Conjonctures de l'Afrique centrale

Recension rédigée par Roland Pourtier


Publié depuis 2018, Conjonctures de l’Afrique centrale a pris le relais de l’Afrique des Grands Lac, qui couvrit les années 1997 à 2016. L’annuaire regroupe les principaux centres de recherche de Belgique dédiés au bassin du Congo dans le périmètre de l’ancien domaine colonial belge (RDC, Rwanda et Burundi) : universités d’Anvers et de Louvain, Centre belge de référence pour l’expertise sur l’Afrique centrale (CRE-AC), Musée royal de l’Afrique centrale.

            L’introduction à l’annuaire 2021 rappelle opportunément qu’il s’agit d’une revue en langue française, dans un monde académique dominé par les institutions et publications anglophones, avec une très forte implication des chercheurs africains d’Afrique centrale. Le numéro rassemble 17 articles, rédigés par une quarantaine d’auteurs, autour de quatre thèmes : pandémie de COVID 19, Politique et gouvernance, ressources naturelles, minerais, forêts et terres, sociétés.

            Fruit d’une recherche collaborative de 14 auteurs, le texte consacré à la pandémie s’est principalement intéressé à la « gouvernance ». Il montre comment les situations diffèrent entre le Rwanda aux encadrements socio-politiques rigoureux, le Burundi, travaillé par des tensions politiques internes fortes qui ont remisé l’action sanitaire au second plan, et l’immense RDC aux réalités locales diverses laissant le champ ouvert à la négociation entre élites politiques, pouvoirs coutumiers, populations habituées à toutes sortes de pratiques de résilience. Il manque à ces réflexions quelques données factuelles de base sur la COVID 19 dans le bassin du Congo. Il est vrai que les données statistiques sont très fragmentaires, voire inexistantes ou douteuses, en particulier en RDC, si bien que l’étude se limite en réalité à celle de comportements individuels face aux décisions prises par telle ou telle instance de pouvoir sans qu’on puisse en évaluer l’impact réel.

            La deuxième partie consacre deux articles à la nature du pouvoir au Burundi, aux rapports entre dynamiques « du haut » et du « bas », et à la conception de la nationalité selon une grille de lecture qui escamote la dimension ethnique de la crise politique burundaise. Deux autres textes abordent la situation en RDC. L’un, assez classique dans ses approches, porte sur la grande corruption, s’interrogeant notamment sur l’enrichissement de Joseph Kabila ; il annonce d’une certaine façon les révélations fin 2021 de « Congo hold up » qui en ont pointé l’ampleur. L’autre s’interroge sur les réformes électorales censées normaliser et apaiser un processus qui dégénère à chaque élection, la réflexion théorique tenant cependant du vœu pieux.

            La troisième partie, la plus importante, regroupe huit articles traitant de la question des ressources naturelles, si importante en RDC réputée regorger de matières premières et potentiellement riche. Quatre portent sur l’exploitation minière artisanale au Kivu, son impact social, son implication dans les guerres régionales, ses conséquences environnementales. Les problématiques ne sont pas nouvelles, l’intérêt des études de cas étant de les actualiser. Trois contributions abordent les questions moins souvent traitées de l’agriculture au Kivu, ce qui n’est pas sans intérêt dans un contexte de saturation foncière due à la forte croissance démographique, en partie consécutive aux migrations en provenance du Rwanda, ce que les auteurs passent sous silence comme si ces questions géopolitiques essentielles à la compréhension des conflits de l’Est de la RDC étaient taboues.

            Sous l’intitulé « Société », la quatrième partie aborde en quatre articles des questions diverses relatives aux classes sociales à Kinshasa, à la justice locale, à l’analyse des violences déclenchées par le mouvement « Kamwina Tsapu » au Kasaï, et à la situation des médias et du journalisme dans les conflits armés de RDC. Elles éclairent, sous des perspectives complémentaires et par des exemples concrets, les réalités socio-politiques complexes de la RDC et des États voisins.

La participation d’un grand nombre d’auteurs, principalement congolais, témoigne de la vitalité des recherches émanant d’un vivier de chercheurs francophones soutenus par des partenariats avec des institutions universitaires belges et avec le Musée royal de l’Afrique centrale qui jouent un rôle de premier plan dans la production scientifique dédiée au bassin du Congo.