La face cachée des mollahs : le livre noir de la République islamiste d'Iran

Recension rédigée par Christian Lochon


L’auteur, d’origine iranienne, dont la famille a été victime du Régime islamique (p.36) montre dans ce livre la menace constante de l’Iran pour la stabilité du Moyen-Orient (p.15) et dévoile les rapports entre les Frères Musulmans sunnites égyptiens et le Mouvement khomeyniste chiite. M.Razavi remonte à 1946 lorsque Navvab Safavi, fondateur des Fédayins de l’islam, rencontre Sayyid Qutb à Jérusalem en 1953 et accepte de représenter le Mouvement frériste en Iran. Il révèle à Khomeini les recommandations de Qutb sur l’utilisation du jihad pour éliminer les apostats et les non-musulmans, particulièrement les juifs (p.45). Safavi pendu en 1956, Khomeini devient le « Guide » de son mouvement (p.47). Quant à Ali Khameneï qui a également connu Safavi, il a traduit en persan A l’Ombre du Coran de Qutb et imposé sa doctrine dans les écoles de formation des Gardiens de la Révolution (p.49).

Mohamed Reza Chah part en exil en janvier 1979 et meurt au Caire le 27 juillet 1980. Khomeini revient en Iran le 1er février 1979 (p.65). Le Chah avait confisqué les propriétés des clercs et limité leur pouvoir (p.56) ; ils voudront se venger. Khomeini n’obtiendra son titre universitaire d’Ayatollah, accordé par ses pairs, uniquement pour le protéger d’une éventuelle exécution. Les Mollahs au début jouent une alliance avec des groupes marxistes pour se donner une image de démocrates (p.57). Le nouveau Régime confisque les biens des opposants et persécute les minorités religieuses comme les Bahaïs, ne voulant rien céder au nom d’une cause religieuse (p.67). Le Président de la République et le Parlement, élus au suffrage universel, n’ont pas de pouvoir. D’ailleurs les candidats à ces fonctions sont choisis par les Gardiens de la Révolution (p.58), qui sont une organisation paramilitaire crée en 1979, forte de 140.000 hommes, ayant relégué l’armée au second plan et s’étant emparée de plus de 60% de l’économie dans les domaines de l’industrie, de la défense, des télécommunications et de la construction (p.31). L’armée, forte de 400.000 soldats et 300.000 réservistes, est très contrôlée. A part les hauts-gradés, elle est moins idéologisée que les dirigeants civils. Ses systèmes de défense anti-aériens et de surveillance radar sont efficaces (p.119).

Les ventes de drones à la Russie, le trafic d’armes et de drogues au Proche-Orient, la course à l’enrichissement de l’uranium, par la République islamique, défient la Communauté internationale (p.121). L’Iran est une puissance déstabilisatrice (p.125). En fournissant du matériel militaire au Hezbollah, au Yémen, en Syrie, l’Iran veut montrer au monde entier qu’il est une puissance régionale de première importance (p.129) d’autant plus que son service de renseignements est excellent (p.131). Ainsi, le Hezbollah, les Pasdaran et les Services secrets iraniens se partagent régulièrement des données (p.148). L’Iran a aidé le Hamas à préparer l’attaque meurtrière du 7 octobre qui a fait 1400 morts et 2700 blessés israéliens sans doute pour neutraliser la normalisation des rapports entre Israël et l’Arabie Saoudite (p.198) et déclencher un mouvement d’ampleur contre l’Occident (p.204). Aujourd’hui, le détroit d’Ormuz considéré comme une des zones les plus dangereuses du monde, contrôlé par l’Iran et Oman, voit transiter près de 30% du commerce mondial d’hydrocarbures (p.181), soit annuellement 10.000 bateaux. La marine française y patrouille pour la protection du trafic maritime avec huit États européens (p.186) tandis que les Pasdaran y transportent l’héroïne, le hachich, les méthamphétamines et les armes pour les rebelles houthis du Yémen (p.192). L’auteur se demande pourquoi la justice internationale laisse le Corps des Gardiens de la Révolution continuer ce trafic (p.173).

Ces Pasdaran utilisent une procédure financière appelée « U Turn » (cf. le schéma p.222) pour le blanchiment d’argent par les Mollahs et autres séides du Régime qui passe par la Turquie puis par les fondations caritatives chiites aux États-Unis (p.153). Selon la Banque Centrale d’Iran, dix milliards $ auraient été envoyés au Venezuela, pays avec lequel la R.I.I. a des accords commerciaux (p.161). Au classement des pays corrompus, publié par Transparency International, l’Iran est, en 2021, 150e sur 180 États (p.155). En même temps, plus de la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté ; à cause du mauvais état du réseau de traitement des eaux usées, les deux tiers du pays sont en situation de stress hydrique (p.29).

Les Bassidjis, milice civile, sont chargés de contrôler la tenue islamique des femmes dans les espaces publics ; elles subissent des sévices si elles ne portent pas le hijab ou simplement critiquent l’obligation de le porter (p.68) mais l’ampleur récente de leur soulèvement depuis septembre 2022 a mis en péril le Régime iranien (p.36). L’assassinat en prison d’une jeune Kurde Mahsa Amini arrêtée pour ne pas avoir bien ajusté son voile a fait que les Kurdes ont joué un rôle important dans la révolte actuelle (p.97). Au nombre de 10 à 12 millions sur 88 millions d’habitants, de nombreux Kurdes se sont réfugiés dans le Kurdistan irakien pour s’enrôler dans deux Organisations, le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran, fondé à Mahabad en 1945 et le Komala, créé en 1969 se présentant comme social-démocrate (p.212).

La France est menacée par l’Iran. Il est loin le temps où Michel Foucault célébrait par idéologie en 1978 la « spiritualité politique » de Khomeini (p.23), que Times le célébrait « Homme de l’année en 1979 » (p.24), lui qui déclarera « Le jihad signifie la conquête des territoires non-musulmans » ou « Tout pouvoir laïque est un pouvoir athée, œuvre de Satan » (p.25). Dès 1983, Khomeini commandite au Liban l’attentat perpétré par le Hezbollah contre les soldats français des troupes du maintien de la paix, basées à Beyrouth, tuant 58 militaires puis suivent les attentats à Paris de 1985-1986 ayant fait 14 morts et 335 blessés pour obtenir la libération d’Anis Naccache (p.141). En France, les cibles demeurent des publications et des associations juives (p.202). Les Iraniens peuvent encore activer des cellules terroristes en France avec le Hezbollah mais aussi des groupes sunnites manipulés par Téhéran (p.94). De son côté, le Hezbollah, depuis que l’Iran a des difficultés à le subventionner, blanchit en Europe l’argent de la drogue en achetant des produits de luxe exportés vers le Liban et l’Afrique de l’Ouest (p.157).

La République islamique, née du mélange de l’idéologie frériste, du radicalisme chiite et des revendications foncières d’un groupe de clercs, s’est imposée au monde entier comme un État pratiquant la diplomatie du terrorisme (p.66). Aujourd’hui, les dissensions entre le Guide et les Pasdaran fragilisent le régime mais Pasdaran et Mollahs veulent préserver leur pouvoir et leurs fortunes acquis depuis 1979 (p.117). Plus la situation socio-économique se dégrade, plus le pouvoir iranien est enclin à se montrer belliqueux (p.195). Il est donc temps d’arrêter la machine infernale des mollahs (p.208), qui, face à des crises déstabilisantes, finira par tomber (p.179).

Le lecteur appréciera la chronologie résumée des événements de 1978 à 2023 (p.11), les cartes de l’Iran (p.10, 217,218) et les organigrammes des Services secrets iraniens et des Gardiens de la Révolution dans les annexes (p.215).