Joseph Paul-Boncour (1873-1972)

Recension rédigée par Jacques Frémeaux


Cet ouvrage, publication d’une thèse préparée à la Sorbonne sous la direction des professeurs Christine Manigand et Olivier Dard, reprend l’ensemble de la carrière politique de Joseph Paul-Boncour qui fut une des figures importantes de la IIIe République dans l’Entre-Deux Guerres. Il fut notamment ministre des Affaires Étrangères dans les années cruciales 1933-1934, puis en 1936 et en 1938-1940. De sensibilité socialiste, adhérent de la SFIO, puis proche de la gauche du parti radical, il fut sensible au danger représenté par le régime hitlérien (y compris dans son racisme) et soutint le Front populaire. Mais, à l’exemple d’autres dirigeants qui partageaient ses convictions (Léon Blum, Albert Sarraut, Edouard Daladier), il n’eut pas la fermeté d’imposer une politique énergique, s’obstinant à faire confiance à la négociation et s’efforçant de consolider un système d’alliances fragile. Son action à la SDN, où il fut un représentant notable de la France, souligna un état d’esprit fait de beaucoup d’illusions. Bien qu’ayant voté contre les pleins pouvoirs à Philippe Pétain le 10 juillet 1940, il ne put retrouver de rôle après 1945 (l’auteur rappelle cependant que ce fut lui qui signa au nom de la France la Charte d’adhésion à l’ONU en 1945).

Ce livre est remarquablement documenté et sera sans doute appelé à demeurer un travail de référence. On peut regretter que le plan exclusivement chronologique choisi n’ait pas permis une synthèse générale sur l’homme, son réseau de relations et ses ressources. On note aussi que rien, dans ces pages, ne concerne la politique coloniale. On aurait aimé pourtant voir rappeler que les adversaires de l’Exposition coloniale de 1931 ne se privèrent pas de stigmatiser celui qu’ils appelaient « l’immonde Paul-Boncour », ce qui montre qu’il ne fut pas totalement étranger aux questions d’outre-mer.

Par ailleurs, même si l’on concluait à une indifférence totale de Paul-Boncour aux affaires coloniales, cette indifférence même aurait mérité d’être questionnée, car, avec celle de beaucoup d’autres, elle serait au cœur d’un processus aboutissant à l’incapacité des dirigeants d’aujourd’hui à reconsidérer leurs relations avec les pays de l’ancien Empire.