Je vous écris des Samoa : un demi-siècle de correspondance inédite 1858-1909 venue de la lointaine Océanie

Recension rédigée par Jean Nemo


J’ai recommandé cet épais ouvrage pour un premier tour de la commission des prix. Afin d’éviter tout malentendu, cet ouvrage a été édité par une de mes tantes par alliance, laquelle est bien plus jeune que moi. Néanmoins, venons-en à son intérêt, donc à son originalité.

Tout d’abord, l’auteure parle d’une affaire de famille, elle a eu accès à des documents inédits. Comme le dit le préfacier, cette auteure connaissait Léon Gavet comme cousin germain de son arrière-grand-mère maternelle. Il s’agit donc bien d’une affaire de famille. Il conclut sa préface par « Nous sommes à une époque où, de l’Océanie francophone à celle anglophone, la politique coloniale, en place ou en cours de constitution, est intimement liée à la propagation des missions, d’où l’importance pour tout historien de lire aussi les écrits des missionnaires de l’époque et, parmi eux, un nom insuffisamment connu, le père Léon Gavet ».

Car nul n’ignore que lesdits missionnaires ont été très souvent les précurseurs des colonisateurs, en Indochine, en Afrique Noire, sauf en pays musulman. D’où l’intérêt de cet ouvrage introuvable, telles les aventures missionnaires précoloniales qui expliquent ou précèdent les colonisations.

Dans son introduction, l’auteure explique qu’elle a trouvé les lettres de Léon Gavet, ou plutôt leurs copies par des membres de la famille Gavet ou des familles apparentées, dans quatre grands cahiers trouvés dans les greniers d’une maison familiale de haute Ardèche. La famille s’en est emparée avec enthousiasme et a commencé sa propre enquête avec des moyens « modernes » (ordinateurs, aides de spécialistes divers). Il s’agit donc bien ici de porter à la connaissance d’un public « éclairé » le résultat de ces recherches familiales.

Malgré le caractère confidentiel de l’éditeur, son didactisme familial, il s’agit là d’une recherche exceptionnelle par ses méthodes. Exceptionnelle encore par l’éclairage qu’elle permet sur des aspects ignorés – soit dit sans aucun caractère péjoratif – des historiens de métier. Ceux-ci aiment fouiller les archives, y compris dans les greniers familiaux, mais sont rarement aussi impliqués.

Outre les préfaces et introductions, faites par des spécialistes reconnus, tels le préfacier, membre de l’EHESS, spécialiste de l’Océanie et connaisseur de ses langues. Quelques photos de famille, Brethon et Gourdon figurent en bonne et due place dans un ouvrage raisonnablement illustré. Donc, un ouvrage d’amateur mais raisonnablement et honnêtement fait.

Le « héros » quitta son Ardèche natale, père mariste, il n’y remit jamais les pieds. Mais plus ou moins deux cents de ses lettres ont été retrouvées par sa famille, dans les conditions décrites plus haut.

C’est l’objet de la table des matières que de lister les quatre volumes successifs de cette correspondance, puis le récit de la mort de Léon Gavet.

Dans les quatre chapitres consacrés à la reproduction systématique des lettres par ordre chronologique, succèdent le récit de la mort de Léon Gavet, les repères historiques, une généalogie de la famille Brethon-Gavet, une bibliographie et des remerciements à ceux qui ont aidé la famille à rendre public l’ouvrage, une bibliographie de bonne qualité, un index.

On ne saurait trop encourager ce travail familial d’« amateurs » qui produit un ouvrage de qualité.

Deux mots encore sur le missionnaire mariste qui après un voyage de 16.500 km ne remit jamais les pieds chez lui, en France. Brillant élève dans sa jeunesse, « il nous fait découvrir les coutumes des îles des mers du Sud, son implication dans les travaux pour la construction de l’église…elles nous dévoilent son quotidien empreint d’anecdotes intimes, mais aussi son intérêt pour l’actualité religieuse et géopolitique de cette deuxième moitié du XIXe siècle ».

On ne saurait trop regretter que d’autres familles de ces lointains précurseurs de la pré-colonisation ne se soient autant impliquées dans le même type de recherches. D’où malgré mes implications familiales mentionnées en tête de cette note de lecture, l’inscription à la Commission des Prix.

 


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