L'affaire de l'esclave Furcy : récit

Auteur Mohammed Aïssaoui
Editeur Gallimard
Date 2010
Pages 195
Sujets Littérature française contemporaine
Cote 57.173
Recension rédigée par Nathalie Cassou-Geay


C’est à l’âge de 31 ans, à la mort de sa mère née en 1759 à Chandernagor en Inde, que Furcy découvre qu’il a été affranchi vingt-six ans plus tôt. Né libre d’une mère libérée, Furcy se rend au tribunal d’instance de Saint-Denis de l’île Bourbon pour demander sa liberté, initiant ainsi, bien avant l’abolition de l’esclavage, un procès fleuve, totalement inédit.

Vingt-sept ans. C’est le temps qu’il faudra pour reconnaître la liberté de Furcy. À l’énoncé du verdict, on ne sait pas si le principal concerné est encore vivant.

Comme tant d’autres, dénommés « mulâtres », « marrons » ou « quarterons », Furcy est considéré comme un esclave, un meuble ; il ne sait pas lire ni écrire ; son histoire n’a pas d’intérêt à être consignée, si ce n’est dans les rapports comptables - achat, vente, amortissement.

Mais la revendication de Furcy va laisser des traces, discrètes et enfouies dans les archives : comptes rendus d’audience, rares lettres manuscrites… Totalement oubliés, ces documents referont surface en 2005, lors d’une mise aux enchères à l’hôtel Drouot. Le journaliste Mohammed Aïssaoui s’empare alors de cette « Affaire de l’esclave Furcy », fouille, creuse et, de traces indirectes en traces indirectes, reconstruit le fil, redonne à Furcy son statut d’être humain, sa place dans l’Histoire : un esclave intentant un procès à son maître.

Il faut louer la patience et la persévérance de l’auteur qui, malgré les difficultés, malgré les silences assourdissants de l’Histoire écrite, a exhumé Furcy et son destin.

L’île Bourbon est alors économiquement dépendante du travail des esclaves ; les grands propriétaires voient d’un mauvais œil les grandes théories humanistes de la Métropole. Les esclaves affranchis sont quant à eux jaloux de leur position sociale ; ils prennent plus souvent qu’à leur tour le parti des propriétaires, contre leurs « frères » moins chanceux qu’ils craignent de rejoindre dans la misère. Quant aux politiques, ils subissent la pression économique : leurs champs d’action sont finalement limités.

Et puis il y a de rares personnes, avocats, procureurs, qui se sont engagés, au risque de leur carrière : Furcy a bénéficié de l’honnêteté et de l’engagement du procureur général Gilbert Boucher et de son substitut Sully-Brunet. Ils y laisseront leurs ambitions. Mais grâce à eux, le procès de Furcy contre son maître traversera les siècles.

Une enquête passionnante, un témoignage historique important et un compte rendu précis des enjeux et des luttes de pouvoir de l’époque, voici ce que nous offre à lire Mohammed Aïssaoui, qui remplit les blancs avec modestie et honnêteté.

L’Affaire de l’esclave Furcy montre magistralement l’intérêt des archives, du travail de l’historien, de la recherche dans les vieux documents pour, pourquoi pas, exhumer d’autres destins tels que celui de Furcy.