Rhétorique nègre au XVIIIe siècle : des récits de voyage à la littérature abolitionniste

Recension rédigée par Jean Nemo


L’auteur ne doit pas être confondu avec le David Diop, poète de la génération précédente, reconnu par Senghor et recueilli dans son anthologie, mort jeune, la trentaine à peine franchie.

David Diop dont l’ouvrage est ici recensé, appartient à la génération suivante. Romancier à ses heures (son dernier roman, « Frère d’âme » connaît déjà un certain succès), il est également un spécialiste de la littérature française du 18ème siècle qu’il enseigne à Pau. Ses publications, articles, essais, monographies, portent plus particulièrement sur le regard porté par les Français de l’époque et sur ce qu’ils font dire aux Nègres.

L’auteur s’explique par deux fois (dans un avant-propos puis dans son introduction) sur les objectifs de son ouvrage : non pas réellement parler de la « rhétorique nègre » (ou des nègres), comme une lecture hâtive du titre pourrait le laisser croire, mais sur ce qu’ont fait dire aux Nègres, au XVIIIe siècle, les récits de voyage, les missionnaires, les esclavagistes et les abolitionnistes, les philosophes.

Le parcours se fait en trois parties, soit autant d’angles d’attaque : la rhétorique non pas des Nègres, mais celle des récits de voyage, celle de ce qu’y est rapporté de la parole des Nègres dans ces récits (« mots et bons mots africains… »), deux parties suivies d’une troisième et dernière, ou comment les dires des Africains sont « fictionnalisés » comme « autres » dans la littérature et l’iconographie notamment abolitionnistes et donnent lieu à « dialogues » entre Européens et Africains.

La lecture de ce savant ouvrage est facilitée au lecteur « honnête homme » (celui d’aujourd’hui) par une introduction et une conclusion propres, résumant et proposant une synthèse des pages qui figurent entre elles.

Pour l’essentiel, on retiendra que la « rhétorique nègre » s’apparente le plus souvent, dans les récits de voyage comme dans la « rhétorique européenne, philosophique et/ou abolitionniste », à la meilleure fiction romanesque.

De nombreux auteurs de l’époque ou de celle qui l’a de peu précédée sont convoqués. De ce point de vue, l’« honnête homme » (celui d’aujourd’hui) » trouvera une mine à explorer sans risque de s’égarer : de l’abbé Prévost au Père Labat, du Père Fauque à Bernardin de Saint-Pierre, sans oublier Sébastien Mercier ni l’abbé Grégoire, qui tous eurent un regard bienveillant sur la parole des Nègres mais très souvent paternaliste et par conséquent hiérarchisée. Remarque qui n’est pas tout à fait celle de l’auteur mais bien celle de l’auteur de la présente note.

Pourtant le premier commence sa conclusion générale par la phrase suivante : « Cet ouvrage porte un éclairage sur le sens et les différentes expressions de la mise en rhétorique du discours de l’Autre africain aussi bien dans les relations de voyage européennes en Afrique que dans la littérature qui s’inspirent de celle-ci ». Soit un discours fait plus pour satisfaire le public de l’époque, aimant le « bien écrire », soit tout sauf de l’Histoire.

Bon appareil critique, approche comme on l’a vu intéressante voire originale, à recommander au lecteur déjà suffisamment familier et du XVIIIe siècle et d’une anthropologie qui n’existait pas encore.