Requiem pour Nagasaki : biographie de Takashi Nagai, médecin japonais

Recension rédigée par Nathalie Cassou-Geay


C’est dans un silence médiatique assourdissant qu’ont eu lieu, cette année 2025, les commémorations du 80e anniversaire des drames d’Hiroshima et Nagasaki : les deux bombes atomiques larguées sur la population civile japonaise afin « de mettre fin à la Seconde Guerre mondiale » avec la capitulation sans condition du Japon. L’Histoire nous apprendra ensuite les motivations « scientifiques » et « diplomatiques » des États-Unis, avides de prouver à l’URSS leur suprématie militaire et curieux d’étudier, sur les corps, les effets d’une bombe à l’uranium et au plutonium. Mais c’est un autre sujet.

À Nagasaki, sur une population de 250 000 personnes, entre 60 000 et 80 000 furent littéralement pulvérisées, carbonisées ou trouveront la mort à cause des effets secondaires du feu atomique (brûlures, incendies, asphyxie, ondes de choc)… Sans compter les victimes des irradiations, et la descendance de ceux-ci…

Les hibakusha (personnes affectées par l’exposition nucléaire) subiront pendant des décennies le rejet de leurs concitoyens et la discrimination. Rares sont ceux qui ont pris la plume pour évoquer leur expérience et on estime à 80 % le nombre de ceux qui auraient vécu par la suite en cachant leurs traumatismes et leur état de santé. La censure, le manque d’information, le secret imposé par l’occupant ont provoqué des ravages sur les survivants.

Le témoignage de Takashi Nagai en est d’autant plus précieux et la biographie éclairée de Paul Glynn, incontournable.

Clin d’œil ironique du destin, le docteur Takashi Nagai était un pionnier de la radiologie japonaise. Le matin du 9 août 1945, « Fat Man » lui ravira son épouse, Midori, et bien que sérieusement blessé, il se consacrera dès lors à l’attention des survivants, à la description de leur état de santé - et de la sienne -, et surtout à la prière. Takashi Nagai s’est en effet converti au catholicisme en 1934. Cette spiritualité forte et affirmée l’amènera à se retrancher dans une hutte symbolique qu’il nommera Nyokodo et dans laquelle il recevra de plus en plus de visiteurs, attirés par son aura calme et religieuse.

Paul Glynn, prêtre missionnaire mariste australien, propose, dans ce Requiem pour Nagasaki, une chronologie de la vie de Takashi Nagai, en commençant sa narration bien avant la naissance de celui-ci. La présentation de l’auteur permet de mieux appréhender le cheminement religieux de Nagai, tout en pointant les spécificités culturelles japonaises. Le fond et la forme, avec une écriture simple, proche parfois des haikus, sont lumineux et bienveillants. Avec humilité et respect, l’auteur suit les pas de ce serviteur de Dieu que les épreuves ont porté à une grande sincérité, loyauté et compréhension.

Cet ouvrage, à lire avant ou après l’œuvre principale de Takashi Nagai, Les Cloches de Nagasaki, fournira aux lecteurs de nombreux thèmes de réflexion : sur la guerre, sur la bombe nucléaire, mais aussi sur le pardon, la recherche de l’équilibre et de la paix spirituelle.

Takashi Nagai est décédé à 43 ans des suites d’une leucémie contractée lors de ses travaux sur les rayons X et aggravée par la bombe.

Ses obsèques furent célébrées en la cathédrale de Nagasaki, devant 20 000 personnes.