Libres et sans fers : paroles d'esclaves français : Guadeloupe, Île Bourbon (Réunion), Martinique

Recension rédigée par


           La condition des esclaves dans les « vieilles colonies » françaises est assez bien connue. La particularité de cet ouvrage est de n’avoir considéré comme source d’information que les dépositions en justice des esclaves de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion entre 1790 et 1848. Les esclaves déposaient « libres et sans fers », selon la formule de style, qui a donné le titre à l’ouvrage.

            Les archives dépouillées ne sont pas très nombreuses, et les maîtres et les esclaves concernés reviennent plusieurs fois au cours des développements. De la sorte, le lecteur retient le nom des maîtres les plus féroces, des esclaves qui connaissent les destins les plus tragiques.

            Sans surprise, on quitte ce livre avec une impression dégoût. Certes, les châtiments infligés aux esclaves font frémir. Il y a bien sûr le fouet, mais aussi des punitions moins connues : le sabot, le baillon, une sorte de mors, qu’une femme de quatre-vingts ans se verra poser ! Et que dire du cachot subi dans un « cercueil » d’un mètre de haut ? Une esclave passa vingt-deux mois dans un cachot.

            Mais les punitions ne sont qu’un versant de la maltraitance, et elles n’interviennent qu’à de certaines occasions. En revanche, la misère quotidienne des esclaves ne cesse jamais et elle est poignante. Le maître ne tire sa fortune qu’en mesurant chichement la nourriture et la garde-robe (si l’on peut dire) de ses esclaves. La misère rend compte de la tuberculose chronique dont presque tous les esclaves sont atteints. Leurs enfants peuvent leur être arrachés pour être vendus à un autre maître. L’avarice empêche souvent le maître de prévenir un prêtre lorsqu’un esclave entre en agonie, et lorsque l’esclave arrive au terme de sa triste vie, les efforts qu’il a déployés pour un autre qui l’a tourmenté au long de son existence sont récompensés par la fosse commune où il est enfoui sans cercueil.