Auteur | Roger Vétillard |
Editeur | Maisonneuve & Larose |
Date | 2025 |
Pages | 195 |
Sujets | Algérie Période coloniale Compagnie algérienne Conditions économiques Algérie 1830-1962 |
Cote | 69.417 |
Historien algérois, M.Vétillard nous présente, comme indiqué dans le sous-titre de son livre, l’évolution historique de l’Algérie de 1830 à 1962 et le rôle d’une banque essentielle à la vie économique et aux relations commerciales de cette époque entre l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Levant avec la France.
En 1827, l’incident entre le Dey Hussein et le consul Pierre Deval, suivi de la destruction du Bastion de France à La Calle comme les contentieux des exactions et des actes de piraterie dans la Méditerranée (p.9), poussent le Gouvernement de Charles X à occuper la Régence d’Alger qui ne portera le nom d’Algérie qu’en 1838 (p.10). En 1839, l’Émir Abdelkader dénonce le Traité de la Tafna et reprend la lutte contre l’armée française (p.11). Ce n’est qu’en 1841 que commence la colonisation officielle de l’Algérie (p.11). En 1847, 15% seulement des européens vivaient de l’agriculture (p.13). Le 17 septembre 1860, Napoléon III débarquant à Alger déclare : « Notre premier devoir est de nous occuper du bonheur des 3 millions d’Arabes que le sort des armes a fait passer sous notre domination » (p.17), puis, en 1863, influencé par Ismayl Urbain : « L’Algérie est un royaume algérien, une colonie européenne et un camp français » (p.18). La IIIe république met à l’écart les officiers des Bureaux arabes qui protégeaient les indigènes et les remplace par des administrateurs civils dans les communes mixtes d’abord réservées aux territoires sous administration militaire (p.15).
Suite à la guerre franco-prussienne de 1870-1871, la France perd l’Alsace et la Lorraine dont 166.000 citoyens se réfugient en France, parmi lesquels 9 000 seront envoyés en Algérie et recevront des lots de terre (p.35). Le décret Crémieux du 7 novembre 1870 attribue la nationalité française aux 35 000 juifs algériens (p.35). En 1873, 243 000 Européens vivent en Algérie (p.37). De 1902 à 1907, le Gouvernement Général lança de grands travaux d’aménagement qui permirent de doter l’Algérie d’infrastructures et d’équipements sans équivalent dans le monde colonial (p.106). De 1914 à 1918, 12 000 Français et 35 000 Maghrébins mobilisés perdirent la vie, ce qui entraina des conséquences importantes sur l’économie du Maghreb (p.108). La pratique des prêts bancaires étant incompatible avec les prescriptions coraniques (p.183), le revenu individuel en 1954 de l’agriculteur européen sera 30 fois plus élevé que celui de l’agriculteur autochtone (p.149). A la même époque, le commerce de la métropole avec l’Afrique du Nord est égal au total des échanges de la France avec la Grande Bretagne et l’Allemagne (p.150). L’Algérie comptera 9 370 000 habitants dont 1 O52 400 non musulmans en 1954 (p.161).
Un projet de convention passé le 18 mai 1865 entre le ministre de la Guerre et la Société générale algérienne pour l’exécution des travaux publics en Algérie est adopté par le Conseil d’État le 31 mai 1865 (p.19). Les avantages consentis à cette société sont immenses. Confier la colonisation du pays à des banquiers ne connaissant pas l’Algérie était un risque (p.21), mais l’occupation du pays, sa mise en valeur, le maintien d’une force armée avaient altéré les finances nationales (p.185). En 1869, le siège est installé à Alger et la Société devient propriétaire de 99 333 ha de terres arables (p. 25) ; elle accorde conjointement avec le Crédit foncier la même année des prêts aux tribus arabes éprouvées par la famine (p.27). Cependant, les dirigeants en métropole ne se soucient pas d’œuvrer, malgré leur engagement, à développer la colonisation (p.32). En fait, la faillite de la Société générale est due à la crise européenne de 1873-1878 amplifiée en Algérie à cause de la monoculture des céréales et de l’organisation bancaire rudimentaire (p.33). La mise en liquidation de la S.G.A. survient en 1877 (p.44).
Une nouvelle société, nommée Compagnie algérienne, est créée avec un capital social de 10 millions de francs, constitué de 20 000 actions de 500 Fr. dont 19 800 sont attribuées aux actionnaires de la Société générale disparue (p.46). La Compagnie algérienne va devenir jusqu’en 1962 l’organisme le plus important d’aide au développement industriel, commercial et agricole de l’Algérie (p.50). Elle dispose d’un capital de 105 millions de Fr. et de tous les actifs de la S.G.A.. Elle va connaitre une brillante carrière jusqu’aux années 1950 quand elle sera absorbée par la Banque de l’Union parisienne (p.53). Dès son origine, la C.A. développe l’activité bancaire en Algérie et hors de l’Algérie, l’exploitation agricole et la colonisation européenne (p.60). Elle interviendra avec bonheur dans l’économie agricole algérienne (p.61), notamment après que le phylloxera ait touché les vignes algériennes et que la Banque de l’Algérie ait interrompu ses prêts aux agriculteurs ; la C.A. n’hésitera pas à suppléer cette défection et à devenir leur banque exclusive jusqu’en 1962 (p.69). En 1899, la C.A. initie la création de la Compagnie financière et immobilière de la ville d’Alger et sera à l’origine de nombreuses réalisations dans toute l’Algérie, l’hôpital Mustapha, le Théâtre de l’Alhambra à Alger, les Galeries de France de Blida, Oran, Bône et Sétif (p.86).
En 1881, la C.A. avait étendu ses opérations à l’Afrique Noire et à la Tunisie (p.75). En 1906, après la conférence d’Algésiras, elle ouvre des agences au Maroc et à Tanger qui sera zone internationale de 1924 à 1958 (p.82). Le tableau, p.117, montre que la guerre de 1914-1918 n’a pas d’effet négatif sur son développement. Au Moyen-Orient, la C.A. installe des succursales à partir de 1931 à Alep et à Beyrouth (p.121). La Grande Dépression de 1931 la surprend avec un réseau de 179 guichets mais elle résiste grâce au développement de ses opérations de crédit en Afrique du Nord (p.131) et à son domaine foncier dans l’Est algérien, ce qui est exceptionnel pour une banque (p.134). La C.A. aura contribué à doter l’Afrique du Nord et les États du Levant d’une armature bancaire efficace (p.154). Ainsi, la C.A. aura permis aux agriculteurs européens et à ceux des agriculteurs algériens qui l’ont accepté de faire de l’agriculture locale une richesse réelle (p.189). En 1956, Guy Mollet exproprie les 70 000 ha encore possédés par la C.A., estimés à 200 millions Fr. (p.166). En 1960, la B.U.P. rachète la C.A. tandis que la filiale bancaire C.A.C.B est maintenue sous le nom de C.F.C.B. qui fusionnera avec le Crédit du Nord en 1973 (p.172).
Décrivant l’évolution économique de l’Algérie, le livre rappelle qu’en 1875, lorsque le phylloxera détruit le vignoble français et européen, l’Algérie épargnée par l’épidémie suppléée au déficit métropolitain et à partir de 1880, le vin devient la première source de revenus, remplaçant le blé sur les terres sublittorales d’autant plus que la loi du 11 janvier 1851 avait accordé l’entrée des exportations algériennes en métropole en franchise de droits (p.68). En 1907, les céréales représentent 25% en valeur des exportations et les vins 19% (p.81). En 1954, l’agriculture algérienne fournira 80% des exportations totales dont 82% vers la métropole (p.70). L’agriculture offre alors un débouché substantiel aussi bien aux capitaux qu’aux industries, aux compagnies de transport maritime, et aux négociants, presque tous métropolitains. Après l’indépendance, sous la pression des islamistes, l’Algérie se privera de cette ressource et son budget sera de plus en plus dépendant de l’industrie gazo-pétrolière (p.71). L’auteur consacre les chapitres 6, 7 et 8 aux comptes-rendus de conseils d’administration de 1885 à 1952. On découvrira en tableau les bilans bancaires, les dividendes distribués, les surfaces des terres cultivées, leur valeur estimée et leurs produits nets, (particulièrement p.91) ainsi que des descriptions sur l’état économique du pays comme « l’année agricole 1899, en Algérie et en Tunisie, est moins bonne que les précédentes qu’il s’agisse des vignes et des céréales » (p.94). En 1906, la production la plus importante pour les colons est celle du vin (p.97). En 1911, la Société se livre à des opérations hypothécaires et pratique les affaires de banque pure qui prennent une extension considérable (p.99). La même année, le montant des échanges entre l’Algérie, la métropole et l’étranger se situent à 1 milliard 80 millions contre 1 milliard l’année précédente (p.101).
L’auteur se demande en conclusion si l’activité économique de l’Algérie avant 1962 a été favorable à la France métropolitaine (p.173). En fait, l’Algérie a pesé jusqu’à 20% dans le budget de la France au XXe siècle comme l’avait montré notre regretté Confrère Daniel Lefeuvre (p.174) et la France aura fourni à l’Algérie indépendante de 1962 à 1965 les moyens financiers et monétaires qui lui ont permis de s’établir (p.182).
Pour ce sujet spécialisé, le lecteur aura recours à la bibliographie spécifique proposée (p.191 à 195) et appréciera les huit pages de photos qui font revivre les cadres bancaires qui dirigèrent la C.A. et les sièges de cette société, les cartes régionales, le Jardin algérois d’Essai du Hama que géra la C.A. Il consultera les textes du projet de convention de la future compagnie algérienne (p.19), les tableaux comparatifs des dividendes (p.127 et 164), celui des indemnisations de 1960 (p.170) et celui des importations et exportations entre Algérie et métropole (p.186) qui complètent utilement les informations données par ailleurs.