix-neuf terroristes auteurs de ces attentats suicides en étaient membres (une majorité de saoudiens, quelques émiriens, un égyptien et un libanais) et que le commanditaire en était Oussama Ben Laden. La seule menace d’un veto de la France contre une nouvelle résolution sur l'Irak en 2003 permettant l’entrée en guerre sera à l’origine de brouille diplomatique et politique (un veto du même type émana de la Russie).
Nous rappelons ici que le droit de veto (art. 24 de la Charte du Conseil de sécurité de l’ONU) appartient aux 5 membres permanents (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) assurant le maintien de la paix et de la sécurité internationale Seuls les 5 membres permanents détiennent des armes thermonucléaires (avantagées par leur encombrement réduit et leur puissance allant jusqu’à 100 fois celle des bombes « atomiques » ) renforçant les responsabilités respectives. Le « Brexit » fait de la France le seul détenteur d’un droit de veto pour l’U.E.
Durant la guerre froide, il n’y avait que deux centres de décision d’utiliser les armes de destruction massive. En 2016, environ 14 à 16 SLNE (sous-marins nucléaires lanceurs d’engin) appartiennent respectivement à la Chine, aux Etats-Unis et à la Russie, le potentiel de la France, comme celui du Royaume-Uni étant 4 fois plus faible. Cette situation oblige les 5 membres permanents à discuter toute évolution vers un conflit international et à anticiper le refus de toute menace de destruction massive. Il faut aussi s’interroger sur une culture commune Européenne qui est autant l’apanage de l’U.E. que de la Russie et des pays de « l’autre Europe ».
La conclusion générale simplifiée de cet ouvrage « deux superpuissances rivalisent désormais à parité, les Etats-Unis pour maintenir leur hégémonie et la Chine pour la leur ravir. Une bipolarisation de la planète s’installe. Depuis 2008 nous sommes entrés dans une seconde guerre froide… » ne nous incite pas à faire un pas en avant vers le vide.
Une bibliographie éclectique due à Pierre Pascallon (p.431-437) permet au lecteur d’approfondir les riches contributions des auteurs et d’établir des perspectives plus optimistes.
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