Auteur | Fidèle Allogho-Nkoghe (dir.) |
Editeur | Publibook |
Date | 2013 |
Pages | 454 |
Sujets | Décentralisation administrative Gabon Actes de congrès |
Cote | 59.369 |
La décentralisation est un des thèmes de prédilection de la réflexion politique en Afrique subsaharienne depuis le tournant du millénaire. Après les années sombres des ajustements structurels, les revendications démocratiques des années 1990 ont découvert dans la décentralisation une vertu salvatrice, l’antidote aux pouvoirs autoritaires des partis uniques et des présidents à vie. Le Gabon ne déroge pas à la règle. La loi sur la décentralisation de 1996, alimente le débat politique. Les 22 contributions rassemblées dans cet ouvrage collectif sous la direction de Fidèle Allogho-Nhoghe y participent.
Le Groupe de recherche en sciences humaines et sociales (GRESHS) de l’Ecole normale supérieure de Libreville est à l’origine de cette réflexion regroupant géographes, philosophes, économistes, historiens, anthropologues, politistes, réunis lors de journées d’études en mai 2011 autour du thème de la décentralisation et du développement. Précédées d’une brève introduction puis de la conférence inaugurale du maire de Libreville, ancien Premier ministre, Jean-François Ntoutoume-Emane, les communications abordent la question de la décentralisation selon différents points de vue et approches disciplinaires. Le principe de cette mise en perspective kaléidoscopique est excellent. Cependant, l’ouvrage n’échappe pas à d’inévitables redondances, chaque auteur se sentant obligé de définir les concepts - centralisation, développement local, aménagement du territoire, démocratie participative etc. On a ainsi l’impression de relire trop souvent la même chose. Une synthèse des différentes communications eût été plus efficace pour dégager les grandes idées relatives à une décentralisation dont tous les auteurs concèdent qu’elle n’existe que sur le papier.
Ces auteurs ont eu à cœur de montrer leur culture et leur habileté dialectique, rendant ainsi un bel hommage à la francophonie, même s’il y a quelque cuistrerie (ENS oblige) dans la recherche de formules frisant parfois l’amphigouri. De Platon à Tocqueville, de Rousseau à Marx et Weber, les références à de grandes figures de la pensée occidentale ne manquent pas. Mais au-delà de l’exercice de style, où sont les problèmes concrets de la décentralisation? Les contributions se limitent en effet à une présentation des principes de la décentralisation et à leur critique sans référence à la réalité de leur mise en œuvre, ni aux raisons de leur échec. On demeure dans le registre de l’institutionnel sans que les acteurs réels soient mis en scène, même dans les textes dont on attendrait davantage de retour de terrain, comme par exemple ceux qui s’intéressent aux chefs de quartiers, à l’éducation ou à la santé.
Le modèle français de décentralisation sert de référence sans que les auteurs s’interrogent sur son applicabilité au Gabon. Rares sont les contributions qui rappellent que le Gabon est un petit pays de moins de 1,5 million d’habitants, et qu’en conséquence la décentralisation n’y a pas la même signification qu’au Nigeria ou en RDC par exemple. En réalité, que cela soit clairement explicité ou en filigrane, les auteurs considèrent la décentralisation comme une réponse à la crise de l’Etat, violemment manifestée dans les années 1990. Ils concluent tous, plus ou moins nettement, à son échec, en omettant toutefois d’en analyser les causes structurelles. En la matière, l’émancipation du mimétisme institutionnel serait un préalable à une réévaluation de la nature du pouvoir prenant davantage en compte le contexte gabonais.
L’ouvrage laisse le lecteur sur sa faim car il relève essentiellement du discours, souvent brillant, parfois obscur, propre à un exercice académique. Les chercheurs de l’Ecole normale supérieure de Libreville ont montré leur habileté à jongler avec les concepts, la géographie gabonaise notamment s’y illustre par une vivacité intellectuelle de bon augure. Reste maintenant à revenir sur terre, à retrouver l’épaisseur de l’espace et des lieux, et l’effectivité des acteurs impliqués dans la décentralisation et le développement local.
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