Auteur | John Keene ; traduit de l'anglais (États-Unis) par Bernard Hoepffner |
Editeur | Cambourakis |
Date | 2016 |
Pages | 341 |
Sujets | Esclavage Roman Esclaves africains Roman |
Cote | 61.674 |
Ce livre paru en langue américaine en 2015 et plutôt rapidement traduit en français en 2016 représente, selon certains de ses commentateurs compatriotes une œuvre majeure, voire un monument.
Pour être plus précis, indiquons qu’œuvre majeure ou monument, il s’agit de littérature afro-américaine. Tout d’abord parce que John Keene est né à Saint-Louis dans un milieu assurément typé, que par ses études secondaires comme dans ses activités littéraires, chorales, artistiques, il a appartenu ou appartient encore à des groupes dont l’intitulé comprend souvent le mot « dark ».
Si l’on ajoute que, dans son cursus universitaire, il a été un spécialiste des études de littérature afro-américaine, qu’il a été membre d’un « African Poetry Book Fund », on aura compris qu’il se revendique de ses origines.
Le titre américain précise qu’il s’agit certes de Counternarratives mais se complète de l’annonce Stories and Novellas. Car John Keene est par ailleurs traducteur de brésilien vers l’américain.
Comme l’indique le titre américain complet, l’ouvrage n’est pas un roman mais une série de nouvelles ou de récits d’inégales longueurs, certains de deux ou trois pages, d’autres de plusieurs dizaines.
Les critiques américains vantent la richesse et l’originalité de l’écriture, on ne saurait ici se risquer à leur faire concurrence. En revanche, la traduction française est remarquable de finesse, de trouvailles stylistiques. Elle doit donc, si le traducteur est fidèle, refléter intelligemment la version originale.
Au-delà de ces considérations générales au point de risquer la banalité, revenons sur le fond et la substance.
Il est difficile de faire la part des « nouvelles » ou « récits » proprement dits de celle des « récits » inspirés par des faits réels.
Le tout premier « Mannahata » relève sans discussion du premier genre (histoire brève de moins de six pages) à la limite d’une sorte de fantastique, où un trappeur commerçant se perd volontairement dans une sorte de bayou à la recherche du peuple premier et laisse sous forme de croix un repère pour plus tard. Sans véritable introduction ni fin d’aventure.
Le second récit retrace de façon quasi journalistique un fait divers au Brésil, celui de la disparition d’un jeune homme retrouvé après une fugue nu et décapité. Dernier rejeton d’une longue lignée (elle remonte aux années 1620) de producteurs de sucre, les Londônia, la relation de ce fait divers est un bon prétexte à en retracer, en à peine plus de vingt pages, la longue histoire. Qui se termine avec le rejeton plus ou moins dégénéré, victime présumée de ses mauvaises fréquentations. Mais aussi par un fort bref appendice relatant la naissance et l’évolution de Sao Paulo, où affluèrent au fil des ans de fort nombreux « nordestinos », dont les Londônia et bien plus de descendants d’esclaves d’autrefois.
Un troisième, « Un aperçu des origines idéologiques de la révolution américaine », pourrait être inspiré de faits réels. La curiosité ici est qu’en fait, il s’agit de l’histoire d’un jeune Nègre marron, probablement métis, fugueur et voleur, qui s’évada à la veille de sa pendaison, un autre fut pendu à sa place pour assurer le spectacle.
Le dernier texte, « Les lions », n’a rien à voir avec ces aimables animaux. Il s’agit d’élucubrations incantatoires avec des variétés de style déconcertantes, depuis de très courtes phrases ou interpellations à de l’inconnu adressé jusqu’à deux ou trois pages, sans aller à la ligne, à la Proust.
Il n’est pas utile de citer toutes ces « Novellas », au nombre de treize. On ne saurait trop inviter le lecteur intéressé non pas par un exotisme de touriste à parcourir ce curieux monument littéraire. Il semble avoir été fait de pièces et de morceaux, sans aucune nuance péjorative dans cette expression. Car dans une postface « remerciements », on découvre que certains de ces récits ont fait l’objet de pré publications. Et l’auteur a bénéficié d’une bourse de la « Mrs Giles Whiting Foundation »pour parachever cet ouvrage. Ce qui laisse
sous-entendre sans difficulté que cette « foundation » a été convaincue de la qualité littéraire de son boursier. Le lecteur, du moins celui qui rédige cette note, ne peut que confirmer. Et encourager d’autres potentiels lecteurs à juger par eux-mêmes.
On notera que la toute jeune maison d’édition Cambourakis se signale par des trouvailles de ce genre mais aussi par la réédition d’ouvrages devenus introuvables mais qui marquèrent en leur temps.
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