De la Haute-Volta d'hier au Burkina Faso d'aujourd'hui : un siècle de patrimoine culturel : séminaire du 9 novembre 2017

Recension rédigée par Philippe David


         Un modeste “séminaire” un peu décousu et composite d’un seul jour, tenu le 9 novembre 2017 à Aix-en-Provence à l’initiative de l’AMAROM / Amis des Archives nationales d’Outre-Mer et du ministère de la Culture, a réuni neuf intervenants, cinq Burkinabés et quatre Français, pour contribuer à la préparation du centenaire de la Haute-Volta en 2019. En matière de patrimoine culturel, il y a probablement beaucoup à révéler et à recenser depuis un siècle dans cette ancienne colonie - la dernière-née - de l’AOF, devenue Burkina-Faso en 1983 et qui compte “une soixantaine de communautés ethniques” dont une, toutefois, les Moose (autrefois Mossi), regrouperait à elle seule 48 % de la population.

            Présentée par le secrétaire général du ministère concerné, la politique culturelle volontariste du pays semble énergique et relativement réussie sur de nombreux points depuis la création du Musée national dès 1962. L’avènement, en 1983, du régime de Thomas Sankara l’a fortement accélérée : Centre national des Archives, Cinémathèque africaine et le très célèbre Fespaco, Bibliothèque nationale, mausolées, inventaire des sites et monuments et d’autres mesures encore. En 2009, l’adoption d’une “Politique nationale de la culture” est venue confirmer le tout, y compris les perspectives touristiques en étroite relation avec les conventions internationales de l’UNESCO régissant ce domaine. Deux sites célèbres en ont d’ores et déjà bénéficié : les ruines de Loropéni (forteresse du pays Lobi liée au commerce de l’or) et le Parc W-Arly-Pendjari partagé avec le Niger et le Bénin. Mieux encore : le Burkina aurait même mis en oeuvre un système de “proclamation de trésors humains vivants” /THV (que le présentateur n’a malheureusement pas décrit).

            Ceci dit, ici comme ailleurs en Afrique, les déséquilibres du patrimoine matériel et immatériel entre le pays lui-même et l’Europe sont flagrants. Le séminaire aurait-il été justement conçu pour commencer à les signaler, au moins dans le domaine des images ? 32 photos bien référenciées laissent, faute de mieux, entrevoir dans le livre la richesse d’un patrimoine iconographique qui échappe encore largement au pays concerné, dispersé en France et en  Europe dans les journaux d’époque, les livres et les collections publiques ou privées : d’abord, des milliers ou dizaines de milliers de photographies prises par les voyageurs, écrivains, militaires et administrateurs coloniaux dont on nous donne une longue liste très détaillée ; et aussi les 600 cartes postales anciennes des années 1900-1960 dont j’ai dressé et fourni - mais sans suite - l’inventaire provisoire dès 1993. Même absence aussi pour les 17 cartes géographiques datées de 1895 à 1905 et conservées aux ANOM d’Aix-en-Provence.

             Le séminaire est presque muet sur les oeuvres d’art : 139 masques du Burkina sont au Musée du Quai Branly mais combien à Ouagadougou ? On ne sait rien de plus. Pourtant, c’est justement dans cette capitale que le très délicat problème des “restitutions vient tout récemment d’être officiellement évoqué.

            Disparate, on l’a dit, le séminaire a également accueilli le témoignage très décontracté d’un “griot cinéaste” mossi et donc burkinabé mais tiraillé, non sans humour, entre les exigences distinctes de la culture mandingue et de la sienne.

             On a encore ajouté à l’ouvrage une communication (très élogieuse mais non présentée au séminaire) sur Thomas Sankara (1949-1987) ancien président, et le Larlé Naba Angba (1928-1982) second ministre du Moogo Naba, roi des Moose, en tant que personnalités ayant particulièrement contribué “au renforcement de la culture matérielle et immatérielle du Burkina-Faso”, entre autres dans le domaine particulier de la promotion féminine et musicale.

            Précieuse déjà mais encore très modeste, cette première réunion d’Aix-en-Provence en appelle assurément beaucoup d’autres, sur place et partout ailleurs en Afrique.