Eléments pour un dictionnaire historique du créole guadeloupéen Choukamo kréyol Gwadloup zouti

Recension rédigée par Michel David


 

 

            Dans cet ouvrage, le linguiste Hector Poullet se propose de rechercher les origines historiques et géographiques du créole guadeloupéen. A partir d’un échantillon d’un millier de mots il les classe en plusieurs sources, certains pouvant d’ailleurs se rattacher à la fois à l’une ou l’autre.

            La première est celle qui relève de l’héritage amérindien. Dans ce groupe se rangent les mots des langues utilisées par les peuples de la zone caraïbe qui y vivaient avant l’arrivée des Européens. Il s’agissait des Amérindiens des îles de l’arc des Antilles mais aussi de ceux du continent sud américain, nord du Brésil et plateau des Guyanes et du Surinam. Parmi les mots les plus typiques se rattachant à cette branche on trouve kannari (canari), marakoudja (fruit de la passion) et tabak (tabac).

            Les survivances africaines constituent la deuxième rubrique des mots du créole guadeloupéen. Il s’agit évidemment des langues parlées par les originaires des différents pays d’Afrique lors de la traite négrière, le ouolof, le fon, le bantou, l’éwé, le limpala, le yorouba et d’autres. Ainsi béké viendrait du mandingue et Kalalou est un plat encore très courant de Côte d’Ivoire et du Bénin. L’origine africaine n’est toutefois pas une certitude pour certains mots.

            Troisième composante du créole guadeloupéen, les survivances dialectales ou archaïsmes français. Les mots très nombreux qui figurent sous cette rubrique proviennent de différents dialectes des provinces françaises, surtout de l’ouest ainsi que des pays francophones dont le Canada. Certains sont empruntés au vocabulaire des marins du temps de la marine à voile. Citons au hasard bonbon (gâteau en créole), karé (champ), kambiz (cuisine).

            Les apports des langues indiennes (hindi, tamoul) sont plus difficiles à établir. En l’état actuel des recherches, on peut cependant leur attribuer l’origine d’un certains nombre de mots se rapportant à l’alimentation, tels que le chidé, le kolonmbo, plat typique de la cuisine créole, le madras et le vétivé (citronnelle).

            Une centaine de mots pourraient être d’origine anglaise. Certains ont été introduits dans le vocabulaire créole lors des périodes d’occupation par l’armée ou la marine de sa Majesté. La plupart cependant proviennent des nombreux échanges de biens et de personnes entre la Guadeloupe et les îles anglophones voisines, Antigua, Montserrat, Sainte Lucie, la Dominique et Grenade. La bigin, la danse bien connue viendrait de to begin, commencer. Parmi les plus connus on retient gaz et gazolin, gyob (petit travail), ponch (punch mot anglais issu lui-même de l’hindi).

            A l’espagnol est attribuée aussi l’origine de mots tels que bagas, la bagasse de la canne à sucre, gouyav de l’espagnol péruvien, Gwadloup nom d’un monastère d’Estramadure, kasav (le gâteau de manioc) et mawon, l’esclave marron (cimaron). Quelques mots enfin proviennent du portugais tels que bannann et kowosol.

            L’auteur ne se satisfait pas de cette tentative réussie d’analyse sémantique. Il espère qu’elle pourra susciter la réalisation d’un véritable dictionnaire étymologique du créole guadeloupéen. On  souhaite vivement avec lui que cet appel soit entendu.

            Pour le moment on doit souligner le grand intérêt des recherches d’Hector Poullet pour tous ceux qui parlent cette langue et qui désirent en approfondir les origines. L’auteur montre comment le créole d’aujourd’hui s’est construit par apports successifs au cours des ans. Auto engendré, si l’on peut dire, en absorbant ses différents héritages linguistiques, il est devenu une langue originale fière de la variété  de ses origines.

            Par les mots, c’est aussi toute une plongée dans le passé de l’île que nous offre cet ouvrage. L’influence caraïbe évoque la mémoire des lointains ancêtres ; les résurgences de l’histoire sont présentes à travers la langue parlée de tous les jours. En plus de la contribution à la recherche lexicale, c’est ce que nous découvrons à la lecture de ces « Eléments » du créole guadeloupéen.                                                                                                                 



 
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