Les Français dans la Guerre de Sécession, 1861-1865

            Le livre sur les Français dans la guerre de Sécession que nous offre Farid Ameur, est un  grand livre, destiné à devenir un classique incontournable. Son auteur nous présente ici l'essentiel de la thèse de doctorat qu'il a soutenue en 2011 sous la direction d'André Kaspi et qui a déjà reçu le prix Duroselle, récompensant la meilleure recherche en histoire des relations internationales.

            Spécialiste de l'histoire des États-Unis, Farid Ameur est déjà l'auteur de plusieurs ouvrages sur le dix-neuvième siècle américain dont La Guerre de Sécession (2004), le Klu Klux Klan (2009), Sitting Bull (2010) et Gettysburg (2014).

            Malgré la complexité d'un sujet jusqu'à présent très peu exploré, cet ouvrage solidement construit est étayé par le dépouillement original de centaines de liasses d'archives puisées dans les fonds publics et privés tant américains que français. Au nombre des sources jusqu'à présent inédites se trouvent, du côté français, celles que recèlent les archives diplomatiques et consulaires du ministère des Affaires étrangères, celles des services historiques de l'Armée de Terre et de la Marine ; et du côté américain, celles de la Bibliothèque du Congrès et des archives administratives de Washington DC, du Maryland et de l'Université de Harvard. Mais pour le bonheur du lecteur, cette érudition confondante, mais très largement dominée, est en quelque sorte passée au creuset du style riche, précis, voire imagé d'un véritable écrivain qui manie avec art et mesure la citation directe des sources et le regard porté avec un certain recul.

            La préface signée par André Kaspi explique bien comment l'approche de Farid Ameur renouvelle une histoire de la Guerre de Sécession que l'on aurait plus croire déjà écrite, au moins dans ses grandes lignes politiques.

            Ici, les questions posées sont aussi nouvelles que l'angle de vue selon lequel l'auteur y répond. Qui étaient donc ces quelque 200.000 Français aventureux jusqu'à braver délibérément la consigne de neutralité imposée dès le début du conflit par un Napoléon III bientôt engagé dans l'expédition du Mexique ? Qui, espérant rééditer l'exploit de La Fayette, s'afficha dans les armées du Nord avec la brillante mais éphémère suite des princes exilés de la Maison d'Orléans ? Qui s'engagea au Sud avec le Prince de Polignac ? Quel accueil reçurent ces Français et quelle place leur fut réservée dans les armées qui se constituaient ?          Plus tard, quand le conflit atteignit ces degrés de confusion et d'horreur que les lois de la guerre de type napoléonien avaient rarement tolérées, qui furent ces illusionnés, ces crève la faim ou ces matelots français enrôlés de force ? Quel recours purent-ils espérer des consuls français accrédités par l'Empereur Napoléon III à New-York, Galveston, Richmond ou la Nouvelle Orléans ? Avec quelle rapidité, la technique militaire évolua-t-elle dans un pays où le service militaire n'existait pas avant la guerre, mais où la révolution industrielle permit très tôt la production d'armes performantes ? Quel statut tentèrent en vain de défendre et quels pillages subirent les colons français implantés en Amérique depuis plusieurs années, mais sans intention de perdre leur nationalité ?

            Avant de répondre à ces questions par des réponses trop élémentaires, ce livre met en scène un véritable caléidoscope de tempéraments français, depuis le fanfaron plus avide de parade que de sang versé dans la boue des orages ; depuis la sœur de charité qui brave les épidémies jusqu'au diplomate expérimenté qui cherche, à limiter au cas par cas l'ampleur des désastres personnels. Au total, ce livre superbe et très bien édité par les Presses universitaires de Rennes permet de mieux comprendre l'alchimie encore aujourd'hui quasi charnelle et affective des rapports franco-américains.