Les gendarmeries dans le monde, de la Révolution française à nos jours

            Cet ouvrage est  le fruit des travaux de recherche menés depuis une vingtaine d’années sous la direction du professeur Jean-Noël Luc à l’université de Paris-Sorbonne (Paris-IV), en liaison étroite avec le service historique de la Gendarmerie. Il se recommande par son exigence méthodologique autant que par la richesse de sa documentation. Plutôt qu’un bilan, c’est une réflexion tournant autour du modèle de maintien de l’ordre représenté par la gendarmerie, d’abord française depuis sa fondation (1798), puis par d’autres institutions parallèles (y compris la gendarmerie japonaise) qui se développe tout au long des vingt contributions, précédées d’une synthèse stimulante et accompagnées de nombreuses annexes.

            Cette réflexion est particulièrement intéressante pour des spécialistes de l’outre-mer. On y voit en effet que la gendarmerie fut, avec bien d’autres institutions, un des articles d’exportation du modèle français, non seulement dans les colonies, protectorats ou territoires sous mandat (Syrie), mais aussi dans des pays soucieux de moderniser leur appareil d’État, avec les exemples emblématiques de l’Empire ottoman et de la Perse, mais aussi du Brésil et du Mexique. On y voit aussi que l’institution dite « gendarmique » (néologisme auquel on a peine à s’habituer !) a survécu à l’ère des impérialismes et s’est intégrée, dans  bien des cas, aux États indépendants (Cameroun, Mauritanie, et même Algérie).

            C’est l’occasion de réfléchir sur la manière selon laquelle des structures d’origine tout à fait externe, et par cela contestables, finissent par être adoptées en raison de leur efficacité. On se trouve là au cœur de la problématique des acculturations. La lecture ou la consultation de cet ouvrage, qui interroge l’histoire du monde contemporain à travers une question particulière (comment faire régner l’ordre au quotidien ?) est particulièrement stimulante à une époque où cet ordre apparaît partout comme risquant moins d’être subverti que submergé sous le flux des informations, des hommes et des produits.