Robert Gildea, professeur à l’Université d’Oxford est un historien britannique spécialiste de la France contemporaine.
Il a notamment travaillé et publié ses travaux sur l’histoire de la Résistance et de l’Occupation.
Cet universitaire entreprend dans « l’Esprit impérial » une minutieuse comparaison des impérialismes français et britanniques et leurs prolongements dans le monde d’aujourd’hui.
Il nous livre ainsi une vaste fresque historique, remarquablement documentée, qui conduit le lecteur des prémisses des empires aux XVIIème et XVIIIème siècles aux problèmes des banlieues et aux interventions militaires occidentales des années 2000.
Très sévère à l’égard du colonialisme, « rêve de gloire et chronique de l’angoisse », qui s’appuya sur l’esclavage et conduisit au déplacement et au massacre des populations indigènes, il l’est tout autant à l’endroit de la décolonisation qui selon lui mène inéluctablement au néo-colonialisme, les anciennes puissances coloniales cherchant sans cesse à réinventer l’Empire.
Il estime notamment que le Général de Gaulle a certes donné l’indépendance à l’Algérie mais pour mieux construire et s’appuyer aussitôt sur la Françafrique dont il fit de Foccart le maître d’œuvre.
Critique à l’égard de la Grande-Bretagne qui par le Brexit chercherait à reconquérir sa puissance commerciale et à ressusciter le fantasme des temps heureux du Commonwealth, il encense en revanche Emmanuel Macron qui, à Alger, a qualifié la colonisation de crime contre l’humanité et cherche quant à lui à faire avancer la construction européenne.
Regrettant que les puissances impériales n’aient pas su tirer les leçons de la seconde guerre mondiale en appliquant aux peuples colonisés les principes pour lesquels ceux-ci avaient combattu pour elles, il dénonce les fautes lourdes qu’ont été selon lui Thiaroye, Sétif, Madagascar, l’Indochine et Sakiet. Après l’indépendance de l’Inde, la décolonisation générale était inéluctable. Mais même les britanniques l’ont ignoré au Kenya lors de la révolte des Mau-Mau.
Une part importante de l’ouvrage est consacrée aux problèmes actuels.
Selon Gildea, la volonté de puissance se manifeste encore, après les attentats contre les tours jumelles, dans les interventions anglo-saxonnes en Afghanistan et en Irak, avec des opérations qui n’ont pas craint de recourir à la torture à Abou Ghraib comme à Guantanamo.
En bombardant Mossoul en 2003, la Royal Air Force s’est comportée de la même manière qu’en 1920 et ses victimes sont les petits-enfants de celles d’alors.
De même le débat sur l’immigration et les interrogations sur l’assimilation des migrants qui ne sont autres que les anciens colonisés, montrent que le passé colonial continue de peser lourd. Gildea rapporte à cet égard les propos d’une française d’origine maghrébine : « Nous sommes ici parce que vous étiez là-bas ».
La polémique sur le port du voile, la loi de 2005 reconnaissant en France les bienfaits de la colonisation ont été à l’origine de tout un mouvement de contestation conduit par « les indigènes de la République ».
Le terreau a été ainsi préparé, selon l’auteur, pour les islamistes radicaux et le passage à l’acte terroriste.
Némésis et Hybris. La juste colère des Dieux contre les humains coupables de mégalomanie.
Si tous les faits de cette longue période historique sont consciencieusement et scientifiquement rapportés par Robert Gildea dont l’ouvrage est de grande qualité et d’un grand intérêt, leur interprétation engagée et parfois subjective mériterait sans doute d’être nuancée.
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