| Auteur | Dominique Connan |
| Editeur | CNRS |
| Date | 2024 |
| Pages | 315 |
| Sujets | Elite (sciences sociales) Kenya -1800-.... Hommes Associations Kenya 1800-.... Club-houses Kenya -1800-.... Terrains de golf Kenya -1800-.... |
| Cote | 69.223 |
Dominique Connan est professeur de science politique à l’Université de Paris Nanterre et chercheur à l’Institut des sciences sociales du politique-CNRS. Ses sujets d’études portent principalement sur la sociabilité des élites et le legs colonial, en particulier au Kenya. L’ouvrage qu’il vient de publier reprend les recherches qu’il a consacrées de 2008 à 2013, à une éthnographie dans les clubs de golf kenyans.
Il convoque tout d’abord l’histoire lorsqu’il remonte à la période coloniale pour expliquer la constitution de ces clubs au Kenya (Chapitre 1, « La décolonisation d’un legs impérial »). Il reprend tous les poncifs, sur « la société coloniale britannique mondaine et oisive » dont le style de vie était « un curieux mélange d’ostentatoire et de sordide » (p.50), alcoolisée , cancannière, souvent grotesque, mysogine, jouisseuse, endettée, et raciste ; non seulement à l’égard des non-blancs, mais également des Juifs, des Afrikaners, des Allemands et même des Italiens, qui s’étaient pourtant battus aux côtés des alliés lors du premier conflit mondial (‘ Le club, une organisation de la différence coloniale’ p.47). Sans compter les relations paternalistes et autoritaires (envers les Africains), qui prévalaient au club, ainsi que : « la canne ou le fouet (qui) marquaient sûrement les hiérarchies raciales » (p.54). Circonstance aggravante, aux yeux de l’auteur, « la société blanche du Kenya était celle qui comportait, en proportion, le plus d’aristocrates, d’anciens officiers, d’ex-élèves d’Eton et de public schools, de diplomés d’Oxbridge » (p.43). En résumé, les clubs représentaient selon l’auteur « Une institutionnalisation de la race blanche ».
Or, le fait de juger les us et coutumes d’une époque révolue comme le paternalisme, la discrimination ou le racisme à l’aune des comportements actuels, relève de l’anachronisme caractérisé. Et faire un focus sur une société « coloniale », sans la remettre dans le contexte du projet impérial britannique, qui fut le plus abouti de l’époque, relève d’un parti pris auxquel il est difficile d’adhérer.
Dès lors, il est légitime de se poser la question de savoir pourquoi malgré toutes ces tares, à l’indépendance, les autorités kenyanes n’ont pas purement et simplement fermé les clubs, comme ce fut le cas en Ouganda, en Tanzanie ou en Birmanie. En se les appropriant, tout en conservant les membres européens, s’agissait-il d’une revanche, d’un « trésor de guerre » comme le français dans certains pays issus de notre ancien Empire, ou bien d’une fascination des nouvelles élites pour un ordre prestigieux et convoité ?
Dans les chapitres successifs consacrés aux clubs après 1963, l’auteur passe au crible les comportements de cette nouvelle classe sociale africaine supérieure qui a conservé l’architecture du legs colonial en la matière, tout en lui permettant d’assoir sa domination.
L’auteur reprend par le menu les différents types de clubs, les classes (Chapitre 3 « L’ordre des clubs », et il constate qu’il y a « beaucoup de divisions » (Chapitre 4, « Des dominants désunis ») : raciales tout d’abord puisque s’y retrouvent Africains, Européens et Asiatiques, qui « socialisent » par origine ; et la faute en incombe bien évidemment au péché originel de la colonisation, alors que la population n’a pas connu cette époque ; ethnique également, de genre, de « bonnes moeurs », et de proximité avec le pouvoir.
L’objectivité nous conduit cependant à reconnaitre que Dominique Connan n’épargne pas les nouveaux dominants, qu’il trouve « vulgaires » (p.220-231) et qui ont réussi à « manger le club » (Chapitre 5, « Une administration du prestige », pp.235-242), c'est-à-dire à « considérer que les clubs « constituent une ressource économique », en ne manquant pas de s’approprier les actifs du club, sans compter les détournements sous toutes leurs formes. La composition de leurs membres évolue au gré des changements de pouvoir, ce qui intègre un facteur nouveau ; celui de l’appartenance ethnique, et un retour du racisme, mais sous une forme diffuse à l’égard des Européens, des Indiens et des métis, sans compter les homosexuels. Quant à l’emploi au club, (il) « est à maints égards une rente situationnelle », puisqu’il donne l’accès aux riches (p.244) et la gestion du personnel s’effectue sur une base clientéliste.
L’ouvrage de Dominique Connan pourrait sembler relever d’une étude sociologique originale dans tous les sens du terme, dans la mesure où rares doivent être les thèses sur un sujet aussi étroit et anecdotique. Mais si l’on y regarde de plus près, il s’agit surtout d’un prétexte pour caricaturer une période honnie, celle la colonisation, et de la rendre responsable de tous les comportements condamnables des élites africaines actuelles, traumatisées par un passé qu’elles n’ont pas vécu.
Cet ouvrage s’inscrit tout à fait dans la mouvance « décoloniale », à l’origine de nombreux sujets de recherche dits « académiques » depuis une dizaine d’années.