Marocs : roman historique

Auteur Michel Thouillot
Editeur L'Harmattan
Date 2015
Pages 273
Sujets Maroc
Roman
Cote 60.533
Recension rédigée par Henri Marchal


            Le titre de l’ouvrage « Marocs » au pluriel peut surprendre. Au fil des pages, il prend tout son sens. Deux « Marocs » s’animent autour du Maréchal Lyautey avec les figures croisées du rebelle rifain Abdelkrim al-Khattabi et du peintre Jacques Majorelle en quête d’orientalisme.

            Après un passage épisodique au ministère de la Guerre, Hubert Lyautey revient au Maroc en 1917. La beauté de Rabat dont il a fait la capitale du Protectorat le fascine comme aux premiers jours de son arrivée dans le pays. Mais l’orage de la rébellion gronde et l’inquiète. Dans la zone espagnole, Abdelkrim rassemble autour de sa personne les tribus du Rif pour engager un mouvement de libération. Au même moment, Jacques Majorelle débarque à Tanger à la recherche de dépaysement. Lyautey compte sur lui pour dessiner au sud un autre visage du Maroc, celui d’un pays berbère et montagnard.

            Le Rifain passe à l’offensive en 1921 contre les Espagnols qui lui offrent peu de résistance, mais il ménage les Français qui entendent se protéger d’une contagion sur les confins de leur territoire. Il négocie la libération des prisonniers espagnols pour une forte somme, qui fera dire au roi Alphonse XIII : « Elle revient cher, la viande de poule ». En prenant conscience de sa puissance, il abandonne sa position de neutralité tandis qu’ailleurs la pacification piétine. Dans le sud, les couleurs de l’Atlas exaltent l’imagination de Jacques Majorelle dont la peinture s’éloigne du bariolage folklorique de ses collègues.

            En 1925, après la débandade espagnole, l’ascendant d’Abdelkrim prend une telle emprise que Lyautey doit sacrifier les nobles principes de sa politique indigène et faire le choix de l’affrontement. De son côté, J. Majorelle se préoccupe, à la demande du résident, de ranimer les arts marocains. Mais, à Paris, on dénonce l’inefficacité de la guerre coloniale constructive comme Lyautey l’entendait. Il faut reconquérir le Maroc septentrional révolté par une action concertée avec les Espagnols en utilisant des moyens radicaux. Pétain se substitue pour la mener à Lyautey qui démissionne et regagne la France en octobre 1925. Abdelkrim cède sous la force de la violence qui lui est opposée et se rend à la France en mai 1926 pour échapper aux Espagnols dont il redoute les atrocités. En exil au Caire, il dira trente ans plus tard qu’ « (il) est venu vingt ans trop tôt ».

            Ce roman historique séduit par l’originalité d’une construction littéraire qui s’ordonne face à Hubert Lyautey autour du mouvement contraire d’un conflit et d’une rencontre. La lutte contre un pouvoir étranger contraste avec la recherche de l’Autre poursuivie par un peintre.

            Ce double rapport à l’autre entraîne le lecteur dans une réflexion soutenue par la qualité de l’écriture.