Auteur | Maël Renouard |
Editeur | Grasset |
Date | 2020 |
Pages | 329 |
Sujets | Roman français |
Cote | 63.395 |
Je fus en grâce autant qu’en disgrâce. De l’un ou l’autre état les causes me furent absolument inconnues.
Je fus placé au Collège royal dans la classe de l’ainé des princes. Mes camarades étaient des enfants de hauts dignitaires du royaume mais aussi choisis dans toutes les couches de la société. Moi, j’étais celui dont la naissance était la plus humble. Le collège se situait dans l’enceinte du palais royal et il me fallut quelque temps pour me familiariser dans tout cet ensemble. J’ai rencontré le prince qui me parut réservé. L’effort physique lui plaisait alors que j’étais plus proche des disciplines de l’esprit et il était entendu qu’aucune faveur particulière ne lui était accordée. En classe d’histoire, nous avions un professeur français, Monsieur Delhaye, ancien élève de l’École Normale Supérieure à Paris dans la promotion de Georges Pompidou. Le sultan Sidi Mohammed avait soumis le prince à un régime sévère de l’internat. Le soir, pour se distraire, il jouait aux échecs avec ses compagnons d’étude qui, soit qu’ils fussent malhabiles, soit qu’ils eussent trop peur de vaincre, lassaient vite sa patience. J’osai remporter ma première rencontre mais lui laissa gagner la seconde. Le prince me crut fier, coriace et ce fut ma première entrée en grâce. Ma première disgrâce survint peu après lorsqu’il prétexta une fatigue pour ne pas venir jouer comme prévu. J’avais oublié qu’il n’est pas de plus grande colère que celle d’un prince qui découvre qu’on feint de perdre pour lui plaire.
Lorsque j’entrai au Collège royal, la guerre occidentale touchait à sa fin et le sultan avait joué une partie subtile avec les belligérants. Quelquefois, il emmenait son fils pour l’initier à la diplomatie, ce qui le rendait joyeux mais, à son retour, il montrait son impatience à régner. La perspective de l’indépendance laissait entrevoir des ambitions parmi certains. Comme mes camarades, le Sultan me reçut et s’enquit de mes projets de carrière qui étaient avant tout de pouvoir écrire mais je demeurais à sa disposition pour une quelconque fonction dans l’appareil d’État. Évoquant mon désir de partir étudier à Paris, il me garantit les moyens dont j’aurais besoin. A noter que le prince héritier allait faire son droit à Bordeaux, une divergence proportionnée apparemment aux mérites, à moins qu’on ait accédé à mes désirs pour me tenir éloigné de lui.
La vie d’étudiant à Paris me permit de fréquenter les milieux nationalistes, rencontrer des intellectuels et me faire des amis qui ont pu me parler de la monarchie française. Les événements du Maroc avec la déposition du sultan, son exil puis son retour et l’accession à l’indépendance me donnèrent l’occasion de lui écrire une lettre d’allégeance. Et, c’est ainsi que je fus intégré en France comme chargé de mission avec une réflexion sur une réforme du système d’enseignement. Par ailleurs, je m’étais inscrit en doctorat d’histoire à la Sorbonne mais je faisais entre Paris et le Maroc des allers et retours, ce qui avait enjoint Delhaye de me dire de « ne pas sacrifier le Makhzen à la Sorbonne ». Je fis donc en sorte de revenir au pays peu de temps après le retour du sultan. Je fus nommé conseiller technique au cabinet du ministre de l’Éducation nationale. Travail modeste et de temps en temps, rencontres avec le roi et le prince qui me témoignaient de l’affection et saluaient mon travail. Mais, c’était sans compter sur les calomnies à l’encontre de l’ancien du Collège royal.
A la mort de son père, le prince Moulay Hassan devint le roi Hassan II et pour son discours du trône, il me demanda mon avis pour quelque modification ou suggestion. Il me convoqua ensuite et, plein d’espérances, je pensais qu’il me proposerait un poste important dans la hiérarchie du cabinet royal. Quelle ne fut ma surprise en apprenant que j’étais nommé « gouverneur académique de Tarfaya et des territoires légitimes ». J’étais éloigné et cette disgrâce entraina des rumeurs désobligeantes sur mon compte.
Après un long voyage, je regagnai en voiture militaire Tarfaya, la dernière ville sur la côte avant le Sahara et je compris rapidement l’absurdité d’y installer des infrastructures d’enseignement supérieur sur pratiquement rien d’existant. Je fis connaissance de mon nouveau domaine et des particularités des habitants étonnés de mon arrivée. Dans ce lieu de l’extrême, je laissai mon esprit vagabonder entre mer et désert sans oublier mon existence au palais. Après sept années, je reçus une convocation en audience auprès de Sa Majesté, ce qui me fit espérer la fin de ma disgrâce. Arrivé en avion à Rabat, je fus introduit au palais dans l’attente fébrile de l’entretien tant espéré mais le roi ne vint pas et je retournai, accablé, en avion à Tarfaya et repris la monotonie de ma vie. Un courrier urgent me parvint dans lequel se trouvait le Bulletin Officiel et, avec surprise, je tombai sur un décret du 1 Septembre 1968 qui me nommait, moi, M. Abderrahmane Eljarib, historiographe du Royaume. Mon ancien professeur Delhaye avait noté qu’après son intronisation, le jeune souverain avait créé ce titre comme en France sous Louis XIV. A l’instar d’autres, j’ai subi ce fait du prince, cette torture de l’attente infinie et déçue, brusquement suivie d’une faveur inespérée.
Les années qui suivirent parurent agréables quoique dépourvues d’espérances. Je fus reçu dans ma charge avec une grande simplicité. Ayant trouvé un logement aux Oudayas où je pus y installer des livres en abondance, je fis alors connaissance avec les missions de l’historiographe parmi lesquelles l’assistance au roi dans la préparation de ses textes et discours, l’assemblage de documents pour la rédaction d’un livre dont le roi serait l’auteur. Je participai également à des réunions de hauts dignitaires où je devais être d’une grande prudence dans mes interventions. Je fus surpris lorsque le roi me demanda un jour de divertir un petit auditoire de ses invités par un récit tiré de la plus noble tradition littéraire. Comment devais-je considérer ce rôle, dans un sens de promotion ou de dégradation ? Me basant sur une histoire qui pourrait être proche des Mille et Une Nuits, ce fut d’abord un grand succès auprès du roi et de ses invités, mais m’enhardissant dans le récit, je vis la consternation envahir l’auditoire et Sa Majesté me tira de ce mauvais pas en feignant de rire aux éclats. Cependant, le roi ne me demanda plus jamais de remplacer les conteurs habituellement à son service.
Le 10 Juillet 1971, des réjouissances pour célébrer l’anniversaire du roi furent données en son palais de Skhirat à peu de distance de la capitale. Une tenue décontractée était recommandée et il se trouva que le roi et les grands du royaume étaient dépourvus des attributs de prestige, la majorité sans cravate et certains même en maillot de bain comme le ministre de l’intérieur, le général Oufkir.
Au moment où Sa Majesté s’apprêtait à partir, on entendit des détonations qui n’étaient pas celles d’un feu d’artifice mais provenant de mitrailleuses. Une grande confusion s’en suivit, chacun cherchant un abri et c’est ainsi qu’avec le roi nous nous réfugiâmes dans un local fermé.
Lorsqu’on frappa à la porte, le roi demanda au Général Oufkir d’aller s’informer, ce qu’il fit pour apprendre que le chef des mutins voulait l’abdication du roi. L’attente se prolongea jusqu’à des tambourinements sur la porte de notre refuge qui fut enfoncée par trois jeunes soldats qui nous firent sortir sous la menace de leurs armes. Ils cherchèrent qui était le roi parmi nous. Après un moment de forte tension, je leur déclarai que j’étais le roi. Je m’attendais au pire quand l’un d’eux s’écria : « Majesté, nous sommes venus pour vous sauver ! ». Le calme revint et je me suis retrouvé seul face au souverain qui me félicita et me demanda de ne pas mettre un mot sur tout cela dans les archives du royaume. Rentré chez moi, je me remis mon action en mémoire en me demandant si cela serait un motif de grâce ou de disgrâce.
Le coup d’état fut maté par le Général Oufkir. Trois semaines après, le roi me convoqua pour me dire que l’année suivante serait celle du trois-centième anniversaire du règne de Moulay Ismaël et qu’il me demandait de réfléchir aux cérémonies possibles. Il disait que j’étais le seul à avoir les compétences et que j’aurai les moyens de ma mission qui devait rester secrète. Avant de me laisser partir, il me dit que le shah d’Iran allait célébrer en grande pompe l’anniversaire de la fondation de l’empire et qu’il fallait que j’accompagne son frère qui le représenterait.
Que fallait-il voir dans cette mission pour moi : un signe de grâce ou de disgrâce.
Moulay Ismaël qui fut un souverain tyrannique du dix-septième siècle devait-il être un exemple pour une monarchie du vingtième ? J’allai à Meknès où il avait régné et je passai de longues journées à l’étude de ce grand monarque. Il y avait hors de la ville un grand jardin luxuriant, œuvre d’un Français. C’est en ce lieu que je fis connaissance d’une très jolie femme, Morgiane al-Meghisti, qui appartenait à l’une des plus illustres familles. Je la revis plusieurs fois. La voir et l’aimer passionnément, ce fut une même chose pour moi. Nous eûmes de nombreuses discussions sur les siens, sur certains grands du royaume, leurs enrichissements peu licites, connus du roi qui les tenaient à sa merci car il suffisait de sortir l’un de ces dossiers pour précipiter la disgrâce d’un tel. Morgiane étudiait la médecine à Paris où elle fréquentait des étudiants opposants au régime. Elle me posa des questions sur le roi. Malgré mes efforts pour la persuader des bonnes qualités du monarque, elle m’affirma « qu’il méprise ceux qui le flattent, il déteste ceux qui lui résistent et que personne ne doit lui faire de l’ombre ». Nous promenant dans l’enceinte de l’ancien palais de Moulay Ismaël, elle s’indigna qu’il ne fût pas mieux entretenu et me demanda si le roi avait prévu de célébrer les trois cents ans du règne de Moulay Ismaël. Et s’il faisait quelque chose, on verrait la disproportion entre son glorieux ancêtre et lui-même. Un jour, elle me fit discrètement rencontrer un groupe de jeunes de ses amis qui ne cachaient pas leur opposition au régime. Selon eux, de grands évènements se préparaient avec un chef puissant. Je fus bien embarrassé d’entendre cela et il me parut nécessaire de le faire comprendre à Morgiane en lui marquant de la froideur pendant quelque temps. Cela ne dura pas.
J’avais emporté à Meknès des ouvrages portant sur Moulay Ismaël que les historiens tiennent pour le premier sultan de la dynastie des Alaouites. Son long règne l’amena à réduire des rebellions, combattre les tribus insoumises et faire la guerre notamment aux Espagnols et Ottomans, si bien que l’empire chérifien allait de la Méditerranée au fleuve Sénégal. C’est sous son règne que fut créée la « garde noire » composée d’esclaves issus d’au-delà du Sahara. Le souverain était un guerrier sanguinaire, avait la passion des chevaux et fut un grand bâtisseur. Chez lui, tout devrait être plus nombreux et plus grand qu’ailleurs. Quand il mourut, le royaume jouissait d’une tranquillité, résultat de son autorité implacable. Pour séduire le souverain, il fallait faire le parallèle entre Moulay Ismaël et le roi de France Louis XIV. Pour les historiens, il avait été au Maroc ce que Louis XIV avait été en France. Cette comparaison piqua la curiosité du roi qui me questionna en particulier sur des cruautés qui auraient heurté la postérité. Il me demanda aussi de l’éclairer sur la notion de droit divin en France et sur les points communs, ainsi que les différences avec ce qui existait dans le Dar el Islam. Il rajouta que les Français avaient changé de régime plus souvent que notre cher peuple et que lui, était toujours là et notre dynastie, la plus vieille au monde.
Comme convenu, je me rendis aux fêtes de Persépolis dans la délégation de Son Altesse Moulay Abdallah qui devait y représenter son frère. C’était grandiose avec des invités prestigieux venant de toutes les parties de la terre. Lors du grand dîner du premier soir, je fus placé à côté de celui qui avait eu l’idée de ces célébrations. Il était l’un des porte-parole du shah et son principal conseiller. Il me dit que cette fête avait demandé beaucoup de temps pour la préparer, ce qui me troubla, moi qui devait organiser la célébration des trois cents ans du règne de Moulay Ismaël. Mais il y était arrivé, ce qui dissipa mes inquiétudes. Une autre rencontre me permit d’avoir plus de détails sur les préparations, les invitations, le déroulement. Ces festivités avaient aussi eu des retombées comme des créations de musées, d’écoles…La grande parade de clôture fut grandiose et dans l’avion qui nous ramenait à Rabat, mon imagination me fit entrevoir des possibilités, mais quelles pourraient être les réactions du peuple devant ces dépenses somptuaires ? Le cauchemar de Skhirat revenait me hanter.
Il y eut avec Delhaye, l’ancien professeur du Collège Royal, un échange de correspondances sur les fêtes organisées par Louis XIV à Versailles. Puis ce dernier vint me voir au Maroc et ce fut l’occasion de longues discussions sur les historiographes, leurs évolutions suivant les rois qu’ils servaient et l’application au Maroc. Les historiographes du roi ou de la France étaient-ils aussi ceux du « royaume » car tel était le titre exact de ma charge. Il m’avait apporté des livres concernant les fêtes de Versailles qui pourraient m’inspirer. Il me les décrivit avec force détails en employant plusieurs fois le mot de carrousel qui pour moi était une fantasia où les cavaliers étaient déguisés et faisaient exécuter à leur monture des mouvements gracieux et complexes sans tirer de coups de feu dans les airs.
Après les réjouissances des Persans, j’étais revenu accablé par l’ampleur de la tâche que j’avais à accomplir. La visite de Delhaye me rendit espoir et je trouvai dans ses livres une variété d’exemples qui pourraient m’aider. Il apparaissait qu’on avait autant de plaisir à revoir des spectacles consacrés par la tradition qu’à expérimenter des nouveautés.
Je remarquai aussi que rien n’était impossible pour une équipe d’hommes décidés et que, dans ce type de fêtes, une des choses à considérer est la promptitude qui accompagne leur magnificence. Peu à peu, le tableau des réjouissances s’esquissait dans mon esprit, et je commençai à en parler au roi qui m’encouragea à persévérer dans mes réflexions, sans oublier d’inclure le golf qui lui était si cher.
Alors que j’étais en plein travail, le roi me fit appeler pour me dire, embarrassé, que la célébration prévue n’aurait pas lieu car, pour le Général Oufkir, c’était une folie sur le plan diplomatique et intérieur. Notre cher peuple serait heurté par les dépenses. Il a laissé entendre qu’il avait un autre projet en tête qui serait frappant et moins couteux. Soucieux de ma réaction, je lui répondis qu’au contraire, j’étais heureux de sa décision. Le roi ne m’ayant confié aucune tâche nouvelle, je restai à Meknès mais sans nouvelle de Morgiane toujours à Paris. C’est alors qu’on apprit que le roi avait échappé à un nouvel attentat en revenant de France dans son avion.
Je reçus un télégramme exigeant ma présence au palais, le lendemain à la première heure. Je savais depuis longtemps qu’il n’entrait pas dans mes prérogatives d’historiographe d’être informé du présent mais dans le cas, les nouvelles allaient bon train et surtout celle de la mort d’Oufkir, sans en savoir exactement les conditions. Cette disparition changerait peut-être beaucoup de choses dans l’entourage du roi. Peut-être serais-je appelé à entrer dans le premier cercle des conseillers de Sa Majesté dont j’avais toujours été tenu éloigné, malgré le Collège royal. Je me rappelais les jugements sévères que Morgiane portait sur le roi. J’étais troublé par le souvenir de cette réunion où elle m’avait convié dans le café avec les étudiants révoltés. Le coup d’état ayant échoué, cela suffisait à me compromettre.
Une Mercedes m’emmena au palais et je me demandai si j’allais vers un tournant de mon destin, favorable ou funeste ? Lorsque je fus introduit en présence du roi, je me prosternai avec empressement. Il ne me parut pas spécialement en colère contre moi mais j’eus droit à un récit détaillé de l’attentat aérien dont je m’efforçai de ne perdre aucun détail car j’étais là pour exercer mes fonctions d’historiographe. Parlant d’Oufkir, au lieu de citer un « suicide de loyauté », il employa l’expression de « suicide de trahison ».
Croyant l’audience terminée et m’apprêtant à quitter le roi sans que mon sort eût basculé dans la grâce ni la disgrâce, il me retint et me dit « je veux te marier », paroles qui me déconcertèrent d’autant plus qu’il tourna son visage vers une porte en disant : « tu peux venir ». Quelle ne fut ma surprise quand je vis entrer Morgiane. Cela me jeta dans un grand effroi, j’étais trahi par cette provocatrice qui avait entrepris de me perdre dans l’esprit du roi. Je sentis que je vivais l’instant de ma mort quand le souverain dit : « je crois que vous avez déjà fait connaissance et je m’en réjouis ». Cette mise en scène me fit penser au jeu d’échecs où j’étais le pion, il était le roi et elle était ma reine. Le roi dit alors que je ne pouvais demeurer sans femme, et qu’il avait l’intention de me confier des responsabilités nouvelles et plus élevées. Suivant ce qu’on lui avait rapporté, Morgiane lui semblait être cette femme. Interdit devant ces paroles, mon effroi se changea soudain en espérance. Elle ne m’avait pas trahi. Le roi poursuivit en louant mon choix car nous avions en commun de ne rien devoir aux privilèges que donne la naissance, mais tout à nos seuls mérites. Je me jetai aux pieds du roi pour lui marquer combien j’étais sensible à ses bontés et je lui dis que je n’aurais pu recevoir une meilleure épouse de meilleures mains.
Cruel mais suave était mon sort, la célébration de Moulay Ismaël n’aurait pas lieu, mais l’imitation de ses cruautés commençait. J’eus le pressentiment que les états de grâce et de disgrâce, désormais, au lieu d’alternative, ne feraient plus qu’un.
EPILOGUE
Par Delphine Clerc, Maitresse de conférences à l’université Rennes II
Je crois utile de rapporter les circonstances dans lesquelles je me suis trouvée en possession de ce manuscrit après avoir rencontré son auteur.
Étudiante à Paris en 1999, pour sujet de mémoire, j’avais choisi d’étudier la double influence des Mille et une Nuits et des Mémoires de Saint-Simon dans la genèse et la réalisation d’A la recherche du temps perdu. C’est dans un café où j’étalais mes livres et feuilles que je fis la connaissance d’Abderrahmane Eljarib. C’était un monsieur âgé au regard clair et vif. D’un ton enjoué, il dit « Saint-Simon, et les Mille et une Nuits : je parie que vous nous préparez quelque chose sur Marcel Proust ! Seriez-vous normalienne ? J’ai bien connu quelqu’un de la promotion de Georges Pompidou. Il s’appelait Philippe Delhaye… ».
Au cours d’une dizaine de rencontres, il me parla de sa fille mais pas beaucoup d’Hassan II. Un jour, il me présenta à un ami iranien, un proche ministre du shah avant la révolution. A plusieurs reprises, la conversation s’engagea spontanément autour des Mille et une Nuits et des Mémoires de Saint-Simon.
La dernière fois où je vis Abderrahmane Eljarib, nous n’étions plus qu’à quelques jours de l’an 2000. Il me dit que la fois suivante, il m’apporterait quelque chose qui m’intéresserait peut- être. Mais je ne le revis pas et c’est au café que la patronne me remit le manuscrit de ses mémoires qu’il m’enjoignait de ne lire qu’après sa mort.
Presque vingt ans plus tard, par hasard, je retrouvai cette grosse enveloppe et ne sachant s’il était toujours en vie, j’appris sur Google qu’il était décédé le 21 Décembre 1999 d’une chute brutale dans l’escalier de son domicile parisien. Les archives mises en ligne retraçaient sa vie. Après la mort d’Hassan II, il fit partie des personnalités écartées mais ne cessa de proclamer sa fidélité à la dynastie chérifienne.
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