Timbo est morte ! : vie, mort et mémoire (Fouta-Dialo, Guinée)

Auteur Philippe David
Editeur Sépia
Date 2019
Pages 156
Sujets Fouta-Djalon (Royaume)
Histoire
Cote 62.482
Recension rédigée par Jean Nemo


Ancien élève de l’École nationale de la France d’Outre-mer (ce que ne précise pas la 4ème de couverture), Philippe David, ancien magistrat, fin connaisseur de l’Afrique où il fut affecté à divers titres (français et international), polygraphe au bon sens du terme (sa bibliographie est impressionnante), fort sensible à l’image ancienne et plus récente (il a présidé l’association Images & Mémoires), est aussi membre correspondant de notre académie.

L’auteur se livre ici à une monographie, elle concerne un ensemble politique, ethnique et religieux dont le nom ne parlera guère au lecteur peu familier à la fois de l’histoire coloniale et des grandes entités politiques africaines précoloniales.

Comme il le dit dans un avant-propos, « en guise de justificatif », avec l’ironie du sage âgé, ses premiers contacts avec la « capitale » du Fouta-Dialo (plus connu sur les cartes géographiques comme Fouta-Djalon) remontent à plusieurs décennies – restons discrets sur leur nombre – lorsqu’en stage au Sénégal, il voyait « passer à Tambacounda pendant plusieurs semaines le flot annuel des navétanes guinéens… ». Premiers contacts ensuite enrichis par la lecture des témoignages des premiers explorateurs blancs et français rapidement suivis des mises sous tutelle coloniale et sans trop de ménagements d’une théocratie, « état structuré original et unique, difficilement étendu et imposé aux populations autochtones… ».

Est-il utile de rappeler au lecteur que les Peuls, Fulbé ou Foulani et autres Diallo, leurs parents toucouleur, le plus souvent islamisés de longue date ont ici et là en Afrique de l’ouest et jusqu’au Cameroun constitué des entités politiques précoloniales originales englobant sous diverses formes de domination des populations « fétichistes » comme l’on disait naguère ?

L’ouvrage commence par une première partie, « Timbo régnante ». Elle rappelle les origines, en 1725, de l’État peul, les débuts guerriers et difficiles de Timbo, les « visiteurs » européens du XIXe siècle, celui d’avant la mise sous tutelle coloniale. Puis vient l’époque des « traités », préliminaires à la mise sous tutelle coloniale.

Très logiquement, la seconde partie s’intitule « Timbo captive », la Timbo du « protectorat » peu avant l’organisation coloniale proprement dite (cercles, subdivisions…) et la mise en valeur et les grands travaux de route par exemple. En 1911, un commandant de cercle s’écrie « Timbo est morte, « l’émouvante oraison funèbre, à peine anticipée, assez puissante en tout cas, assez émouvante, pour m’avoir inspiré le titre du présent ouvrage ».

La troisième partie, intitulée « Timbo en survie », décrit les avatars plus récents, ceux de l’indépendance notamment les affronts de Sékou Touré et de ses successeurs.

Avant de conclure, redonnons la parole à l’auteur pour ses propres conclusions : « Je voulais rendre hommage aux Poullo-Fouta de ma jeunesse et tenir mon projet d’apprendre qui ils sont et ce qu’ils furent… En remettant Timbo au goût du jour et dans le fil de son destin, juste le temps d’un livre, y suis-je un peu parvenu ? »

Certes, l’auteur y est largement parvenu dans cette relativement courte monographie. Laquelle renoue avec la tradition, en partie perdue aujourd’hui, du voyage de l’ethnologue photographe, celui qui outre les recherches en archives, se plonge dans le milieu objet de sa recherche, pratique l’écoute.

Sauf à paraphraser l’auteur, on ne peut reprendre dans le détail le contenu de cette monographie. Disons seulement – ce n’est pas un mince compliment – que l’on souhaiterait de nombreuses autres monographies de terrain du même genre, en et pour l’Afrique, avant que ne disparaissent les mémoires des anciens et leurs archives, fussent-elles modestes.

Journal de voyage, voire d’exploration à l’ancienne, cette monographie est accompagnée d’un appareil critique intéressant et – amateur d’images l’impose – illustré de photos à l’ancienne et d’une cartographie également à l’ancienne.