Les papillons du bagne

Auteur Jean Rolin
Editeur P.O.L
Date 2024
Pages 198
Sujets Littérature moderne et contemporaine
Romans

France
Cote 68.437
Recension rédigée par Guy Lavorel


Le titre même illustre le paradoxe : comment des bagnards peuvent-ils aller à la chasse aux papillons ? Et la violence rencontrer « un loisir d’enfants sages ou de vieux cinglés » ? Mais ce n’est pas tout : comment en allant sur la Côte d’Azur, peut-on se retrouver en Guyane ? Affaire de papillons, et aussi histoire d’un film sur un certain Papillon, avec un effet d’humour… En fait c’est encore plus car on va de Katherine Mansfield à Wladimir Nabokov et de nombreux entomologistes sont des références de cette recherche de morphos, aux célèbres teintes bleutées : Alfred Russel, Wallace, Eugène Le Moult entre autres... On veut donc saisir un prétexte pour de multiples rencontres, de nombreuses anecdotes, sur une base de papillons mais c’est vite une quête d’explorateur du monde, des hommes dans leur curiosité et identité singulière, que leur fonction a conduit à chasser des spécimens particuliers de papillons et à s’y passionner.

On reconnaît donc dans ce récit, récit plutôt que roman, l’auteur des voyages et observations qui ont pu et peuvent, au quotidien, frapper son expérience de journaliste.

Que découvre-t-on alors dans cette promenade au sein d’un musée de la nature, offrant ses merveilles dans la variété de ses morphos ? Un kaléidoscope d’écailles multicolores, pour les uns, un méli-mélo de lépidoptériste, pour d’autres ? Certains y ont même vu une critique du colonialisme, sans doute pour être dans le vent. L’impression finale est plutôt une somme d’anecdotes qui se bousculent, un catalogue certes de papillons mais aussi d’événements autobiographiques, l’un dérangeant l’autre frénétiquement. Ce récit alors, même s’il se recommande de Proust, n’en atteint pas la virtuosité, et à force de digressions ou parenthèses, tombe inévitablement dans quelques circonlocutions, à la manière des circonvolutions d’un grand-flambé, sous le feu du vivant, d’« un désir irrépressible d’y aller voir »…

Après avoir serré le volume entre ses doigts, on épingle cependant, dans ces séquences hétéroclites, quelques pages plus savantes ou plus humoristiques, prouvant qu’on aurait tort de ne pas prendre en considération ce modeste voilier des airs…