Les diasporas africaines : accélératrices des économies du continent

Recension rédigée par Hubert Loiseleur des Longchamps


Le Conseil Français des Investisseurs en Afrique (CIAN) publie le troisième opus des « Cahiers du CIAN », qui a bénéficié de nombreux contributeurs sous la direction de deux journalistes, Bénédicte Châtel et Anne-Guillaume-Gentil.

L’Afrique est désormais reconnue unanimement pour son potentiel considérable de création de richesses, mais doit faire face à des défis aussi importants que la lutte contre les inégalités et la pauvreté, l’explosion de sa démographie (un milliard d’habitants supplémentaires d’ici à 2050) et les conséquences du changement climatique.

Dans la préface de l’ouvrage, rédigée par notre confrère Etienne Giros, le président-délégué du CIAN souligne que les diasporas sont un sujet d’actualité, pris en compte par les organisations internationales et les gouvernements. Etienne Giros relève que les flux financiers engendrés par la diaspora s’élèvent à 70 milliards d’euros, dont 10 milliards pour la France, soit le premier montant de transferts financiers pour une communauté étrangère, et des sommes supérieures à l’aide publique. Ce phénomène n’est pas en soi nouveau, il suffit de se rappeler, par exemple, l’apport considérable à l’économie égyptienne depuis des décennies des remises d’expatriés travaillant dans le golfe arabo-persique. Mais il prend une ampleur nouvelle entre la France et l’Afrique, et suscite donc une analyse plus approfondie.

Cette diaspora est pour l’Afrique une ressource potentielle en termes de créations d’emplois et de PME, ainsi que de transfert d’expertise, alors que les membres actuels de cette diaspora sont confrontés au choix entre le retour dans leur pays d’origine ou l’assistance technique. Etienne Giros souligne que les freins au retour sont nombreux : baisse du pouvoir d’achat, scolarité des enfants, insuffisance des infrastructures et des politiques gouvernementales à leur égard.

Précédant les six chapitres composant l’ouvrage, l’introduction fournit des données chiffrées qui permettent de mieux appréhender le phénomène : 3,2% des Africains sont des migrants, ce qui est très proche de la moyenne des migrants dans le monde : 3,4%, et 44% des enfants d’immigrés viennent d’Afrique et ils sont maintenant plus nombreux que les immigrés en tant que tels. L’ouvrage comporte du reste une grande quantité de données chiffrées qui constituent à elles seules une source d’informations complètes et précises.

Le premier chapitre est consacré à l’état des lieux, et débute par une série de définitions du mot « diaspora », depuis la dispersion du peuple juif au 6ème siècle avant J-C et l’exil forcé de ses élites à Babylone, jusqu’aux définitions contemporaines données par les institutions internationales.

Les indications chiffrées sur l’origine géographique et les lieux d’établissements en France des migrants africains sont utilement rappelées, ainsi que la composition très diversifiée de cette population. Ce n’est pas le moindre mérite de cette étude approfondie qui y ajoute des éléments sociologiques déterminants : les évolutions entre les générations de migrants, les différences entre les enfants nés en France et leurs parents venus d’Afrique, leurs rapports divers à leurs pays d’origine et le niveau culturel et de formation acquis par les uns et les autres.

Les générations actuelles souhaitent participer au développement de leurs pays, mais veulent un retour sur leur investissement, pas seulement en termes financiers. On assiste à un intérêt renouvelé pour la politique, et les institutions internationales, soit au niveau global, soit au niveau régional (Union Européenne, Union Africaine) mettent en place des outils de communication et de discussion avec les diasporas. Ces dernières sont des interlocuteurs politiques reconnus et de plus en plus organisés, comme l’illustrent les deux exemples suivants : en France en 2017, un Conseil présidentiel pour l’Afrique a été créé et, en 2018, le Martiniquais Louis George Tin est devenu le Premier ministre de l’État de la Diaspora Africaine.

Les États africains, pour leur part, ne restent pas à l’écart de ces évolutions. Si le Maroc a été un pionnier dans ce domaine et sert de référence, le Cameroun, le Sénégal, l’Algérie et le Ghana s’intéressent de près à leurs diasporas respectives en créant les institutions adaptées à ce phénomène.

En France le modèle de regroupement utilise largement la forme associative, même si l’objet de ces associations est plutôt concentré sur l’entraide que sur le développement socio-économique des pays d’origine.

En conclusion, le grand mérite de cette enquête est de pointer la problématique qui se pose aux diasporas : s’installer « là-bas » ou agir « ici » ? Les évolutions sociologiques et les moyens technologiques disponibles modifient profondément l’attitude des générations actuelles, et leur mobilisation pour les questions politiques est au niveau de leurs ambitions économiques. Les comportements restent fondamentalement nationaux, voire régionaux ou locaux, ce qui est un frein à une réaction à l’échelle du continent, et les États sont loin d’avoir créé les conditions nécessaires à l’accueil de leurs diasporas et de leurs investissements.