Missionnaire intrépide : Paul Seitz, évêque de Kontum, Vietnam, 1906-1984

              Évêque de Kontum et des Hauts Plateaux du Vietnam, Mgr Paul Seitz avait donné, après son expulsion par le régime communiste conquérant du Sud, un témoignage, Le temps des chiens muetsen 1975, sur lequel la bien-pensance de l’époque avait préféré ne pas s’apesantir.

              Les « chiens muets » qu’évoque la Bible sont ceux qui se gardent d’avertir, d’aboyer, de remplir en somme leur rôle, qui est selon l’exhortation de Saint-Paul à Tite, de parler « à temps et à contre-temps » : il n’est pas impossible qu’à cette époque ou l’Église post-conciliaire cherchait ses marques, certains dans l’épiscopat français aient pris la responsabilité d’empêcher l’évêque missionnaire, de retour en Europe, de se voir confier par Rome l’apostolat officiel envers la diaspora des vietnamiens qu’il avait tant servis.

              Né en 1906 dans une famille alsacienne ayant opté pour la France, Paul Seitz, après un service militaire au Maroc qui l’a marqué, entre au Séminaire des Missions étrangères de Paris. Desservi par des épreuves de santé, il est ordonné tardivement, vers la trentaine, pour être envoyé au Vietnam, à la veille de la guerre. Là, et avec les principes du scoutisme qu’il a pratiqué, son tempérament d’entraîneur d’hommes et de bâtisseur va se déployer en création d’œuvres : au service des enfants des rues et de la jeunesse abandonnée, au service de ses paroissiens de la cathédrale d’Hanoï dont il sera nommé curé, avant d’être consacré évêque de Kontum en 1952.

              Tout au long des années difficiles qui vont de l’invasion japonaise à la prise de pouvoir des communistes dans le Nord, puis dans tout le Vietnam, au milieu des destructions de la guerre, des déplacements de population, des épidémies, de la pression des pouvoirs en place, son courage souriant ranime, rebâtit, soutient les chrétiens et les autres, ces populations attachantes que d’aucuns exploitent ou ont exploitées, mais au service desquelles il s’est donné sans retour.

              Quand ce retour lui est imposé, il aura à souffrir de l’indifférence en France, de ceux qui, trop souvent, « ont fait de la pratique de leur foi une assurance tous risques »… Témoin apprécié par les Papes, il ne restera jamais « en chômage » et continue de servir, dans l’espérance, avec une fermeté dénuée d’amertume et une charité sans repos. Il meurt en 1984 et aura été, selon le cardinal Lustiger « un de ceux qui auront fait le plus d’honneur aux Missions étrangères de Paris au XX^e siècle ». Nouveau Monsieur Vincent ou Jean Bosco du Vietnam, Mgr Seitz est fait par la République officier de la Légion d’honneur. Il tenait que
 « risquer sa vie une fois par semaine, ce n’est pas de l’héroïsme, c’est de l’hygiène mentale ».

              Sa biographie se fonde ici sur les documents de première main, lettres, journaux et carnets, témoignages inédits, mis en œuvre par Dom Jean-Louis de Robien. Ce bénédictin de Fontgombault, aujourd’hui à Randol, a connu Mgr Seitz qui avait lui-même passé un temps de formation à Fontgombault quand cet établissement était encore un séminaire, avant de devenir abbaye bénédictine en 1948.

              Une biographie peut devenir hagiographie si elle donne à discerner l’action de Dieu à travers celle de ses serviteurs. Lecture édifiante ici? Lecture éclairante et passionnante pour tous ceux qui préfèreront aux réussites éclatantes, toujours fragiles, l’inlassable volonté d’entreprendre, repartir, labourer, malgré les échecs apparents qui peuvent être promesses de résurrections et de moissons futures, si l’on se confie en «la petite fille espérance».

              Le lecteur décidera, selon ses propres choix, mais le récit centré sur quarante années de la vie du Vietnam, à travers l’action d’un des plus zélés serviteurs de ses populations, ne laissera personne indifférent.