Auteur | sous la direction d’Aurélie Bayen-Poisson et Arnaud de Raulin ; préface de Marc Gentilini |
Editeur | l'Harmattan |
Date | 2023 |
Pages | 269 |
Sujets | Alerte professionnelle Divulgation d'informations Droit XXIe siècle Participation politique Intérêt général Démocratie Écologie XXIe siècle |
Cote | 68.234 |
Cet ouvrage de 269 pages publié sous la direction d’Aurélie Bayen-Poisson et d’Arnaud de Raulin avec la participation de six autres auteurs et préfacé par le professeur de médecine Marc Gentilini décrit en deux parties les systèmes d’alerte mais va bien au-delà en traitant de divers sujets géopolitiques et sociétaux.
La préface donne la définition d’un lanceur d’alerte. C’est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général. Marc Gentilini affirme que le lanceur d’alerte est particulièrement utile dans le domaine sanitaire tout en mettant en garde contre d’éventuels diffuseurs de fausses alertes.
La première partie comprenant quatre chapitres et intitulée Les acteurs civils et les institutions, les fondements de la démocratie participative commence par un chapitre de Aurélie Bayen-Poisson, Les civic tech ou l’alerte démocratique au secours de la gouvernance : le modèle délibératif taïwanais. La gouvernance, processus complexe, vise à des prises de décisions transparentes élaborées avec la participation des parties prenantes. Parfois, les corps intermédiaires n’arrivent pas à faire entendre leurs voix. Les régimes autoritaires sont de plus en plus nombreux. Des plateformes en ligne comme change.org permettent aux citoyens de lancer et signer des pétitions. Elles encouragent la transparence et la participation de la population à la vie publique.
L’auteur s’intéresse au cas de Taïwan, gouverné de manière autoritaire par le Kuomintang jusqu’en 1987. L’adoption d’un régime plus démocratique correspond avec l’apparition de l’internet dans le pays. En 2014, un mouvement étudiant se présenta comme un lanceur d’alerte, attirant l’attention sur un accord de libre-échange jugé trop favorable à la Chine. Grâce à des hackers, l’information circula dans la population. De même, le numérique utilisé de manière transparente a permis au gouvernement taïwanais de bien gérer la crise de la COVID. Un ministère des Affaires digitales fut créé en 2022. Lors de la campagne présidentielle de 2024, un dispositif fut mis en place pour encourager la population à proposer des idées nouvelles aux candidats, plus de 84 % des Taïwanais ayant accès à l’internet. La plateforme Pol.is recueille les interventions des citoyens permettant d’aboutir à un consensus. Le gouvernement l’utilise. Il s’agit vraiment là d’une démocratie rénovée comme l’indique le titre de l’ouvrage.
Le chapitre suivant rédigé par Yasmina Taerea a pour titre Les politiques publiques de la famille : de la nécessité d’une transversalité du dialogue social. Ces politiques tiennent compte de l’évolution des mœurs, notamment les familles monoparentales, les familles recomposées, les beaux-parents, les beaux-enfants. L’enfant tient toujours une place importante. La loi Landry de 1932 a généralisé l’octroi des allocations familiales à tous les salariés de l’industrie et du commerce. L’auteur décrit le système familial polynésien. L’hébergement constitue un sérieux problème, notamment à Tahiti. La famille élargie reste la norme. Il en résulte une cohabitation génératrice de violences intrafamiliales dans toutes les couches sociales, observables dans les villes, Papeete notamment. Le transfert d’enfants entre parents biologiques et parents nourriciers fait l’objet d’une attention particulière. L’année 2016 marque la mise en œuvre d’une politique publique pour la famille. Les organismes compétents manquent de personnel qualifié et de structures adaptées.
Dans le chapitre, La gouvernance écologique et la lutte contre le réchauffement climatique, Arnaud de Raulin mentionne que l’accord de Paris de décembre 2015, entré en vigueur en 2016, vise à la préservation de la planète. Adopté par la communauté internationale, les États-Unis ne l’ont cependant pas signé. L’accord prévoit de parvenir à un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les absorptions du carbone par les forêts, les océans et les sites de stockage.
Les catastrophes comme l’accident nucléaire de Tchernobyl et les feux de forêts en Amazonie ont révélé l’inadéquation des systèmes juridiques. Le droit du climat concerne la déforestation, la pollution des océans et des terres agricoles, les déchets industriels et domestiques. Les défenseurs du patrimoine s’opposent aux partisans du progrès technique et d’une économie productiviste. Le concept de développement durable a montré ses limites. Le modèle actuel conduit à la baisse drastique des ressources halieutiques. La détérioration de l’environnement provoque des pathologies. La biodiversité dans les forêts et les océans diminue. C’est un constat reconnu universellement. Le Protocole de Tokyo signé en 1997 définit une bonne administration de l’environnement et du développement durable. La France a été condamnée pour non- respect de ses obligations internationales, européennes et françaises. Des incendies réduisent la forêt amazonienne, la plus vaste sur la Terre, et important puits de dioxyde de carbone. Les forêts du bassin du Congo, dont les deux tiers se trouvent en République démocratique du Congo, constituent le second grand écosystème mondial mais il est d’une extrême fragilité. Les États, les ONG s’efforcent de décarboner les économies. L’Europe réglemente dans ce domaine, visant la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les océans absorbent aussi le dioxyde de carbone. La haute mer fournit la moitié de l’oxygène que nous respirons. Un traité conclu à New York en 2023 sur la haute mer vise à la protéger. L’accord de Paris signé en 2015 demande de parvenir à un équilibre entre émissions et absorptions d’oxyde de carbone au cours de la seconde moitié du XXIe siècle. Un but qui nécessite la participation de tous les États. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992 reconnaît les causes anthropiques de ces changements. Elle amorce une gouvernance mondiale. L’Afrique subira de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique.
Dans le chapitre, L’écologie et la didactique des sciences de la nature dans le programme de l’Éducation nationale, Adrien Deprez affirme que la prise en compte de l’écologie et du développement durable dans l’éducation en France date de plus d’un demi-siècle. Mais c’est à partir du milieu des années 2000 que l’environnement figure vraiment dans les programmes d’éducation tout au long de la scolarité. L’UNESCO a apporté sa contribution en collaborant pour la rédaction d’un guide destiné à l’apprentissage en vue d’atteindre les objectifs de développement durable. Les enseignants doivent apprendre à leurs élèves comment leur comportement agit sur l’environnement. Les conséquences des modes de consommation sur l’environnement et la fragilité des écosystèmes doivent faire l’objet d’une prise de conscience.
La deuxième partie comprenant cinq chapitres intitulée La gouvernance et la démocratie réformée commence par un chapitre d’Arnaud de Raulin, Les lanceurs d’alerte : un renforcement du statut. Nous sommes bien là dans le domaine défini dans le titre de l’ouvrage. Les incendies de forêt en France et en Californie ont montré l’importance de l’alerte. Un lanceur d’alerte, « c’est une personne physique, un groupe ou institution qui, ayant connaissance d’un risque ou d’un danger adressent un signal à la société ». Pour beaucoup de juristes, la notion de lanceur d’alerte reste floue. Le lanceur d’alerte agit de bonne foi et de manière désintéressée. Il corrige les systèmes collectifs défaillants. Il agit dans de nombreux domaines : santé, environnement, éducation, justice, nucléaire, finance. Une loi française votée en 2022 lui laisse le choix de canaux de signalement (médias, réseaux sociaux…) et le protège contre des risques de licenciement ou de représailles ou de harcèlements ou de discriminations diverses. Comme les ONG, les lanceurs d’alerte sont des acteurs dans la société internationale.
Le chapitre suivant Alertes et gouvernance démocratique : constat et enjeux rédigé par Marc Aicardi de Saint Paul, mentionne l’intérêt que l’on doit porter aux signaux faibles et aux alertes, véritables annonciateurs de dysfonctionnement susceptibles de guider les décideurs étatiques ou non. Les géants du numérique américains et chinois dont les chiffres d’affaires dépassent les budgets de certains États disposent de pouvoirs politiques et influencent les comportements. En France, des organismes étatiques, comme les services de renseignement (Direction générale de la sécurité intérieure - DGSI, Direction générale de la sécurité extérieure - DGSE…) et les centres de recherche (Centre d’analyse, de prévision et de stratégie - CAPS, France stratégie…) informent le gouvernement. L’auteur aurait pu mentionner l’importance des think tanks, en fait plus développés à l’étranger qu’en France. Grâce au numérique, les opinions les plus diverses se manifestent et constituent des contre-pouvoirs. L’auteur analyse l’évolution de nos sociétés occidentales et se lance dans des réflexions géopolitiques qui ne manquent pas d’intérêt : délitement de certaines valeurs communes, wokisme, déchristianisation, migrants de religions diverses hostiles à nos institutions, perte d’identités nationales. Souvent, les dirigeants ne tirent pas les conséquences de ces transformations sociétales. Des partis politiques qualifiés de xénophobes affirment l’impossibilité du vivre ensemble, dénonçant la société multiculturelle. Par ailleurs, des économistes affirment les dangers d’un endettement colossal dont souffrent la France, l’Italie et la Grèce. L’auteur déplore le manque de discernement de la France qui a réduit le nombre de ses réacteurs nucléaires et de l’Allemagne qui était dépendante du gaz russe à 70 %. Il s’étonne que la France n’ait pas pu déceler à temps le revirement de l’Australie qui a rompu un contrat de vente de sous-marins. Il reconnaît la difficulté de trier les nombreuses informations, de repérer les fake news. Il déplore la désaffection des Européens pour la démocratie. Les peuples se méfient de leurs élites qui ne tiennent pas compte de leurs préoccupations. L’auteur s’interroge sur l’utilité des référendums qui, affirme-t-il, affaiblissent le rôle des institutions législatives. Les pays occidentaux ont eu tort de vouloir imposer leur concept de démocratie. Leurs échecs économiques, leurs erreurs dans la gestion de la COVID les décrédibilisent.
La Turquie et dans une moindre mesure l’Iran veulent reconstituer leurs empires. Face à l’Occident, deux pays, la Chine et la Russie proposent des modèles alternatifs. La Chine, seconde économie mondiale, s’avère être l’usine du monde mais la Russie, nain économique, dispose d’un faible PIB, identique à celui de l’Espagne. La Chine et la Russie pratiquent l’ingérence aux États-Unis et dans certains pays européens. Active sur le continent africain, la Russie a évincé la France du Burkina Faso et au Mali. Elle dispose de moyens d’influence, notamment la religion orthodoxe et la chaîne de télévision Russia Today. Diverses organisations rassemblent des pays non occidentaux : l’Organisation du traité de sécurité collective, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). La Chine joue un rôle important au sein de l’Organisation mondiale du commerce, de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture. En Asie, elle pourrait adhérer à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Avec l’Afrique, ses échanges commerciaux lui sont largement bénéficiaires. La dette africaine, évaluée entre 145 et 170 milliards de dollars, envers la Chine s’accroît.
Dans le chapitre Les lanceurs d’alerte, un nouvel instrument au service de l’intérêt général et d’une gouvernance rénovée ? Catherine Colard-Fabregoule reprend la définition du lanceur d’alerte, telle qu’elle est indiquée dans la loi française du 9 décembre 2016 « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a personnellement connaissance ». Le lanceur d’alerte bénéficie d’une protection garantissant la confidentialité et l’absence de représailles. Les signalements peuvent se faire auprès de l’administration, auprès de la justice ou auprès de l’opinion publique. La notion de lanceur d’alerte dépasse les cadres nationaux. Il est donc logique que les organisations internationales s’y intéressent. C’est le cas de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La définition d’intérêt général paraît insaisissable en droit international public. De nouveaux acteurs apparaissent comme les Organisations non gouvernementales et la société civile qui réclament des actions en faveur de l’intérêt général de l’humanité. Les sujets de préoccupation évoluent et se multiplient. Les défis auxquels doit faire face l’humanité, les interdépendances entre les sujets et les peuples imposent un nouveau système de gouvernance.
Le lanceur d’alerte s’identifie à un acteur de résilience, qui permet de rebondir face à l’adversité. Les capacités de résilience doivent être développées pour atténuer la vulnérabilité.
Le lanceur d’alerte peut apparaître comme un délateur, un dénonciateur, un félon, voire un traitre. Sa motivation peut varier. Bravant les risques, il peut être considéré comme un héros. Il participe à la liberté d’expression.
Le chapitre de Jean-Marie Roussignol, intitulé Plurilinguisme et défense de l’universalité dans les organisations internationales, nous plonge dans un domaine nouveau sans lien avec le thème central de l’ouvrage. Il commence par quelques considérations sur l’univers, sa naissance avec le Big Bang né du néant (qu’y avait-il avant ?) et son expansion. Notre monde terrestre fourmille d’espèces vivantes. Mais les économistes s’inquiètent de la diminution de la biodiversité à cause des activités humaines. Les hommes utilisent une multiplicité de langues qui rendent difficile la communication. Les nations se forment par les langues qui créent des identités spécifiques sur des territoires différenciés. Le français s’est substitué au latin sous François 1er grâce à l’ordonnance de Villers-Cotterets en 1539. Il s’est imposé pendant la Troisième République sous l’impulsion des hussards noirs, les instituteurs laïques. Il s’est diversifié et enrichi dans les départements et territoires d’outre-mer, au Québec, en Belgique, en Suisse et en Afrique. L’espagnol, en fait le castillan, s’est imposé en Espagne et a essaimé en Amérique latine où il a évolué. Il se pratique partiellement aux États-Unis, dans certains États du Sud. L’anglais, issu du latin, de langues germaniques et du français, connaît des variantes sur les divers continents et au Royaume-Uni même.
Toutes les langues évoluent avec le temps. Elles s’identifient aux nations. Lorsque la Yougoslavie s’est décomposée, la Croatie a tenu à se différencier de la Serbie en adoptant pour sa langue des mots locaux. En fait, tous les peuples qui composaient la Yougoslavie se comprennent oralement. Les Bulgares parlant eux aussi une langue slave comprennent le serbe comme le macédonien. De même, la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine parlent des langues très proches les unes des autres mais celles-ci servent néanmoins à identifier des nations. L’époque moderne pousse à l’adoption d’une langue unique de communication, l’anglo-américain, présent notamment dans les réseaux sociaux abondamment utilisés. L’Union européenne compte 24 langues officielles et 60 langues minoritaires mais a adopté trois langues de travail, l’anglais, l’allemand et le français. En réalité, et malgré le Brexit, l’anglais domine, les deux autres langues n’occupant plus qu’une faible place, symbolique. Le monolinguisme triomphe au détriment de la diversité. Mais l’anglais s’abâtardit, ce que déplorent les Britanniques cultivés. Malgré leurs progrès, les logiciels de traduction automatique ne sauveront pas les autres langues. L’auteur préconise pour l’Union européenne un trilinguisme souple. Le locuteur s’exprimera dans sa langue, traduite dans deux des trois langues de travail ou dans l’une de ces trois langues et dans une autre langue jugée pertinente avec le sujet traité. Ce concept ne saurait s’appliquer aux grandes organisations internationales comme les Nations unies. Dénonçant la domination de plus en plus forte de l’anglais sur les autres langues étrangères l’auteur propose un meilleur équilibre entre l’anglais et les autres langues au sein des institutions internationales.Dans le Pacifique, trois organisations peuvent faire l’objet d’aménagements linguistiques, le Forum des îles du Pacifique, la Commission du Pacifique Sud et le Programme régional océanien de l’environnement. Les deux dernières ont adopté deux langues de travail, l’anglais et le français. L’utilisation des langues vernaculaires se pose. Il y aurait près de 2 000 langues en Océanie dans son acception la plus large. L’archipel calédonien compte 28 langues kanaks, les 4 les plus parlées étant enseignées. En Polynésie française, 7 langues sont parlées, le tahitien étant le plus parlé et utilisé à travers l’archipel comme le français.
Par ailleurs, dans l’Union européenne, les concepts juridiques anglo-saxons prennent l’ascendance sur le droit romain. Le fédéralisme progresse sans que les peuples soient consultés.
Dans le chapitre final, intitulé Les lanceurs d’alerte et l’écologie intégrale, Anicet Claude Biloa Ewodo indique que le concept de lanceur d’alerte date de la fin des années 1990. Bien avant son apparition dans l’espace francophone, les whistleblowers agissaient en Amérique. Des précurseurs avaient énoncé les enjeux écologiques dans la seconde moitié du XIXe siècle et dénoncé l’usage abusif des engrais chimiques. L’alerte permet de dévoiler des scandales et d’avertir la société des risques qu’elle encourt notamment dans le domaine écologique.
Le pape Jean Paul II a proclamé Saint François d’Assise le patron des écologistes. Sans être un lanceur d’alerte stricto sensu, le pape François attire l’attention du monde sur la nécessité d’une écologie intégrale.