Femmes d'influence : les signares de Saint-Louis du Sénégal et de Gorée, XVIIIe-XIXe siècle : étude critique d'une identité métisse

Recension rédigée par Jean Nemo


Il est toujours tempsde rendre compte d’un ouvrage déjà relativement ancien. Celui-ci permettra au lecteur dit « éclairé » d’avoir une bonne information sociologique, voire politique, sur une société féminine, dominatrice et à la fois soumise. Dominatrice parce que propriétaire d’esclaves, actrices d’intermédiations douteuses. Soumise parce que dépendant d’autres maîtres, le plus souvent venus de lointains pays, qui les prennent et les quittent sans scrupule. 

Cette société est aujourd’hui disparue, même de la plupart des manuels d’histoire scolaire. On appréciera donc qu’un coup de projecteur et des informations éclairées les ressuscitent le temps de la lecture. On saura gré aussi à l’auteur et à sa passion de l’histoire informée, illustrée, d’avoir plus que contribué à cette résurrection.

L’auteur est de ceux qui enseignent dans le secondaire en province, sa bibliographie est fort courte, elle semblerait se limiter à l’ouvrage sous revue. Rien à voir, donc, avec un ou des « pontes » universitaires. Remarque sans aucune intention péjorative, faut-il le préciser ? On verra que « ponte » ou non, l’intérêt de l’ouvrage est ailleurs qu’à l’université et aux garanties qu’elle donne aux chercheurs.

Car Guillaume Vial est aussi membre de la Société Française d’Histoire des Outre-Mers, il est responsable de son site Internet. D’autres connaissances de nos confrères ou consœurs appartiennent à la même SFHOM (Colette Rivallain), et certains de leurs ouvrages ont fait l’objet de recensions parues sur le site de l’ASOM dans les années récentes ou ont même été proposées pour un prix (Colette Zytnicki, pour « Un village à l’heure coloniale-Draria, 1830-1962 »).

Il n’a pas été possible de savoir pourquoi Guillaume Vial s’intéressait autant à l’Afrique, car il n’a fait aucun séjour de longue durée sur ce continent ou dans d’autres Outre-Mers. Cela n’a aucune importance pour aborder au fond l’ouvrage sous revue.

Relativement épais, 381 pages, abondamment illustré in fine (pour l’essentiel à partir de la collection rassemblée par l’auteur), il comporte trois chapitres (respectivement « L’originalité du métissage au temps des fastes, 1750-1830 », « L’affermissement d’une bourgeoisie métisse, 1817-1848 », « La lente disparition des signares »). Cela recouvre bien les XVIIIe-XIXe siècles du titre.

Dans son introduction, Guillaume Vial examine le sens lointain et plus proche du mot « signare ». La dernière phrase de cette introduction : « l’extension et la transformation de ce registre exotique, jusqu’à nos jours, a fini par propager au-delà du Sénégal la renommée de ces fameuses signares aujourd’hui disparues, comme la lumière de ces astres lointains et éteints qui continue de nous parvenir et de nous éblouir ». Excellente référence à la cosmologie qui permet de ressusciter les lumières éteintes du passé lointain…

Il a voulu son ouvrage comme une spécificité d’un phénomène beaucoup plus répandu, le métissage (« Étude critique d’une identité métisse », comme le rappelle le titre. 

Auparavant cependant, il avait rappelé l’abondante et ancienne littérature décrivant les « signares ». Puis il justifie son plan des chapitres ci-dessus énumérés qui vont de la période du « Temps des fastes » à « L’affermissement d’une bourgeoisie métisse, 1817-1848 » puis à « La lente disparition des signares ».

« Pour reprendre un titre fameux, il est satisfaisant de pouvoir écrire, au terme de cette recherche : les signares ont une histoire ». Telle est la première phrase de la conclusion de Guillaume Vial. Il justifie ainsi sa recherche et l’intérêt de l’histoire.

Plus généralement, l’ouvrage n’est pas, tant s’en faut, une vulgarisation sommaire. Son appareil critique est impressionnant, sa bibliographie abondante, y compris celle relative à l’histoire des signares. Ce qui permet d’affirmer que celles-ci ont fait l’objet d’un intérêt certain jusqu’à cet ouvrage. Comme il était écrit ci-dessus, « Cette société est aujourd’hui disparue ». Erreur donc du rédacteur, elle n’est pas disparue, elle est entrée dans l’histoire.

C’est cette histoire que le lecteur est appelé à ressusciter, il saura gré à Guillaume Vial d’avoir si savamment su le faire. Il lui saura également gré de n’avoir pas ménagé ses recherches savantes. Donc, il se plongera volontiers dans cette étude d’un cas particulier d’une société métisse et féminine, pour peu qu’il soit friand d’histoire sérieuse et bien documentée. Et « critique ».