France-Algérie, cinquante ans d'histoires secrètes

Recension rédigée par Patrick Forestier


Ces vingt-cinq ans d’histoires secrètes entre la France et l’Algérie résume une longue litanie de violences inouïes et de péripéties politiques qui auraient pu s’intituler un quart de siècle de mensonges, de désinformation et de coups tordus, qui ont eu lieu essentiellement entre les factions qui s’affrontaient de l’autre côté de la Méditerranée. La grande majorité des abominations qui se sont déroulées dans les années quatre-vingts dix en Algérie reposent d’abord, en effet, sur des luttes entre les formations politiques locales, en premier lieu le parti longtemps unique, le FNL, les chefs militaires et les islamistes afin qu’ils puissent conserver, ou gagner, le pouvoir avec les prébendes et la corruption qui l’accompagnent. « Tous les coups sont permis », sous-entendu entre Paris et Alger, est-il annoncé sur la couverture, laissant penser à une quelconque responsabilité de la France alors qu’elle n’était pas impliquée, sinon à la marge sur le plan des droits humains et des otages, dans cette sanglante tragédie qui s’est déroulée juste avant la fin du siècle dernier.

Depuis l’indépendance, les autorités françaises sont tétanisées à l’idée d’exprimer un point de vue politique sur l’Algérie, comme on l’a vu de nouveau lors de la chute de Bouteflika, à cause du syndrome post colonial. Une « continuité » rappelée par Emmanuel Macron au cours d’un bain de foule à Alger, raconté dans le livre, où le président français répond à un jeune algérien qui l’apostrophe. Le chef de l’état lui demande de regarder l’avenir plutôt que cette période concernant « les évènements », comme on disait à l’époque, où « nous n’étions, vous et moi, pas nés » ajoute-il en substance.

Cet ouvrage de vulgarisation s’apparente à une compilation de faits largement couverts par la presse, régulièrement reprise par l’auteur qui l’inclut comme partie prenante de son récit, qui n’apporte pas vraiment de nouveautés historiques sur cette « sale guerre ». Une époque où la France a été touchée au cœur par le terrorisme et l’assassinat des moines de Tibhirine, une tragédie largement développée sans vraiment, comme l’annonce pourtant la couverture, « d’histoires secrètes », cet enlèvement et l’exécution des religieux français ayant beaucoup été traités dans des ouvrages précédents. Les chicayas racontées dans le livre par le menu entre éditeurs, auteurs et transfuges de l’armée algérienne accusés de livrer des récits erronés dédouanent les services de renseignements, auxquels leurs homologues français, comme l’écrit Naoufel Brahimi El Mili, ne placent pas toujours, un euphémisme, leur confiance. La concurrence entre des ministres et les services secrets français pour libérer les moines est présentée comme étant à l’origine de leur assassinat par le GIA. Des représailles, en fait, parce que les agents, et l’état français, n’auraient pas tenus leurs engagements avec les chefs de ce groupe terroriste sanguinaire. Une thèse développée à l’époque à Alger, qui permet d’estomper la part de responsabilité de l’armée et des services algériens dans l’embrouillamini politico-sécuritaire qui a suivi le rapt. D’autres chapitres relatent les massacres commis par les islamistes dans la Mitidja, à portée de fusils des camps de l’armée, sans qu’on n’en apprenne guère plus. C’est justement sur les auteurs et les complices de ces tueries de masse, où les femmes et les enfants n’étaient pas épargnés, d’ailleurs passible d’être jugés devant une cour de justice internationale, que cette «enquête» manque d’information.

 Ce livre intéressera néanmoins ceux qui veulent retrouver les évènements les plus terribles qui ont marqué l’Algérie contemporaine. Le seul pays africain gouverné pendant près de soixante ans par un même régime, qui a entretenu des relations toujours compliquées avec la France, repoussoir censé être destiné à la jeunesse algérienne, peu abordée dans le livre, qui ne croit plus depuis longtemps la caste militaire au pouvoir depuis l’indépendance .