Il s’agit ici d’une sorte de compte-rendu d’un colloque tenu à La Réunion en avril 2017. Il n’est pas précisément indiqué s’il s’agit « d’actes » proprement dits. Au demeurant, cela importe peu dans le cas particulier de cet ouvrage.Comme l’ont fait remarquer quelques invités d’honneur à ce colloque, le titre de l’ouvrage, même avec un point d’interrogation, pose au lecteur au moins une question : à l’heure où commença le Brexit, quelle était cette entité « Union européenne » qui pouvait être « puissance », modèle ou pas, dans l’océan Indien ? Il convient évidemment d’y « aller voir », pour s’exprimer familièrement.
Le lecteur même éclairé n’est pas forcé de connaître ces Éditions Clément Juglar, encore moins ces Actes de la Revue du droit de l’Union européenne. Les premières sont domiciliées à Paris et sont spécialisées dans la publication d’ouvrages juridiques et économiques, généraux ou plus spécifiques. Les seconds sont justement l’une de ces collections. Il est vrai que les ouvrages déjà édités sont encore peu nombreux. Mais revenons à celui qui fait l’objet de la présente note de lecture.
Les deux co-directeurs, respectivement professeur et maître de conférences à l’université de la Réunion concluent leur avant-propos comme suit : « Quels que soient le contexte et les circonstances favorables à sa réalisation, l’action de l’Union dans l’océan Indien célèbre à sa manière les retrouvailles entre l’Europe et cet océan bouillonnant qui a façonné l’histoire de l’Humanité ». Ils avaient auparavant expliqué que le positionnement de cette Union européenne a « de façon inédite et avec succès incarné un hard power dans la zone du Sud-ouest de l’océan Indien » et par conséquent a été un acteur majeur. Ce qui aurait échappé à toute recherche de type universitaire et aurait jeté néanmoins « les bases d’une discipline en formation : le droit européen de l’Outre-mer ». Soit, en d’autres termes, une Union européenne véritable et efficace acteur dans cette partie occidentale de l’océan Indien. Soit encore puissance modèle tout en étant modèle de puissance…
La table des matières annonce cinq parties ou chapitres
La première de ces parties reproduit les discours du Secrétaire général de la Commission de l’océan Indien, du délégué de l’Union européenne à Madagascar, d’un membre du Parlement européen. Nous passerons sans les commenter sur les discours introductifs de ces personnalités invitées, non parce qu’inintéressants mais parce que reflétant les positions officielles des organismes qu’ils représentent.
On notera cependant que cette première partie se termine sur « un rapport introductif » d’une dizaine de pages dont l’auteur, Jacques Ziller, professeur de droit à Pavie déclare « …si l’Union européenne est une puissance dans l’océan Indien, il s’agit d’une puissance commerciale qui peut être conçue en tant qu’elle est au service du développement ». À ce titre, le rapporteur évoque les objectifs de l’Union sur le plan commercial, ses compétences dans ce domaine, ses moyens d’action. Est-elle pour autant « une puissance commerciale modèle ? ». Elle doit évidemment protéger ses intérêts mais dans le traité de Lisbonne, après ceux-ci viennent les engagements relatifs à l’aide au développement et l’aide humanitaire.
Les autres parties traitent tout d’abord de « l’action horizontale », puis de « l’action verticale », ensuite de « l’action sectorielle » et enfin traite la question de savoir si l’Union européenne dans cet océan est un « modèle de sécurité, de droit et de démocratie ». Les différents types d’action évoqués ci-dessus peuvent paraître une systématisation un peu forcée, car les contributions qui s’y rapportent pourraient sans doute figurer sous l’un ou l’autre titre…Seule la section relative au « modèle » traite spécifiquement de ce que par son exemple l’Union européenne peut apporter aux différents États de la région.
Un « rapport de synthèse » conclut l’ouvrage, rédigé par Denys Simon (université Paris 1, co-directeur de la revue Europe). Il rappelle ses craintes a priori que le mot « puissance » ne fasse référence au concept de « grande puissance », à laquelle se soumettre ou à imiter. Il pense après les deux jours du colloque qu’il s’agissait plutôt de régler « dans la gestion simultanée des deux pôles de la contradiction, c’est-à-dire dans une approche vraisemblablement durable ». Ces deux pôles sont tout d’abord l’hétérogénéité par nature des relations mais aussi la quête de part et d’autre de la cohérence dans les relations. Une Europe qui continue à se chercher, une région aux multiples États, certains chatouilleux sur les appels au respect des droits de l’homme et de la démocratie. « …la modélisation du rôle de l’Union européenne dans la zone nous semble ainsi procéder davantage des moyens mis au service d’un projet de la mise en cohérence… ».
En d’autres termes, dans ce « modèle de puissance ou puissance modèle », chacun des nombreux partenaires devrait trouver matière à perfectionner ses propres constructions : l’Europe et la région, la première en continuant à se construire, la seconde à découvrir ses logiques internes.
On le voit, et l’un des intervenants l’a dit, nous sommes dans un « chantier » en construction qui pourrait appeler d’autres colloques. Chantier pour l’Union européenne qui pourrait ainsi améliorer sa ou ses doctrines de relations géopolitiques ou géostratégiques. Chantier pour la région, laquelle implique au moins le France via sa présence au moins départementale mais aussi d’autres États en recherche de politique régionale plus ou moins coordonnée.
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