Auteur | Jean-Loup Amselle |
Editeur | Lignes |
Date | 2020 |
Pages | 125 |
Sujets | Racisme Antisémitisme Impérialisme |
Cote | 63.042 |
L’ouvrage de M. Amselle est assez particulier puisqu’il mêle l’analyse scientifique à ce que l’on pourrait qualifier d’essai politique. La thèse centrale peut se résumer ainsi : « Qu’il s’agisse de l’Occident, de la France ou du Mali, le racisme ou les racismes ne sont pas des phénomènes anciennement apparus dans l’histoire de l’humanité, mais tout au contraire des productions relativement récentes que l’on peut faire remonter en gros au XIXe siècle ». Selon lui, le « racisme antisémite » comme le « racisme intercommunautaire » procèdent « de l’anthropologie physique appliquée aussi bien aux Juifs qu’aux Arabes, aux Roms qu’aux Africains ». Plus précisément, il ancre la naissance du racisme dans les premières mesures de crânes et d’os effectuées par l’Allemand Eugen Fischer parmi les Hereros et les Namas de Namibie, qui furent comme on le sait les victimes du premier génocide du XXe siècle. Il pointe aussi du doigt les travaux de Louis Faidherbe sur les populations « blanches », « rouges » et « noires » d’Afrique subsaharienne, parfois encore opérants aujourd’hui. Ce qui lui permet de conclure que « les guerres tribales, dans la forme qu’on leur connaît actuellement, loin d’être une invention africaine, sont au contraire le produit d’une technologie en grande partie importée d’Occident ».
Mais l’auteur va plus loin. Il considère que l’antisémitisme est un racisme comme les autres. Mais alors, pourrait-on demander à l’auteur, pourquoi la Shoah est-elle le paradigme de la barbarie du XXe siècle ? Il eut été intéressant de savoir ce que pense l’auteur des thèses de Saul Friedländer et d’Eberhard Jäckel sur la singularité historique de la Shoah. Là où le propos se fait politique, c’est lorsque M. Amselle écrit, par exemple, que « ce n’est certainement pas un hasard, si les idées d’extrême-droite sont enseignées aux officiers français se rendant au Sahel ». Cette affirmation n’est nullement étayée dans le livre, si ce n’est par une allusion à un professeur d’histoire de l’École de guerre, Bernard Lugan. De même, une phrase telle que « il faut se dresser contre le racisme anti-gitan de Macron » est étonnante et on ne voit pas très bien ce qu’elle apporte à la compréhension des phénomènes racistes que l’auteur entend décrypter.
L’ouvrage n’échappe pas aux polémiques franco-françaises en faisant le procès du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), mais aussi du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) tandis que le CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France) est vu avec davantage d’indulgence par l’auteur. Quand M. Amselle revient à l’analyse anthropologique, il trouve des formules qui font mouche, comme celle-ci : « la race n’existe pas, nous disent les généticiens, même si l’ADN et la carte géographique de la répartition des gênes à la surface de la terre sont censés permettre aux individus de savoir d’où ils viennent, et donc de reproduire d’une autre façon l’idée même de race. En cela, les biologistes font rentrer la race par la fenêtre alors qu’ils l’ont chassée par la porte ». Le dernier chapitre du livre est consacré au Mali (pays que l’auteur connaît bien) et il apporte un éclairage fort utile sur l’opposition entre les Peuls, d’une part, les Dogons et les Bambaras, d’autre part.
Un livre qui est indubitablement riche en contenu mais qui se veut aussi polémique.